Agnès Verdier-Molinié est la directrice de la fondation iFRAP et une fiscaliste renommée.
Elle vient de sortir un essai, La France peut-elle tenir encore longtemps ?, dont elle a exposé les thèses dans Le Figaro.
Nous empruntons 1 milliard par jour, 700.000 euros par minute, 334 milliards en 2021. La dette officielle va bondir, en 2022, à 2.800 milliards d’euros, 120 % du PIB, mais en réalité, en rajoutant les retraites des fonctionnaires, les emprunts garantis par l’État qui risquent de n’être jamais remboursés, la dette cachée atteint la somme faramineuse de 7.000 milliards, soit 300 % du PIB . Si nous consacrions la totalité du budget à rembourser notre dette, nous n’en serions débarrassés qu’au bout de 21 ans ! Effarant.
Pour l’instant, nous trouvons toujours des prêteurs pour nous avancer des fonds à des taux négatifs. Mais les fonctionnaires chargés de récupérer des fonds pour alimenter l’ogre budgétaire stressent de plus en plus, ils ont peur que tout craque, que les taux se tendent brusquement et reviennent vers 5 % l’an, ce qui serait une valeur plus conforme à la situation économique actuelle. Pour l’instant, nous empruntons principalement pour de courtes périodes de 13, 26 ou 52 semaines, les investisseurs étant prudents. Nous obtenons quelques emprunts à 10 ans (à -0,35 %), mais aucun, comme autrefois, n’a une durée de 50 ans ou de 80 ans.
La France a connu une première alerte en mars 2020. Les organismes sociaux, n’arrivant plus à placer leurs emprunts, se sont tournés en catastrophe vers l’Agence France Trésor, une petite structure d’une quarantaine d’experts qui lève les fonds de l’État. Avec la garantie de la France, tous ont pu à nouveau emprunter, mais l’alerte a été chaude.
Nous avons été sauvés par l’action de la BCE qui a racheté notre dette, la rendant sans risque pour les investisseurs.Tout cela ne va pas durer, ne peut pas durer. Les pays du Nord, plus vertueux, souhaitent que leurs budgets reviennent à l’équilibre vers 2022. Ils exigeront alors de la France et des pays du Sud que leurs déficits soient inférieurs ou égaux à 3 % du PIB. Ils auront les moyens de nous imposer cette politique en pesant sur la direction de la BCE. Si celle-ci ne rachète plus notre dette (ce qui va arriver inévitablement), les taux monteront à 5 % par an, nous dépenserons 140 milliards par an pour les intérêts. Insupportable ! Des impôts nouveaux seront alors votés en catastrophe, on prélèvera de 0,6 % à 10 % sur les dépôts bancaires et sur le capital, comme l’Italie l’a fait jadis. Nous aurons également, dans un deuxième temps, une hyperinflation qui suivra une période de déflation. Dans Le Monde ou Libération, des experts en désaccord avec Mme Verdier-Molinié affirment que tout va bien se passer, qu’au pire, on peut transformer la dette actuelle en dette perpétuelle à 2 % dont on n’aurait à régler que les intérêts (56 milliards par an) et dont on ne rembourserait jamais le capital. Mais, sans doute, sont-ils trop optimistes.
En outre, les Français sont plongés dans l’illusion de l’argent magique. De nombreuses voix, à gauche comme à droite, réclament un revenu universel, soit une dépense nouvelle comprise entre 30 milliards et 300 milliards, suivant sa générosité. Pour la financer, on compte sur l’emprunt. Folie absolue !
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