Le moins que l’on puisse dire est que l’intervention de Donald Trump au Forum de Davos était attendue.
Attendue avec envie par certains, mais redoutée par d’autres, notamment en Europe.
Et sa visioconférence du 23 janvier a confirmé les intentions pugnaces du revenant de la Maison-Blanche. S’il avait déjà précédemment désespéré tout le « politburo » de l’écologie politique européenne en confirmant le retrait des États-Unis des accords de Paris (COP21) et en annonçant une exploitation illimitée des ressources en gaz et pétrole du sous-sol américain, il a, depuis, enclenché la vitesse supérieure en annonçant un changement complet des règles du jeu économique, avec l’Union européenne dans son viseur, comme le note Les Échos. En businessman averti, le président américain a déposé sans ménagement sur la table l’objet du « deal », que l’on pourrait traduire, avec optimisme, par « principe de la carotte et du bâton » ou, plus froidement, par « chantage éco-douanier » : « Soit vous venez fabriquer aux États Unis et vous bénéficierez de la fiscalité la plus faible de la planète, soit vous voulez produire ailleurs, et alors vous aurez des tarifs douaniers. » Et Donald Trump de conforter dans leur choix les adeptes de la première solution en leur assurant que son pays est (re)devenu « le meilleur endroit pour créer de l'emploi, construire des usines et faire des affaires ».
Les voitures et l'agriculture dans le viseur
Ayant constaté les divisions entre États européens, Donald Trump a jeté un pavé dans la mare, estimant que « de nombreux dirigeants européens sont frustrés, notamment en raison des contraintes écologiques et des procédures bureaucratiques ». Un exemple ? « J'avais, il y a quelques années, un projet en Irlande. Il m'a fallu une semaine pour obtenir les autorisations irlandaises. Mais on m'a dit qu'ensuite il faudrait cinq à six ans pour les autorisations européennes. J'ai renoncé. Tout le problème est là. » Et hop ! Une petite gifle, au passage, pour dénoncer l’acharnement européen contre les entreprises technologiques américaines (GAFAM), comme ces 15 milliards réclamés à Apple. « C'est injuste, c'est une forme de fiscalité déguisée. » Sous les critiques trumpiennes contre le bureaucratisme réglementaire européen, on devine vite la volonté américaine de rebattre les cartes sur certains gros marchés sur lesquels l’Oncle Sam estime que la balance commerciale lui est par trop défavorable. « Ils ne prennent pratiquement pas nos produits agricoles » : ça, c'est pour la France. « Ils ne prennent pas nos voitures, mais ils nous en envoient par millions » : ça, c'est pour l'Allemagne.
Mais Donald Trump est adepte du coup de billard multibande. Sur la question du pétrole, il y a sans doute l’idée de remettre de l’huile dans les rouages grippés de l’économie mondiale, mais les arrière-pensées géopolitiques ne sont jamais loin : « Je vais demander à l'Arabie saoudite et l'OPEP de baisser le coût du pétrole. Je suis d'ailleurs franchement surpris qu'ils ne l'aient pas fait avant l'élection. Ne pas le faire n'était pas franchement une preuve d'amour. Si le prix était plus bas, la guerre en Ukraine se serait aussitôt terminée. » Parce que le président américain a bien l’intention de négocier rapidement la fin du conflit russo-ukrainien, mais hors de question d’aller en discuter avec son « ami » Poutine sans un colt à la ceinture et une cartouchière en bandoulière. Sur ce sujet, aussi, il a bien averti l’Union européenne qu’elle devrait passer à la caisse. Et comme le relève Le Monde, aux euro-atlantistes qui espéreraient obtenir sans contrepartie des sécurités face à Vladimir Poutine, un conseiller de Donald Trump, Richard Grenell a répondu : « Vous allez vous heurter à une grosse tronçonneuse, aux États-Unis. Vous ne pouvez pas demander au peuple américain de payer pour élargir l’OTAN à l’Ukraine alors que ses membres actuels ne paient pas leur juste part – et ça inclut les Pays-Bas. »
S’il a demandé à la Fed (la banque fédérale américaine, qui n'y est que mollement favorable) de baisser les taux d’intérêt afin de favoriser la relance économique, il a aussi fait écho à la charge de cavalerie du président argentin contre le wokisme en délivrant au passage un rude taquet au patron de Bank of America, Brian Moynihan (qui vient d’engager à son conseil consultatif international Thierry Breton, le meilleur ennemi d’Elon Musk) : « Ouvrez votre banque aux conservateurs. » Une sorte de Grand Remplacement bancaire, en somme...
Il est temps de se réveiller...
Côté bruxellois, on encaisse un peu difficilement (et avec prudence) un coup attendu, mais sans doute plus violent que prévu. L’ancienne patronne du FMI et aujourd’hui présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, estime que quand « un grand acteur de l’économie mondiale décide d’organiser les choses différemment et menace certains des partenaires avec lesquels il avait l’habitude de travailler », on peut alors craindre une « crise existentielle ». Quant à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, très atlantiste, elle a voulu calmer le jeu, se disant adepte du « pragmatisme » (ce qui ne mange pas de pain), brandissant timidement la menace d’accords avec l’Inde et la Chine. Cette même Chine qui, au passage, s’apprête à manger tout cru les constructeurs automobiles européens à cause d’un projet de tout électrique en 2035 sorti des cartons… d’Ursula von der Leyen.
L’avenir s’annonce compliqué, pour les intérêts français, notamment sur la question des droits de douane, dans la mesure où nous serons entièrement dépendants des décisions stratégiques prises au niveau européen, et que plusieurs pays n’ont pas du tout les mêmes intérêts que les nôtres à défendre. Si, par exemple, les Allemands chercheront à défendre leur industrie (et notamment automobile), il nous faudra batailler ferme concernant notamment l’agroalimentaire et le luxe, secteurs sur lesquels nous avons beaucoup à perdre.
Mais si la grenade Trump, qui vient de mettre un terme à l'ère du mondialisme, pouvait au moins réveiller nos gouvernants, ce serait déjà ça de gagné.
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