Vue générale des quartiers nord de Marseille (AFP PHOTO GERARD JULIEN)
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Quatre cents candidats issus de l'immigration nord-africaine, le plus souvent algérienne, s'étaient présentés aux législatives de 2012 dans des circonscriptions populaires.
De janvier 2013 à janvier 2014, l'universitaire Gilles Kepel en a rencontré plus d'une centaine, notamment à Marseille, Roubaix et Tourcoing .
De ces entretiens, il a tiré Passion française, Les voix des cités, livre qui éclaire largement ce qui s'est joué aux dernières municipales dans ces trois villes.
Gilles Kepel décrit en détail une progression frappante des "marqueurs de l'islam", voire de l'intégrisme, et des cités dévastées par le trafic de drogue.
De janvier 2013 à janvier 2014, l'universitaire Gilles Kepel en a rencontré plus d'une centaine, notamment à Marseille, Roubaix et Tourcoing .
De ces entretiens, il a tiré Passion française, Les voix des cités, livre qui éclaire largement ce qui s'est joué aux dernières municipales dans ces trois villes.
Gilles Kepel décrit en détail une progression frappante des "marqueurs de l'islam", voire de l'intégrisme, et des cités dévastées par le trafic de drogue.
L'essor des "marqueurs de l'islam" "Ubiquité des enseignes halal, prégnance du port du voile, généralisation du jeûne du ramadan" : dans son livre comme dans une conférence donnée à Sciences Po le 2 avril pour présenter l'ouvrage, Gilles Kepel s'est dit frappé par la progression des "marqueurs de l'islam" dans les quartiers populaires, et l'emprise croissante du salafisme dans certaines mosquées.
Il cite en particulier la métropole nordiste : "Dans l’enquête que je mène à Roubaix, je vois à la mosquée des enfants de harkis devenus salafistes, guider la prière des enfants du FLN et des ch’tis convertis", a-t-il ainsi raconté au Bien public.
Le Quick hallal de Roubaix (AFP PHOTO / PHILIPPE HUGUEN)
Plusieurs élus ou candidats font écho à ses propos.
Parachutée dans une "circonscription ingagnable" à Roubaix, l'UMP Salima Saa raconte sa surprise :
"Quand j'ai commencé à faire les marchés, j'ai été assez surprise de voir le manque de mixité entre les types de population. C'est vrai qu'à Roubaix, sur les marchés, on trouve beaucoup de femmes voilées, pour ne pas dire que des femmes voilées".
Dès les législatives de 2012, elle est bombardée de questions sur le mariage gay.
"Je me suis demandé si c'était vraiment leurs préoccupation au quotidien. Réponse, oui. Je n'en revenais pas".
Toujours à l'UMP, Nora Preziosi, candidate malheureuse en 2012 dans la 3e circonscription de Marseille, relève des influences fondamentalistes : "Aujourd'hui, une minorité de jeunes ne se sentent plus français, vont dans les mosquées et confondent l'islam, qui est une religion magnifique (...), avec les sectes qui prolifèrent dans les quartiers, et qui font peur. (...) Des petits que j'ai vu naître et à qui je veux faire la bise me disent : "non, Nora, je ne peux pas t'embrasser".
Le trafic de drogue.
A Roubaix toujours, le niveau de pauvreté est tel qu'il a choqué Salima Saa.
"Ici, a-t-elle confié à Gilles Kepel, c'est le quart monde (...) un territoire en déshérence complète".
Comment survivent ces cités précarisées au taux de chômage triple de la moyenne hexagonale (près de 30% à Roubaix en 2010) ?
En grande partie par le trafic de drogue.
"L'ampleur du phénomène, écrit l'universitaire sur Marseille, passe l'imagination.
Les caïds y sont devenus les patrons des cités, s'y substituant aux services publics, exécutant les contrevenants à leur loi - vingt morts dans des règlements de compte spectaculaires en 2013, dont le fameux "barbecues" où le corps de la victime est brûlé dans un coffre de voiture".
Un trafic dénoncé avec virulence par la sénatrice socialiste Samia Ghali (seule socialiste réélue maire de secteur à Marseille aux dernières municipales).
A l'été 2012,"face aux engins de guerre utilisés par les réseaux", elle avait réclamé l'intervention de l'armée.
"Pour désarmer les dealers d'abord. Et puis pour bloquer l'accès des quartiers aux clients, comme en temps de guerre, avec des barrages."
Comme le montre la vidéo ci-dessous, les règlements de compte se poursuivent.
La drogue gangrène tout.
Jusqu'aux enfants "qui se disent : "Au moins je vais pouvoir soulager maman, remplir le réfrigérateur, l'aider à payer le loyer", raconte à Gilles Kepel la marseillaise Ayette Boudelaa, candidate écologiste indépendante aux législatives 2012 (7e circonscription des Bouches-du-Rhône).
Le vainqueur du scrutin Henri Jibrayel renchérit : "Dans certaines cités, les réseaux drainent des centaines de milliers d'euros par jour. Un jeune de treize ou quatorze ans peut aller faire le chouf (le guet) pour 130-140 euros. Qui pourrait lui proposer quelque chose d'équivalent et d'honnête ?"
A Roubaix toujours, le niveau de pauvreté est tel qu'il a choqué Salima Saa.
"Ici, a-t-elle confié à Gilles Kepel, c'est le quart monde (...) un territoire en déshérence complète".
Comment survivent ces cités précarisées au taux de chômage triple de la moyenne hexagonale (près de 30% à Roubaix en 2010) ?
En grande partie par le trafic de drogue.
"L'ampleur du phénomène, écrit l'universitaire sur Marseille, passe l'imagination.
Les caïds y sont devenus les patrons des cités, s'y substituant aux services publics, exécutant les contrevenants à leur loi - vingt morts dans des règlements de compte spectaculaires en 2013, dont le fameux "barbecues" où le corps de la victime est brûlé dans un coffre de voiture".
Un trafic dénoncé avec virulence par la sénatrice socialiste Samia Ghali (seule socialiste réélue maire de secteur à Marseille aux dernières municipales).
A l'été 2012,"face aux engins de guerre utilisés par les réseaux", elle avait réclamé l'intervention de l'armée.
"Pour désarmer les dealers d'abord. Et puis pour bloquer l'accès des quartiers aux clients, comme en temps de guerre, avec des barrages."
Comme le montre la vidéo ci-dessous, les règlements de compte se poursuivent.
Jusqu'aux enfants "qui se disent : "Au moins je vais pouvoir soulager maman, remplir le réfrigérateur, l'aider à payer le loyer", raconte à Gilles Kepel la marseillaise Ayette Boudelaa, candidate écologiste indépendante aux législatives 2012 (7e circonscription des Bouches-du-Rhône).
Le vainqueur du scrutin Henri Jibrayel renchérit : "Dans certaines cités, les réseaux drainent des centaines de milliers d'euros par jour. Un jeune de treize ou quatorze ans peut aller faire le chouf (le guet) pour 130-140 euros. Qui pourrait lui proposer quelque chose d'équivalent et d'honnête ?"
Les embûches électorales.
Quelles que soient les plaies qui ravagent les cités, les candidats issus de l'immigration maghrébine veulent se faire entendre.
Dans les quartiers populaires ou ailleurs puisqu'ils représentent une part croissante des classes moyennes.
Après les émeutes urbaines de 2005, ces jeunes, selon Gilles Kepel, se sont massivement inscrits sur les listes électorales.
Beaucoup ont franchi un nouveau pas en 2012 en se présentant en force aux élections.
Dans les grands partis, ils ont souvent été parachutés dans des circonscriptions ingagnables et les petits ne leur ont pas offert l'accès à l'Assemblée.
Un tournant a toutefois été pris, parfois couronné de succès.
Et dans les cités comme ailleurs, conclut sans surprise Gilles Kepel, la religion n'est pas le facteur déterminant du scrutin : "La majorité des électeurs qui se considèrent musulmans de France se déterminent dans les urnes à partir d'appartenances sociales et non communautaires".
Irriguée par l'érudition de l'auteur, cette Passion française recèle mille subtilités sur la langue et la culture arabes, et l'entrelacement tumultueux de l'histoire française et algérienne, sur les deux rives de la Méditerranée.
-> Passion française. Les voix des cités, de Gilles Kepel (Gallimard, 18,90 euros)
source
Quelles que soient les plaies qui ravagent les cités, les candidats issus de l'immigration maghrébine veulent se faire entendre.
Dans les quartiers populaires ou ailleurs puisqu'ils représentent une part croissante des classes moyennes.
Après les émeutes urbaines de 2005, ces jeunes, selon Gilles Kepel, se sont massivement inscrits sur les listes électorales.
Beaucoup ont franchi un nouveau pas en 2012 en se présentant en force aux élections.
Dans les grands partis, ils ont souvent été parachutés dans des circonscriptions ingagnables et les petits ne leur ont pas offert l'accès à l'Assemblée.
Un tournant a toutefois été pris, parfois couronné de succès.
Et dans les cités comme ailleurs, conclut sans surprise Gilles Kepel, la religion n'est pas le facteur déterminant du scrutin : "La majorité des électeurs qui se considèrent musulmans de France se déterminent dans les urnes à partir d'appartenances sociales et non communautaires".
Irriguée par l'érudition de l'auteur, cette Passion française recèle mille subtilités sur la langue et la culture arabes, et l'entrelacement tumultueux de l'histoire française et algérienne, sur les deux rives de la Méditerranée.
-> Passion française. Les voix des cités, de Gilles Kepel (Gallimard, 18,90 euros)
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