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mercredi 20 novembre 2019

L’inondation de Venise n’est pas due à la montée des eaux résultant du changement climatique

 

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La Cité des Doges vient d’être submergée par une acqua alta exceptionnelle pendant laquelle le niveau de l’eau est monté à 1,87 mètre, son deuxième record historique après celui du 4 novembre 1966 (1,94 m).
 
Le terme acqua alta dans la lagune de Venise désigne un phénomène de pic de marée particulièrement prononcé qui provoque la submersion d’une partie plus ou moins grande de la zone urbaine insulaire, survenant surtout à l’automne ou au printemps.
 
Connu de tout temps (le premier témoignage certain du phénomène remonte à l’année 782) cet événement naturel, est renforcé depuis l’ère industrielle par les activités humaines.
Mais on aura de la peine à trouver dans ces marées hors normes l’effet du réchauffement climatique ou de l’élévation du niveau de la mer censé en être la conséquence.
 
« Acqua alta » à Venise, un événement naturel
 
Du fait de sa configuration géographique « en cuvette » la mer Adriatique présente des amplitudes de marée plus importantes que le reste de la Méditerranée.
Aux causes astronomiques peut être ajoutée l’action locale des forts vents du sirocco ou de la bora, qui soufflant à travers l’embouchure du port de Venise de la lagune peut empêcher la mer d’en ressortir.
A ces phénomènes météorologiques aléatoires s’ajoute l’effet d’une oscillation de 20 à 30 cm de la déclinaison lunaire avec une  périodicité  de 18,61 années.
Cette oscillation a été mise  en évidence pour la  première  fois  par une étude de 1982[1] qui a dépouillé les enregistrements du marégraphe de Venise (San Stefano, puis Punta della Salute) de 1887 à 1908 et de 1972 à 1979.
 
Une élévation du niveau de la mer à Venise inférieure à la moyenne mondiale bien que renforcée par l’affaissement du sol

Le taux d’élévation du niveau de la mer à Venise est connu depuis l’installation en 1872 du premier marégraphe.
Le graphique ci-dessous (figure 1) montre une stabilisation de celui-ci (autour de 2,5 mm par an) après la période d’intense pompage de l’eau souterraine dans la période 1930-1970.
 
Venise aqua alta
Figure 1 : élévation du niveau de la mer 1900-2000. Source : Le risque de submersion historique à  Venise et le Projet MOSE (Institut des Sciences de l’Atmosphère et du Climat, Padoue, Italie)
Rappelons que les estimations les plus pessimistes évaluent à 3,3 mm par an l’élévation moyenne mondiale du niveau de mer.
Mais l’élévation du niveau de la mer n’est qu’apparent.
Elle est renforcée par l’affaissement naturel du terrain, lui-même significativement accentué j’usqu’à la fin des années soixante-dix par le pompage des eaux de la nappe phréatique pour alimenter le pool industriel du Port Marghera.
 
Figure 2 : Elévation apparente du niveau de la mer. Source : Le risque de submersion historique à  Venise et le Projet MOSE (Institut des Sciences de l’Atmosphère et du Climat, Padoue, Italie)
Selon l’étude de 1982 [2] déjà citée, la montée locale du  niveau moyen de la mer (27 cm depuis 1872), s’explique pour au moins 14 cm par des affaissements naturel (subsidence tectonique, inchangée depuis des millions d’années) et anthropique (pompage des eaux souterraines).
Une augmentation de la fréquence des inondations depuis le creusement du canal des pétroliers

La réalisation de la zone industrielle du port Marghera a aggravé le phénomène de l’acqua alta pour diverses raisons [3] dont notamment le creusement en profondeur du « canal des Pétroliers ».
Cet ouvrage a considérablement élargi la section de l’embouchure du port, augmentant par conséquent la quantité d’eau entrant dans la lagune.
La courbe de la figure 3 montre une accélération brutale du nombre des inondations après  1970, correspondant à l’excavation du Canal des pétroliers.
 
Figure 3 : Nombre d’inondations par an. Source : Le risque de submersion historique à  Venise et le Projet MOSE (Institut des Sciences de l’Atmosphère et du Climat, Padoue, Italie)
Toutefois les aménagements du Port Marghera ne furent pas la seule cause humaine à l’augmentation de l’amplitude moyenne des marées.
Parmi les plus significatives on peut citer : la construction du Pont ferroviaire des Lagunes (1841/46) ; l’exclusion de bassin de Chioggia du fleuve Brenta et la conséquente bonification de 2 363 hectares de zone de « barene » ; la construction de digues (Port de Malamocco, 1820/72 ; Port de S. Nicolò, 1884/97 ; Port de Chioggia, 1911/33) ; la construction du Pont de la Liberté (Ponte della Libertà) (1931/33) ; la création de la Riva dei Sette Martiri (1936/41) ; la réalisation de l’île artificielle du Tronchetto (superficie 17 hectares, 1957/61) et le doublement du pont ferroviaire (1977).
 
Conclusion
Les problèmes de  Venise paraissaient si  complexes, l’aggravation des menaces que l’insalubrité de la terre, l’humeur imprévisible des vents et  des eaux de la  mer, la fragilité des rivages et l’instabilité des courants faisaient peser sur les  établissements lagunaires fut jugée si sérieuse et  la  survie de la cité si incertaine que le  soin de trouver des idées salvatrices et d’en recommander l’usage fut  confié à une commission de Sages.
(Source UNESCO)
Cela se passait en 1399 [4].
La société industrielle si décriée aujourd’hui pourra-t-elle apporter la solution ?
L’UNESCO exhorte aujourd’hui à la relance du chantier MOSE (qui consiste en l’installation de 78 digues flottantes) lancé en 2003 mais qui reste pour l’heure inachevé du fait notamment d’un gigantesque scandale de corruption révélé en 2014.

[1] Influence des travaux récents sur l’ « acqua alta » à Venise, la réponse des marégraphes (OCEANOLOGICA ACTA. 1982)

[2] Influence des travaux récents sur l’ « acqua alta » à Venise, la réponse des marégraphes (OCEANOLOGICA ACTA. 1982)

[3] Avant tout, la majeure partie de la zone industrielle a été créée en valorisant une vaste étendue de lagune, servant précédemment de « barene » c’est-à-dire de petites îles à fleur d’eau qui servaient de « vase d’expansion » en cas de hautes marées. En second lieu, pour permettre aux pétroliers de rejoindre les quais de déchargement, a été creusé le profond « Canal des Pétroliers » qui part de l’embouchure du port de Malamocco et rejoint la terre ferme. Cette œuvre a considérablement augmenté la section de l’embouchure du port, augmentant par conséquent la quantité d’eau entrant dans la lagune.

[4] https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000092069

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