Apparemment, Boris Johnson va mal : le 3 septembre, après sa décision, ratifiée par la reine, de suspendre le Parlement, il perd sa majorité (très ténue) avec la défection d’un député.
Le lendemain, ses opposants, désormais majoritaires, font passer un texte interdisant une sortie sans accord.
Le jour même, une motion de sa part appelant à des législatives anticipées est rejetée.
Le 11, la cour d’appel d’Edimbourg juge que sa décision de suspension est « illégale », infirmant le jugement de première instance.
Malgré cela, Boris Johnson s’accroche. Il affirme toujours qu’il sortira le 31 octobre, avec ou sans accord.
A-t-il raison de s’obstiner, alors qu’il ne subit que des revers ?
Quel intérêt au maximalisme ?
Ne faudrait-il pas mettre « de l’eau dans son vin », chercher des « compromis » ?
Car, apparemment, Boris Johnson est « seul contre tous », selon Le Figaro. Mais l’est-il vraiment ?
On a la clef de sa stratégie dans une statistique, : 48 % des Britanniques sont prêts à une sortie sans accord.
S’il veut gagner, à court ou à long terme, BoJo n’a donc qu’une chose à faire : afficher sa fermeté sans faille, jusqu’à ce que le blocage soit tel que l’on soit obligé d’aller aux urnes.
Il doit attendre, car plus le temps passe, plus les contradictions de ses opposants deviendront manifestes : en effet, si les Britanniques se représentent à Bruxelles sans être prêts au pire, ils n’obtiendront aucune concession sur le point bloquant de la négociation : celui de la frontière avec l’Irlande.
Or, la solution concoctée autrefois par Bruxelles et Theresa May est celle du « backstop », un dispositif qui enferme la Grande-Bretagne dans une zone de libre-échange avec l’Irlande, et qui invalide l’ensemble du processus d’indépendance.
Cette non-solution, qui a fait tomber l’ancienne dirigeante, n’a aucune chance de repasser, et Bruxelles n’a aucune raison de lâcher quoi que ce soit de plus.
En effet, sa terreur, si frontière il y a, est que le conflit entre l’Irlande et l’Irlande du Nord ne ressuscite.
Elle est donc arc-boutée sur le « backstop », et sa position ne s’assouplira donc, peut-être, que si le pire semble possible.
Pour avoir une chance, Boris Johnson doit se mettre lui-même au bord du précipice.
Avec cette stratégie, il a ainsi l’espoir que, au pied du mur, Bruxelles sera finalement poussée à un compromis.
Mais pour cela, il doit d’abord obtenir des siens le mandat pour pouvoir faire, si nécessaire, son chantage au cataclysme.
Ce mandat, il l’a déjà de son peuple, mais pas de son Parlement.
Les parlementaires ne sont pas des idiots.
En attaquant BoJo, ils cherchent à « ouvrir les parapluies », à lui faire « porter le chapeau », pour ne pas apparaître comme responsables si jamais, demain, ça se passe mal.
Ils jouent leur carte personnelle et leur avenir politique, en trahissant au besoin le mandat qu’ils ont reçu du peuple.
BoJo, lui, a l’air de penser qu’il faut affronter le problème et il cherche, pour cela, à s’en donner les moyens.
Il hérite d’une contradiction entre le peuple et ses élus, contradiction qu’il doit gérer et réduire, en amenant les parlementaires, par la persuasion ou la contrainte, à choisir la seule solution possible.
D’une certaine façon, il est dans la situation de son modèle Winston Churchill lorsque, pendant « les heures sombres », début juin 1940, ce dernier s’était retrouvé face aux tentatives du Parlement pour lui imposer une négociation avec Hitler alors que tout montrait que cette stratégie serait vouée à l’échec.
À l’inverse, la volonté populaire était claire, partisane de la fermeté.
Nous ne sommes pas en juin 40, mais pour la Grande-Bretagne, pays indépendant et résilient s’il en est, une vraie sortie n’est pas négociable.
Confronté à un dilemme semblable, entre un peuple ferme sur ses choix et un Parlement terrorisé par les possibles conséquences, BoJo trouvera-t-il, comme son grand prédécesseur, la bonne tactique ?
Bien malin qui pourrait le dire, mais c’est à cet exemple du passé, certainement, qu’il doit penser.
François Martin
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