La grande bourgeoisie nous avait déjà servi ses marionnettes de la droite décomplexée et de la gauche honteuse, mais elles se sont très vite usées.
Emportées par le vent de l’impopularité, Sarkozy et Hollande, présidents ridicules, n’ont pas eu le temps de terminer leurs “réformes”, celles qui devaient permettre aux riches de tout balayer de notre modèle social et d’imposer pour de bon un monde dédié à leurs juteux profits.
La classe dominante a alors conçu Macron dès 2015 comme le parfait prototype de l’homme capable de tout liquider, mais avec le sourire : un parfait mélange entre gendre idéal et tueur à gage sans état d’âme.
Mais, telle la créature de Frankenstein, le robot bourgeois multifonction qu’est notre président s’est révélé truffé de bugs.
Incapable de masquer son mépris de la classe laborieuse, il a insulté les salariés dès qu’il le pouvait. Il a ensuite conçu des « réformes » agressives et beaucoup trop lisibles.
Il a attaqué tous les secteurs du travail à la fois, oubliant la plus que centenaire règle bourgeoise selon laquelle il faut diviser les métiers pour mieux régner sur l’usine.
Emporté par sa fougue de start upper et l’admiration dégoulinante de ses pairs, il n’a pas vu l’autre monstre qu’il engendrait par son action : un front commun de travailleuses et de travailleurs, d’étudiants et de retraités, s’unissant spontanément à cause d’une même violence à leur égard.
La « convergence des luttes », les syndicats et quelques partis y travaillaient mollement depuis 20 ans, Macron l’a faite.
Le 5 décembre, tant de colères à la fois vont pouvoir s’exprimer : Un vrai cauchemar pour les puissants !
Au “Palais”, comme disent désormais les journalistes, on tremble, paraît-il.
Brigitte Macron – dont l’histoire racontée n’a cessé de la rapprocher de Marie-Antoinette – aurait fort peur de ce magma de révolte.
Les proches de Macron redoutent décembre comme l’équipage d’un chalutier appréhende une vague légendaire.
Même Jacques Attali le dit désormais : « La France n’échappera à la révolution, et ne sauvera sa démocratie, que si les enfants de toutes les catégories sociales obtiennent enfin les mêmes chances d’exprimer leurs talents et de réaliser leurs projets » écrivait-il le 15 novembre dernier.
Rendez-vous compte : l’homme qui a propulsé Macron dans la commission qui portait son nom, déroulant le tapis rouge à l’avenir politique du futur président, parle désormais d’un risque de révolution !
Et que propose-t-il pour l’éviter ?
Donner à tous les enfants la même chance de réaliser leurs projets.
C’est très touchant, mais c’est trop tard.
Il fallait dire ça quand les lois instaurant Parcousup puis la réforme du bac allaient passer, car désormais le peu d’égalité des chances existant dans ce pays a été réduit à néant pour que les enfants de bourgeois soient tranquilles entre eux en allemand LV1.
La créature miracle lancée par Attali a détruit tout espoir individuel de la jeunesse populaire, et être jeune sous Macron donne envie de mourir.
L’hiver va venir et Attali – ce grand visionnaire, nous disent les journaleux – pourrait avoir raison. L’arme de la grève générale pointe le point de son nez, et cette grosse Bertha des révoltes populaires pourrait tirer le premier obus d’une révolution, ce n’est désormais plus de la science-fiction.
Car pour qu’il en soit autrement et que l’ordre macroniste demeure, il fallait que le mouvement des gilets jaunes disparaisse avant que celui de la SNCF, des hôpitaux, de la RATP et de tous les secteurs touchés par la réforme des retraites (c’est-à-dire tous les secteurs) ne se lance.
Samedi 16 novembre aura montré l’inverse.
Il fallait voir les « analyses » de BFM TV le soir même pour s’en convaincre : la gorge nouée, l’ensemble des intervenants tentaient d’expliquer que les chiffres étaient décevants pour les gilets jaunes, que, certes, oui, bon, évidemment, c’était beaucoup plus qu’en avril dernier, que certes, bon, oui, évidemment, des cabanes se remontaient un peu partout sur les ronds points, et que bon, évidemment, oui, certes, décembre approchait et qu’une convergence était à craindre, mais que évidemment, bon, certes, oui, sans doute, on pouvait espérer que ça se calme.
Tout cela signifie que le gouvernement pourrait bientôt tomber comme un fruit mûr, Macron enfermé dans son palais à la moquette neuve et le pays paralysé, des salariés en grève au 4 coins de l’hexagone.
Puisque ce scénario n’est plus du tout improbable, que la bourgeoisie n’a aucune nouvelle créature multifonction à nous proposer en remplacement, sauf de vieux mutants baignant dans le formol côté extrême-droite, deux trois “socialistes” dégarnis et dépourvus de charisme ainsi que d’éventuels généraux vulgaires, on peut s’autoriser à penser une suite plus réjouissante.
On a le droit de rêver, non ?
Et si on ne le fait pas, le moment venu on se retrouvera au pied du mur, contraint d’avoir à choisir entre tous les ex-ministres et bourgeois mégalos qui viendront nous proposer leurs « services » pour ramener le calme et la concorde.
On vous propose quelques pistes de propositions et de réflexions, à développer ensemble, pour se préparer à l’après Macron :
1 – Séparer la politique de la bourgeoisie et des gros égos pour instaurer la démocratie :
Quand on sait que 80 % de l’Assemblée Nationale est composée de cadres et de professions intellectuelles supérieures, des tas d’aberrations semblent s’expliquer.
Que ces gens votent des taxes carburant sans penser à leur effet dévastateur sur le budget de la moitié la moins riche de la population s’explique par leur déconnexion logique de nos vies.
Qu’ils compatissent davantage aux problèmes fiscaux des riches à qui ils suppriment l’ISF sans rien exiger en retour, plutôt qu’aux contorsions administratives d’une chômeuse ou au niveau ridicule du SMIC s’explique également.
Bref, si on ne veut pas reproduire les travers du passé, il va vraiment falloir cesser de réserver la politique aux riches et d’enrichir les politiques.
Être élu ne devrait pas mériter tant d’honneur et tant d’argent.
Si l’on refait une Constitution, il faudra veiller à ce qu’elle donne naissance à un régime réellement représentatif, avec une multiplicité d’échelon de décision, avec de la démocratie directe (à tout niveau ?) pour éviter que les représentants ne s’arrogent tout le pouvoir.
Pouvoir les révoquer, limiter leur mandat, ce serait la base.
Et pourquoi pas des quotas sociaux dans toutes les fonctions pour éviter d’avoir une nouvelle assemblée de riches et un gouvernement de millionnaires ?
On a bien instauré la parité pour briser le monopole des hommes sur la politique, pourquoi pas des quotas sociaux pour mettre fin à celui des riches ?
Il faudrait également penser au fait que la politique attire les mégalos, les égocentriques et les obsédés sexuels et qu’on aurait tout intérêt à éviter d’introniser ceux qui pensent que leur belle tête les autorise à penser pour tous les autres.
Et si nous choisissons des représentants, multiplions les recours à la parole du peuple comme les référendums d’initiative citoyennes pour ne plus jamais se retrouver comme maintenant à subir les désirs d’un gouvernement impopulaire mais dans son bon droit.
2 – Rendre l’économie à celles et ceux qui bossent :
Le capitalisme s’est financiarisé, les patrons sont devenus intouchables et ce sont les actionnaires qui encaissent le fruit de nos efforts et de notre productivité record en Europe.
Chaque année la presse s’étonne vaguement d’un nouveau record atteint en termes de rémunération du patronat et de dividendes des actionnaires, alors qu’il n’y a rien de surprenant à ça : Tout notre droit du travail et des entreprises est fait pour que les salariés soient, au mieux, consultés sur quelques décisions, mais le reste du temps ils ne peuvent rien faire d’autre qu’obtenir des augmentations inférieures à celle de l’inflation et d’aller de burn out en burn out, car on réduit systématiquement les effectifs pour “réduire le coût du travail”.
Dans une nouvelle société, on pourrait faire plus que s’indigner quand un grand patron s’augmente sans raison aucune : On pourrait l’en empêcher, parce que les 70 % de salariés français qui travaillent dans une grande entreprise y auront repris le pouvoir.
De ce coté-là, il existe de nombreuses solutions possibles, de l’autogestion des entreprises à un droit de véto et de contre-pouvoir des salariés en leur sein.
Mais une chose est sûre : cessons de demander à l’Etat, c’est-à-dire à nos impôts, de compenser par des aides comme la prime d’activité les faibles salaires octroyés par nos patrons et nos actionnaires : reprenons l’argent à la source, là où le capital prend indûment le fruit du travail.
Ce raisonnement vaut également dans les entreprises publiques et les administrations où règne une oligarchie d’Etat composée de technocrates qui n’ont rien à envier, en terme de méconnaissance du terrain et d’inefficacité, à leurs homologues du secteur privé.
Libérons les hôpitaux des gestionnaires, rendons le pouvoir aux soignants, et ça se passera déjà un peu mieux.
3 – Désarmer les agences de propagande médiatique et démocratiser l’information :
Le moment venu, il faudra demander des comptes à celles et ceux qui n’ont cessé d’encadrer et de justifier l’action des gouvernements grands bourgeois.
Comment des rédactions de journaux fondées à la Libération sont-elles devenues des antennes préfectorales ?
Parce que leur destin financier a été confié à des grands capitalistes désireux d’ordre social bourgeois et de profit sonnant et trébuchant.
Et les deux se conjuguent très bien parce qu’en précarisant les journalistes pour les payer moins on leur fait faire un travail de merde où le recyclage de propagande gouvernementale constitue un précieux gain de temps par rapport à une enquête de fond et un reportage honnête.
Le jour où un journaliste pourra faire autre chose qu’aller interroger des usagers mécontents dans des gares pour parler d’une grève SNCF, on aura bien avancé.
Retirer la presse, la télévision et la radio des mains de leurs propriétaires privés et des amis de Macron pour le public (sa camarade de l’ENA qui dirige radio France et empêche la diffusion d’un clip informatif sur le référendum relatif à la privatisation d’Aéroport de Paris) représentera un premier cap.
Donner aux usagers un droit de regard sur leurs contenus serait une deuxième étape pour éviter qu’à nouveau la télévision mette en scène 70% de cadres dans ses programmes et quasiment pas d’ouvriers.
4 – On a un gros problème avec la police, et il doit être réglé :
Avec les gilets jaunes, la classe laborieuse française a découvert ce que l’on faisait vivre à sa frange la plus précarisée et la moins blanche, celle des “banlieues”.
Le harcèlement policier, l’impunité dont jouissent ceux qu’on appelle désormais les “FDO” – terme qui évoque davantage la milice gouvernementale qu’ils sont qu’une force de police chargée de la protection des populations – doivent nous interroger sur ce que pourrait être une police qui ne serait pas exclusivement dédiée à la protection d’un ordre injuste.
En cas de révolution, ce groupe que les gouvernements successifs ont de plus en plus choyé à mesure que leur pouvoir était contesté, va se sentir tout permis.
Samedi 16 on a pu voir la décomplexion de ses membres, qui tirent, frappent et gazent sans retenu aucune désormais.
Que faire de cette milice, et quelle police voulons-nous ?
On ne changera pas de société sans neutraliser la main armée de la bourgeoisie (une IGPN gérée par les citoyens serait déjà un premier pas.)
5 – Se sortir de l’impossible équation de la mondialisation et des traités européens :
Le contexte international et les traités dans laquelle les gouvernements ont volontairement enchaîné notre économie constituent l’argument ultime pour nous dire que notre révolution serait un doux rêve, car comme les Grecs en leur temps nous serions aussitôt contraints par l’Union Européenne et “la concurrence internationale” de déposer les armes sur l’autel du libre-échange.
Jusqu’à présent, l’ensemble des forces politiques nous a bercé avec de jolies comptines sur la possibilité de “changer l’Europe”, d’en faire une union sociale et humaniste, mais c’est impossible : L’UE a été conçue par et pour des marchands de charbon et d’acier, et son objectif principal aura toujours été de favoriser le développement du capitalisme sur le vieux continent.
Libéraliser toujours plus, privatiser à tout va pour permettre “la libre concurrence”, réduire le coût du travail pour faire face à la concurrence de la Pologne ou de la Roumanie ont été les seuls effets tangibles de la belle Union.
Une Union qui a toujours plu aux bourgeois, principalement, car elle faisait du bien à leur portefeuille et travestissait leur amour du profit en désir de paix et de concorde internationale.
Il en va de même pour le libre-échange : en ouvrant nos frontières aux marchandises, nos dirigeants ont pu mettre les salariés de ce pays face à un chantage permanent : on vous paie moins où on délocalise.
Et il faudrait croire que ces traités inégaux ont rapproché les peuples ?
Nos voisins nous aimeront au contraire davantage quand notre révolution nourrira leur propre imaginaire de colère et de révolte vers la leur !
Se poser ces cinq grandes questions nous semble être la condition minimale pour que la chute de Macron ne conduise pas à l’arrivée d’un nouveau Macron – qu’il se nomme Le Pen, Cazeneuve ou Juppé n’a d’importance que pour les bourgeois, pour la classe laborieuse cela reviendra toujours au même.
La politique, le système économique, les médias et la police sont les piliers de la domination de la petite minorité bourgeoise sur nous, les classes laborieuses (celles et ceux qui travaillent, celles et ceux qui sont privés de travail, celles et ceux qui ont travaillé toute leur vie).
Si nous en oublions un dans notre travail de transformation de la société, nous serons toujours ramenés à notre point de départ : nous aurons beau par exemple faire les institutions politiques les plus justes possibles – tirage au sort, jurys citoyens, Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC), les propositions ne manquent pas – de grands bourgeois conservant leur empire financier grâce au maintien de leur joug dans les entreprises parviendront toujours à en trouver la faille et à s’y engouffrer pour faire triompher leurs intérêts particuliers.
Leur mainmise sur les médias empêche quant à elle les citoyens de se parler et de se comprendre : La grande presse est devenue la bouche baveuse de la bourgeoisie et tant qu’elle ne sera pas reprise en main démocratiquement, il y aura toujours un groupe qu’elle nous demandera de détester, une polémique inutile et sale à commenter, un bouc émissaire à nous offrir pour que nous ne remettions pas en cause son pouvoir hégémonique.
Macron était le dernier recours de la grande bourgeoisie pour modeler la France et le monde à son image.
Sa chute pourra être pour nous le premier, depuis des décennies, pour changer la société.
Loin des luttes seulement défensives, des pétitions larmoyantes et des abstraites déclarations de principes, le moment n’est-il pas venu de s’autoriser à prévoir concrètement la société nouvelle que nous voulons ?
Les photos sont de Serge d’Ignazio
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