Il
y a deux semaines, passant devant les fenêtres ouvertes d’un immeuble,
sur le front de mer, j’ai entendu monter ce cri déchirant :
« Libérez-nous ! »
Le vœu du malheureux est exaucé : aujourd’hui est enfin venue l’heure de la libération.
Nous allons sortir à pas menus du confinement.
En principe. Si l’on veut bien. Ou pas.
Il paraît qu’après avoir tant râlé après ces mesures « dignes du
Moyen Âge » et ces odieuses atteintes à nos libertés fondamentales, 35 %
des Français ne tiennent pas à ressortir de chez eux.
Ou, du moins, pas
pour aller bosser ni mettre leurs enfants à l’école.
Par mon proche
entourage, j’apprends, par exemple, que l’école primaire de La Turbie –
un joli petit village perché sur la montagne, au-dessus de Monaco – ne
rouvrira pas.
Ce n’est pas monsieur le maire qui renâcle, non, ce sont
les instituteurs qui ont fait jouer leur droit de retrait.
Dans un
collège privé haut de gamme à Nice (1.000 euros de scolarité par mois et
dix élèves maximum par classe), il n’y aura sans doute pas de reprise
non plus, car sur la classe de sixième qui compte huit élèves, seuls
deux ont l’intention de rentrer.
Ce n’est donc pas la « distanciation
sociale » et les fameuses mesures barrières qui sont en cause.
Et pourtant, que ne dit-on pas sur les ravages du confinement et les
dommages psychologiques qu’il occasionne !
Ainsi ce papier du
HuffPost, le 6 mai, intitulé
« En confinement, deux mois à la maison peuvent traumatiser enfants comme adultes ».
Notez bien, c’est le Président qui l’a dit dans sa visite à l’école de Poissy :
« C’est très traumatisant. »
Sûr, si l’on vit à huit dans 40 m
2
; dans une vaste maison avec jolie piscine, comme bien des enfants de
La Turbie (nombreux y sont les enfants des footballeurs de l’AS Monaco),
c’est moins stressant…
Nous sommes traumatisés par le manque de socialisation, disent tous les bons docteurs qui se penchent sur notre sort funeste.
« Du
fait de l’isolement et de l’environnement morbide actuel, on est dans
une situation potentiellement traumatique, qui pourra entraîner des
séquelles : problèmes de sommeil, inquiétudes, angoisse, etc. », affirme la psy de service au
HuffPost.
Ce qui nous guette tous, petits et grands ?
L’horreur :
« Symptômes
de stress post-traumatique, confusion, colère, stress, dépression,
baisse d’humeur, irritabilité et insomnies sont autant d’effets
constatés lors de ces périodes d’isolement. » Ainsi,
« dans une
étude portant sur des enfants, ils ont constaté que ceux mis en
quarantaine obtenaient un score de stress post-traumatique quatre fois
plus élevé que ceux non isolés. À tel point que 28 % des parents
signalaient des symptômes laissant présager un trouble de santé mentale
lié à un traumatisme. »
Vous l’avez compris : deux mois de confinement, c’est pire que neuf
ans de guerre en Syrie.
Les réfugiés ne savent pas leur bonheur, eux qui
courent sur les routes à la recherche d’un abri : au moins, ils sont au
grand air !
Vous savez quoi ? J’ai honte.
Nous sommes un pays de chochottes
nombrilistes et pleurnichardes.
Nous employons à tort et à travers les
mots de la guerre et nous finissons par croire qu’elle est là. Nous nous
gargarisons de verbe pompeux, glorifions chaque soir les héros mais
n’osons plus sortir de chez nous.
Pire encore, quand cette lâcheté se drape dans les oripeaux de la
vertu sociale et politique.
Ah, ça, pour dénoncer, ça dénonce !
Mais
pour se retrousser les manches et « reconstruire » – puisqu’il paraît
qu’on sort de la guerre –, c’est une autre histoire.
Entre
la CGT qui saborde la reprise du boulot chez Renault
(avec la complicité de la Justice !) et ceux qui dénoncent les intérêts
du « grand Kapital » derrière le retour à l’école – on y renvoie les
enfants pour remettre les parents au travail et payer des dividendes aux
actionnaires, entend-on çà et là –, c’est le grand bal des tartuffes.
Il sera toujours temps de pleurnicher pour les millions de chômeurs à venir…
La faute aux autres, comme toujours.
Marie Delarue
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