Gilead a commercialisé son Sovaldi, rare médicament contre l’hépatite C,
84 000 dollars (70 900 euros, pour trois mois de traitement) aux
Etats-Unis. GARO/PHANIE/AFP
Arte diffuse un documentaire accablant sur les pratiques des mastodontes de l’industrie pharmaceutique.
Novartis,
Roche, Pfizer, Johnson & Johnson, Sanofi : ces cinq mastodontes de
l’industrie pharmaceutique – respectivement deux suisses, deux
américains et un français – sont communément surnommés « Big Pharma ».
Leurs chiffres d’affaires annuels oscillent, en 2019, entre 45 milliards
et 70 milliards de dollars, soit des montants supérieurs aux PIB de
nombreux Etats.
De quoi se sentir flotter très loin au-dessus des lois.
Surtout dans le contexte, inédit, d’une pandémie, dont l’issue repose
sur la mise sur le marché, par cette même industrie pharmaceutique, d’un
vaccin fiable et accessible.
Ceux qui suivent l’actualité du secteur connaissent la plupart des affaires évoquées dans le documentaire Big Pharma, labos tout-puissants, réalisé par Luc Hermann et Claire Lasko.
Comme celle du Daraprim, médicament contre la toxoplasmose et le paludisme, dont le prix a bondi de 5 400 % en septembre 2015, sur décision de Martin Shkreli, gestionnaire d’un fonds d’investissement spéculatif.
Son cynisme désarçonne.
« Si je pouvais remonter le temps, j’aurais augmenté davantage le prix », déclare-t-il lors d’une audition publique, alors qu’il est accusé de fraude.
Dans
la même veine, on découvre comment Novartis a réussi à imposer « son »
Lucentis pour soigner la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA),
bien qu’il soit quarante fois plus cher que l’Avastin produit par son
concurrent et partenaire Roche – au terme d’une démonstration un peu
longuette.
Effets secondaires dangereux
Autre pathologie, autre pratique.
Le Sovaldi fabriqué par Gilead, rare médicament contre l’hépatite C,
a quant à lui été d’abord vendu 84 000 dollars (70 900 euros, pour
trois mois de traitement) aux Etats-Unis, puis 42 000 euros en Europe,
avant qu’un générique de Mylan n’obtienne l’autorisation de mise sur le
marché dans les pays en développement (80 euros) grâce, entre autres, à l’arbitrage de l’ex-ministre de la santé française Marisol Touraine.
Cette dernière intervient par ailleurs à propos du Kymriah (Novartis),
thérapie génique prescrite chez les jeunes leucémiques et facturée
320 000 euros.
Si
le prix est un levier de la puissance des laboratoires, il n’est pas le
seul.
Ils ont également besoin de « fidéliser » leurs
malades-consommateurs.
L’un d’eux, Johnson & Johnson, est
actuellement accusé aux Etats-Unis d’encourager une surconsommation,
potentiellement addictive, à un antidouleur à base d’opioïdes.
D’autres
n’ont pas hésité à nier les effets secondaires dangereux de leurs
produits.
Ce fut le cas des laboratoires Servier avec le Mediator, retiré du marché trente ans après sa mise en vente ; ou de la Dépakine, antiépileptique de Sanofi prescrit
à des femmes enceintes et responsable de troubles physiques et moteurs
chez des milliers d’enfants.
Parmi eux, le fils de Marine Martin, qui témoigne longuement de son combat.
Alors
que la toute-puissance de l’industrie pharmaceutique s’affirme au fil
des reportages, quelques changements semblent s’amorcer : Martin Shkreli a été condamné en mars 2018 à sept ans de prison. Dans l’affaire de la Dépakine, Sanofi a été mis en examen pour « homicides involontaires » en août 2020 ; en septembre, l’Autorité
de la concurrence a infligé une amende de 445 millions d’euros à
Novartis, Roche et Genentech pour pratiques abusives dans le cadre du
traitement de la DMLA.
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