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jeudi 7 mai 2020

Rendez-nous la liberté de la mer et de la montagne!




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FIGAROVOX/TRIBUNE - La fermeture au public des sentiers de forêt, de montagne et de littoral est difficilement compréhensible tant le risque de propagation du virus y est faible, observe l’historien Maxime Tandonnet.
Ces lieux où l’âme divague à loisir sont pourtant des espaces de liberté.

Parmi toutes les interdictions qui se sont abattues sur la France depuis mi-mars 2020, l’une est emblématique et est ressentie comme particulièrement choquante par les Français: celle de se rendre dans les espaces sauvages, les forêts, les montagnes ou les plages. 

L’interdiction de se rendre dans les forêts, les montagnes et les plages ne paraît pas avoir de fondement rationnel.

Les Français, dans leur ensemble, admettent vaille que vaille, en peuple docile, certaines suspensions de leurs libertés, y compris la plus précieuse de toutes, celle d’aller et venir où bon leur semble, dès lors que cette privation peut se justifier par la nécessité d’enrayer l’épidémie et de sauver des vies.
Ils acceptent le principe de leur assignation à résidence, une mesure privative de la liberté ; ils tolèrent de se soumettre à l’obligation de détenir un sauf-conduit et à des contrôles qui dérogent aux principes d’une démocratie libérale, dès lors que cette suspension de la liberté est temporaire, circonscrite dans le temps, et qu’elle est compréhensible quant à son lien avec la lutte contre la contagion.
En revanche, l’interdiction de se rendre dans les forêts, les montagnes et les plages, sans aucun précédent (à l’exception du bannissement du littoral sous l’occupation), ne leur paraît pas avoir de fondement rationnel.
Il est permis de se rendre dans des magasins, de prendre les transports en commun bondés, de marcher dans la rue ou dans les espaces publics.
Mais pourquoi les lieux sauvages, où justement l’espace est sans limite - la France compte 5041 km de côtes sablonneuses, et des sentiers de forêts ou de montagne immesurables - sont-ils strictement prohibés?
 La morale du troupeau se réalise avec une acuité particulière dans le contexte de la crise sanitaire.

De fait, le risque de la contagion dans les espaces sauvages infinis est faible sinon inexistant comparé à l’entassement urbain des bus et métro qui est autorisé.
«Il vaut mieux éviter la tentation» leur dit-on.
Cela signifie-t-il que les Français sont considérés comme assez inconscients ou stupides pour songer à s’entasser comme au mois d’août sur la Côte d’Azur?
Ou bien que, dans un étrange élan de superstition, la population serait vouée à une grande cure de repentance ou de pénitence nationale face au mal invisible qui frappe le pays?
L’explication de cette interdiction de fréquenter les forêts, les montagnes ou les plages est d’une autre nature.
La France est depuis longtemps et de toute évidence entrée dans une logique totalitaire, non pas au sens des régimes sanguinaires du XXe siècle, fascistes ou soviétique, mais au sens de l’obligation de nivellement et de conformisme.
La morale du troupeau ne date pas d’aujourd’hui, mais se réalise avec une acuité particulière dans le contexte de la crise sanitaire.
Ces espaces sont considérés comme inadmissibles car ils se prêtent à la solitude voire à la réflexion solitaire.
Elle ne vient pas uniquement du sommet de la pyramide car elle s’exprime aussi dans le comportement des détenteurs locaux d’une autorité, d’un pouvoir bureaucratique, des petits chefs zélateurs, qui n’hésitent pas à surenchérir sur les ordres venus d’en haut, ou bien dans la tentation de la délation, de dénoncer son voisin dont l’heure réglementaire d’autorisation de sortie est dépassée, ou encore dans ces reportages télévisés accusateurs qui pointent les Français supposés indisciplinés dans les gares ou les parcs.
La forêt, la montagne ou la plage sont des espaces qui se prêtent à la solitude voire à la réflexion solitaire.
C’est pourquoi ces lieux sont si étrangers à beaucoup, au regard de la morale du troupeau qui triomphe en ce moment.
 L’horizon marin est aux antipodes des barreaux d’une prison.
Le promeneur en forêt songe à tout sauf à la soumission au prince et aux normes sociales supposées régenter son comportement.
Le randonneur en montagne côtoie le ciel et les nuages sans l’autorisation du pouvoir.
La plage est symbole d’évasion.
«Homme libre, toujours tu chériras la mer!» écrivait Baudelaire.
La liberté a goût du vent salé, des embruns et du cri des mouettes.
L’horizon marin est aux antipodes des barreaux d’une prison.
 Un esprit qui vagabonde au-dessus des eaux en direction de l’infini n’est soumis à aucun lien, aucune servitude.
La solitude du promeneur est un pied de nez à l’abrutissement des écrans de télévision, au conditionnement de la propagande, à l’instinct grégaire et à la chicote de bureaucrates tatillons.
C’est pourquoi, l’image d’hommes et de femmes ou d’enfants marchant dans la forêt, sur les sentiers de montagne ou au bord du littoral, leur est insupportable, inacceptable, intolérable.
Elle détonne sur la morale du troupeau qui est censée régenter nos pensées et chacun de nos faits et gestes.

lefigaro.fr

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