Rester chez soi et prendre goût à l’isolement, à l’ennui.
Se divertir avec Netflix, Prime Vidéo, MyCanal pour les plus chanceux.
Sortir de
temps en temps, asphyxié par un masque. Avoir peur de l’autre, trouver
normal de changer de trottoir. Accepter de ne plus rêver,
paresseusement. Avoir un vague souvenir de ce qu’est la fête. Se faire
matraquer dans la rue à coups de PV. Abandonner tout projet. Se coucher à
22h30, bien bordé, après avoir été gentiment au restaurant.
Jusqu’ou peut-on accepter? À quel moment on se révolte? Qu’est ce qu’il faut attendre de plus, pour dire NON. Je refuse.
Pourtant on dit souvent non, on se bat, on s’indigne, on fait la grève
générale, on bloque, on s’enrage, il y en a du monde dans la rue quand
il s’agit d’être :
⁃ Contre la réforme des retraites même quand on y comprend walou
⁃ Contre la hausse du prix du pétrole même quand on y peut rien
⁃ Contre la baisse du pouvoir d’achat quand on a aucun impact dessus
Mille raisons, mille pretextes. Parfois absurdes. Parfois raisonnés.
Souvent inutiles. C’est beau. C’est notre force. Aujourd’hui on
s’attaque à nos droits les plus fondamentaux, on nous vole nos rêves, on
pille nos projets et on détruit notre volonté. Mais là, y a plus
personne. Même pas une mini manif. Même pas une toute petite pétition.
La France me manque. Est-ce qu’on m’a menti? 1789. 1848. 1871. 1944. 1968.
Comment peut on laisser faire? Tu es responsable. Je suis responsable.
On se contente, silencieusement. On nous proposerait de marcher à quatre pattes car au raz du sol, le virus est moins contaminant, qu’on hausserait les épaules avant de dire ….OK.
J’ai peur. Je n’ai pas peur qu’on crève tous par le virus, je n’ai pas peur de perdre mes proches, mais j’ai peur de ce nouveau sentiment en moi, cette paresse qui s’empare de mon corps, qui engourdit mon esprit, qui m’enlise dans une sorte de coma confortable. Est ce que vous aussi, une part obscure de votre cœur se réjouit? Chaque annonce est accompagnée d’un minuscule sentiment de soulagement. Qu’il est agréable de ne plus désirer, de ne pas avoir à jouir, à espérer. À vivre.
En mars, j’ai compris que je ne jouerai plus sur scène. Que le spectacle pour lequel je m’étais tant battu était terminé. Je ne l’avais pas décidé mais c’était la fin. Ce spectacle gênant drôle pathétique totalement imparfait que chaque jour je réinventais, où je déversais impudiquement ma vie, mon âme, qui me procurait tant de douleur, et qui faisait battre tout mon coeur, mon corps.
Je ne me suis pas révoltée. Je n’ai même pas éprouvé de colère. Avec langueur, je me suis dit que c’était peut être un bien:
être sur scène, c’est toute ma vie. C’est là que toute ma vie prend sens. Et aujourd’hui, j’accepte. Encore. J’ai honte.
J’ai écrit un livre. Une chanson pleine d’espoir. J’en écrirai d’autres. Je remonterai sur scène avec plus de joie, je transpirerai contre vous, et je vous postillonnerai tous mes microbes.
Et j’irai au resto, après 22h.
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