Translate

vendredi 31 janvier 2025

[ÉDITO] Submersion populiste : l’Allemagne, aussi ? Et la France ?

Capture d'écran #merzrede 
 
Capture d'écran #merzrede

 

 

Tremblement de terre politique en Allemagne ! La CDU (autrement dit la « droite modérée » chrétienne-démocrate) a voté ce mercredi au Bundestag des projets de loi en matière d’immigration… de concert avec l’AFD (autrement dit l’« extrême droite »). 

Un évènement inconcevable, il y a quelques années encore, notamment au « bon temps » de « Mutti », autrement dit Angela Merkel ! 

L’instigateur de cette petite révolution copernicienne dans le pays où la réductio ad hitlerum, arme privilégiée du cordon sanitaire, y joue à domicile ? Friedrich Merz, président de la CDU depuis trois ans, et qui pourrait être le prochain chancelier, après les élections législatives qui auront lieu le 23 février. Petite révolution copernicienne, donc, dans le pays où Merkel, en 2015, ouvrit grand les portes à une immigration sans précédent en lançant son fameux : « Wir schaffen das ». « Nous y arriverons ! » Les événements de Cologne et d’ailleurs le démontreront.

Le contre-pied de Merkel

Friedrich Merz ? Qui est cet homme, celui que Médiapart appelle « l’anti Angela Merkel », accusé de couper le sacro-saint cordon sanitaire ? Âgé de 69 ans, il fut le rival de toujours de Merkel (70 ans) au sein de la CDU et a rongé son frein quand elle régnait sans partage. Il a même arrêté un temps la politique, est passé dans le privé, où il a fait fortune, ce qui le rend crédible aux yeux des patrons allemands qui défilaient hier dans les rues pour dénoncer le déclassement allemand. Catholique conservateur, le wokisme, n’est pas son truc ! On le qualifie de libéral-conservateur et il a beaucoup critiqué la décision d’Angela Merkel, en 2011, de faire sortir l’Allemagne du nucléaire. Il y a dix jours, dans un meeting, il a pris le contre-pied de sa meilleure ennemie en lançant : « Das werden wir nicht schaffen ». « Nous n’y arriverons pas ». À quoi faire ? À intégrer « les plus de trois millions de migrants en provenance de pays tiers », expliquant que « cela surchargerait le pays de problèmes tels que les soins médicaux, l’école ou le logement ». Question de « proportion », comme dit le démocrate-chrétien Bayrou, de ce côté-ci du Rhin. Merz a dénoncé vigoureusement les politiques d'immigration des derniers gouvernements allemands, mais aussi européennes. Il avait d’ailleurs promis une politique d’immigration sévère au moment de l’attentat de Magdebourg.

Alors, bien sûr, on lui a reproché plusieurs de ses propos, notamment lorsqu’il avait déclaré que certains migrants pouvaient mieux faire soigner leurs dents que des Allemands. L’aile gauche de la CDU avait appelé alors à sa démission. Mais le vent tourne en Allemagne : certaines estimations ne donnent-elles pas 200 sièges à l’AFD aux élections du 23 février ? Et Merz compte bien, à travers une ligne qu’on peut qualifier de très droitière, lui couper l’herbe sous les pieds. Pas d’entente avec l’AFD (il affirme même que dans l’absolu, il préfèrerait se coaliser avec les verts), mais, cette semaine, il présente trois textes au Bundestag pour muscler la loi sur l’immigration, et souhaite les faire passer « quels que soient les soutiens politiques », comprendre y compris avec les voix de l’AFD. « Un bon texte ne devient pas mauvais parce qu’il est soutenu par les mauvaises personnes ». À gauche, évidemment, on s’étrangle.

Et la France dans tout ça ?

Ce n’est pas encore la « submersion populiste » mais ce qui est en train de se passer en Allemagne s’inscrit dans ce « phénomène mondial », cette « réaction de rejet contre le consensus libéral centriste et technocratique qui a dominé l’Occident depuis la chute du Mur de Berlin » et qui traverse de nombreux pays, comme le soulignait, dans un entretien donné au Figaro, le journaliste américain Fareed Zakaria. Selon lui, s’ouvrirait devant nous une « nouvelle ère, pour plusieurs décennies peut-être », où « l’idéologie dominante sera un populisme de droite, conservateur ». En France, où la « vague populiste » a tout de même porté onze millions d’électeurs aux dernières élections législatives, on ratiocine sur les mots. Bayrou parle de « sentiment de submersion » et c’est le drame national ! En 1991, Giscard avait parlé d’invasion. À raison d’un mot tous les trente ans, forcément, les solutions ne risquent pas d'avancer très vite… Mais l’Histoire n’est pas linéaire : ce qui n’était pas imaginable hier, devient envisageable aujourd’hui et faisable demain. Comme dirait Merkel, nous y arriverons ! Ou pas…

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Ici, les commentaires sont libres.
Libres ne veut pas dire insultants, injurieux, diffamatoires.
À chacun de s’appliquer cette règle qui fera la richesse et l’intérêt de nos débats.
Les commentaires injurieux seront supprimés par le modérateur.
Merci d’avance.