Vendredi 15 mai 2020, un des sujets qui traversent l'ensemble des
médias français, tout au long dans la journée, est : « deux nouvelles
études montrent que l'hydroxychloroquine n'est pas efficace contre la
Covid ».
On va montrer ici que les journalistes ne savent pas lire les
études médicales et que le message ainsi diffusé est purement et
simplement mensonger.
La crise du Covid est comme un révélateur ou un miroir grossissant, elle exacerbe les mécanismes préexistants.
La crise du Covid est comme un révélateur ou un miroir grossissant, elle exacerbe les mécanismes préexistants.
C'est vrai du fonctionnement du
pouvoir politique et de la haute administration dépendant du ministère
de la santé.
Et ça l'est également de la presse française, qui s'enfonce
dans la superficialité et la suffisance.
On n'a jamais vu autant de
journalistes parler de science, et on n'a jamais vu autant de
journalistes dire autant de bêtises.
On va ci-dessous montrer une fois
de plus que la plupart d'entre eux ne savent pas lire un article
scientifique.
Pire : on va comprendre qu'ils ne jugent même pas
nécessaire d'apprendre à le faire, tellement ils sont pressés de
confirmer leurs opinions.
Un grand concert de copier-coller
C'était hier matin - 15 mai 2020 - sur BFMTV (télévision privée) puis sur France Info (radio publique), puis encore sur le site Internet de France Info (encore le service public).
Un grand concert de copier-coller
C'était hier matin - 15 mai 2020 - sur BFMTV (télévision privée) puis sur France Info (radio publique), puis encore sur le site Internet de France Info (encore le service public).
Et tout cela était nourri des
dépêches de l'Agence France Presse (AFP) tombées la veille au soir.
Dépêches qui nourriront au fil de la journée l'ensemble de la presse
dans un grand concert de copiés-collés.
BFMTV - fil d'actualités - 06h57 - Hugo Septier avec AFP : « Coronavirus : l'hydroxychloroquine n'est pas efficace, selon deux études ». Extraits :
BFMTV - fil d'actualités - 06h57 - Hugo Septier avec AFP : « Coronavirus : l'hydroxychloroquine n'est pas efficace, selon deux études ». Extraits :
« Selon deux études publiées vendredi, le traitement qui a fait couler beaucoup d'encre, ne semble en réalité pas efficace contre le Covid-19, que ce soit chez des patients gravement ou plus légèrement atteints. La première étude, menée par des chercheurs français, conclut que ce dérivé de l'antipaludéen chloroquine ne réduit pas significativement les risques d'admission en réanimation ni de décès chez les patients hospitalisés avec une pneumonie due au Covid-19. Selon la seconde étude, menée par une équipe chinoise, l'hydoxychloroquine ne permet pas d'éliminer le virus plus rapidement que des traitements standard chez des patients hospitalisés avec une forme « légère » ou « modérée » de Covid-19. En outre, les effets secondaires sont plus importants ».France Info avec AFP - 07h47 - « Coronavirus : deux études concluent à l'inefficacité de l'hydroxychloroquine contre le Covid-19 ». Extraits :
« L'hydroxychloroquine, traitement qui a fait couler beaucoup d'encre, ne semble pas efficace contre le Covid-19, que ce soit chez des patients gravement ou plus légèrement atteints, selon deux études publiées jeudi 14 mai. La première étude (en anglais), menée par des chercheurs français, conclut que ce dérivé de l'antipaludéen chloroquine ne réduit pas significativement les risques d'admission en réanimation ni de décès chez les patients hospitalisés avec une pneumonie due au Covid-19. Selon la seconde étude (en anglais), menée elle par une équipe chinoise, l'hydoxychloroquine ne permet pas d'éliminer le virus plus rapidement que des traitements standard chez des patients hospitalisés avec une forme « légère » ou « modérée » de Covid-19. De plus, les effets secondaires sont plus importants ».En version radio dans la matinale, à 08h30, les journalistes Marc Fauvelle, Renaud Dély (pour mémoire, celui qui avait traité les Gilets jaunes de « vermine » le 21 avril 2019) et Matteu Maestracci, au détour de leur interview du député d'extrême droite non-inscrit Louis Alliot, questionnaient ce dernier pour le soutien qu'il a affiché à l'endroit du professeur Raoult et s'empressaient de le contredire en affirmant : « les études internationales qui mettent en doute l'efficacité de l'hydroxychloroquine se multiplient, encore deux nouvelles études ces tout derniers jours qui démontrent que ce traitement n'est pas plus efficace et qu'il est même potentiellement plus dangereux sur le plan cardiaque ».
Ils en profitaient également pour prétendre que « les
médecins ne sont pas interdits de le prescrire », faisant mine d'ignorer
le contenu réel du décret du 25 mars et la différence entre médecine
hospitalière (où les médecins peuvent prescrire le traitement de leur
choix) et médecine de ville (où les médecins ne le peuvent pas).
Pour mémoire encore, le vendredi précédent (8 mai), France Info donnait la parole à Marie-Paule Kieny, directrice de recherche à l'Inserm, membre du CARE (le deuxième comité scientifique installé par le gouvernement le 24 mars), qui déclarait que « la plupart des études qui sortent disent que ça ne sert à rien et que ça ne marche pas » et renvoyait bien entendu à l'étude européenne Discovery qui pourtant est un fiasco et ne donnera jamais les résultats (quels qu'ils soient) annoncés pour la mi-mai depuis le mois de mars.
Que dire sinon que ces journalistes « vedettes » de France Info ont tout l'air d'être de très bons relais de la communication gouvernementale ?
Pour mémoire encore, le vendredi précédent (8 mai), France Info donnait la parole à Marie-Paule Kieny, directrice de recherche à l'Inserm, membre du CARE (le deuxième comité scientifique installé par le gouvernement le 24 mars), qui déclarait que « la plupart des études qui sortent disent que ça ne sert à rien et que ça ne marche pas » et renvoyait bien entendu à l'étude européenne Discovery qui pourtant est un fiasco et ne donnera jamais les résultats (quels qu'ils soient) annoncés pour la mi-mai depuis le mois de mars.
Que dire sinon que ces journalistes « vedettes » de France Info ont tout l'air d'être de très bons relais de la communication gouvernementale ?
Manque la preuve d'une telle hypothèse. Elle arrive.
Ce que disent (et ne disent pas) les deux études scientifiques en question
L'étude française (hôpitaux de la région parisienne), signée par une trentaine d'auteurs (dont le célèbre opposant à D. Raoult, F.-X. Lescure, en lien d'intérêt avec le laboratoire Gilead), a été initiée au moins de mars.
Ce que disent (et ne disent pas) les deux études scientifiques en question
L'étude française (hôpitaux de la région parisienne), signée par une trentaine d'auteurs (dont le célèbre opposant à D. Raoult, F.-X. Lescure, en lien d'intérêt avec le laboratoire Gilead), a été initiée au moins de mars.
Il ne s'agit pas d'une étude randomisée.
Elle porte sur 181 patients hospitalisés pour une pneumonie et ayant besoin d'assistance respiratoire.
Pour l'essentiel, 84 patients ont reçu de l'hydroxychloroquine dans les
48h suivant leur admission à l'hôpital et 89 autres n'en ont reçu
(c'est le groupe de contrôle).
Au 21ème jour après leur entrée à
l'hôpital, l'état de santé des deux groupes de patients comparés ne
présentait pas de différence significative.
Cette étude pose cinq problèmes.
Cette étude pose cinq problèmes.
Le premier est la faiblesse des effectifs.
Le second est le stade déjà avancé de la maladie.
Le troisième est que cette étude n'est pas randomisée, chose qui est reprochée en permanence aux études de l'IHU mais qui, ici, ne gêne personne (encore et toujours le « deux poids, deux mesures » que nous avons déjà mis en évidence).
Le quatrième - de loin le plus important - est que cette
étude ne teste pas le protocole Raoult puisque ce dernier d'une part
associe l'hydroxychloroquine avec un antibiotique (l'azithromycine, qui
est ici officiellement absente), d'autre part traite les patients dès
qu'ils sont testés positifs (pour faire baisser la charge virale,
sans attendre les premiers signes de détresse respiratoire).
Enfin, un
cinquième problème est encore plus sournois puisque les auteurs de
l'article ont tenté de le dissimuler (ce qui n'a pas échappé à l'équipe du prof. Raoult).
Ce problème est que, sans le dire dans la méthodologie exposée au début de l'article, l'étude française a en réalité donné à 15 patients une combinaison d'hydroxychloroquine et d'azithromycine.
Résultat (très favorable au protocole Raoult, donc déplaisant aux rédacteurs de l'article) : «
Aucun des 15 patients qui ont reçu une combinaison d'hydroxychloroquine
et d'azithromycine n'a été transféré aux soins intensifs et aucun n'est
décédé.
En outre, ces patients présentaient moins de signes graves à
l'admission que les patients ayant reçu de l'hydroxychloroquine sans
azithromycine ».
A notre connaissance, aucun des très nombreux
journalistes ayant commenté cette étude n'a relevé ne serait-ce qu'un
seul de ces cinq points (et certainement pas les deux derniers).
L'étude chinoise, signée par une vingtaine d'auteurs d'une dizaine d'hôpitaux et universités chinoises, a été initiée au mois de février.
L'étude chinoise, signée par une vingtaine d'auteurs d'une dizaine d'hôpitaux et universités chinoises, a été initiée au mois de février.
Elle porte sur
150 patients hospitalisés à un stade encore « modéré » de la maladie.
Durant 28 jours, la moitié des patients a reçu de l'hydroxychloroquine,
l'autre moitié non (groupe de contrôle recevant des « soins standards »
dont on ignore cependant la nature et qui ne sont pas nécessairement
exactement les mêmes que dans les protocoles « standards » français).
L'étude est randomisée.
Le résultat est l'absence de différence
significative dans l'évolution de l'état de santé des patients à l'issue
de la période l'observation.
Quel sont ici les problèmes ?
Quel sont ici les problèmes ?
Le premier est à nouveau la faiblesse des effectifs.
Le deuxième est le dosage de l'hydroxychloroquine (qui est le double de celui utilisé à Marseille). Le troisième est que, à nouveau, cette étude ne teste pas le protocole Raoult puisque ce dernier associe l'azithromycine ici absente.
Enfin, le quatrième problème réside dans les fameux « effets
indésirables » surtout « cardiaques » sur lesquels insistent tant les
journalistes cités.
C'est qu'ils n'ont lu que le résumé de l'étude et
non le texte intégral dans lequel il est clairement indiqué que ces
effets indésirables sont essentiellement des diarrhées (pour 10% des
patients sous hydroxychloroquine) et que les 2 seuls cas plus sérieux
consistent en des infections respiratoires et non des problèmes
cardiaques.
A nouveau, aucun des journalistes cités n'a relevé aucun de
ces quatre points.
Conclusion
Les deux études présentées comme des contradictions majeures aux arguments du professeur Raoult ne testent pas en réalité son protocole (ou cherchent à le dissimuler lorsqu'elles le font en partie). Elles sont de surcroît conduites sur de très petits effectifs (181 et 150 patients là où l'IHU de Marseille en a 3 292 dans sa cohorte au 15 mai 2020).
Conclusion
Les deux études présentées comme des contradictions majeures aux arguments du professeur Raoult ne testent pas en réalité son protocole (ou cherchent à le dissimuler lorsqu'elles le font en partie). Elles sont de surcroît conduites sur de très petits effectifs (181 et 150 patients là où l'IHU de Marseille en a 3 292 dans sa cohorte au 15 mai 2020).
Ces journalistes (qui sont parmi les plus connus) ne travaillent pas sérieusement,
ils déforment consciemment ou inconsciemment la réalité pour mieux
confirmer leurs préjugés.
Des préjugés qui coïncident parfaitement avec
la communication gouvernementale, raison pour laquelle Serge Halimi les appelait les « nouveaux chiens de garde »
il y a déjà quelques années. Chacun en tirera les interprétations qu'il
souhaite.
Mais les faits sont là et les lendemains de crise risquent
d'être douloureux pour cette presse.
Post-Scriptum
Pendant ce temps-là, aux Etats-Unis, sous la pression des médecins qui partout écrivent aux gouverneurs des États pour réclamer que l'on teste le protocole Raoult, le National Institutes of Health vient d'annoncer (14 mai) le lancement d'un grand essai clinique pour évaluer si l'hydroxychloroquine combinée à l'azithromycine peut prévenir l'hospitalisation et la mort liées au Covid-19.
Post-Scriptum
Pendant ce temps-là, aux Etats-Unis, sous la pression des médecins qui partout écrivent aux gouverneurs des États pour réclamer que l'on teste le protocole Raoult, le National Institutes of Health vient d'annoncer (14 mai) le lancement d'un grand essai clinique pour évaluer si l'hydroxychloroquine combinée à l'azithromycine peut prévenir l'hospitalisation et la mort liées au Covid-19.
Mais il n'y a peut-être
pas eu de dépêche de l'AFP à ce sujet ?
Article source publié sur Afrik.com le 16 mai 2020.
Article source publié sur Afrik.com le 16 mai 2020.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Ici, les commentaires sont libres.
Libres ne veut pas dire insultants, injurieux, diffamatoires.
À chacun de s’appliquer cette règle qui fera la richesse et l’intérêt de nos débats.
Les commentaires injurieux seront supprimés par le modérateur.
Merci d’avance.