C'est un mode de communication désormais habituel pour le président de la République.
Et peut-être même un mode de gouvernement. Emmanuel Macron vient de s'adresser, sur Twitter, à ses followers, pardon, à ses compatriotes, « toutes et tous ». Cadrage approximatif, mauvaise exposition à la lumière : la spontanéité crève les yeux et l'écran.
Le Président est « dans un sommet européen, à Alicante », mais, entre deux portes (c'est vraiment l'impression que ça donne), pendant que d'autres vont fumer une clope à la pause ou récupérer une bouteille d'eau à l'accueil, il tenait à s'adresser à nous.
Il faut dire que ça ne pouvait pas attendre. La nouvelle est d'importance. À la suite de sa première annonce sur la gratuité des préservatifs pour les 18-25 ans, « une petite révolution en matière de prévention », se félicite-t-il, le Président dit avoir été « pris à partie » par « beaucoup » (c'est combien, « beaucoup » ?), qui lui ont rappelé que les mineurs, eux aussi, pouvaient avoir des rapports sexuels. Ces citoyens vigilants ont donc immédiatement eu gain de cause, en des termes dignes de la start-up nation, à défaut d'être dignes de la fonction suprême : « Banco, allons-y ! » Les plus anciens se souviendront d'avoir entendu cette même réplique immortelle dans la bouche de Valérie Lemercier dans La Cité de la peur (1990) : « Alors je lui dis Jacques, c'est l'hermine ou la caravane... Et il a dit banco ! Je l'entends encore me dire "banco"... un vrai Capricorne, celui-là... »
Ce simple banco se doit d'être suivi, comme on dit au baccarat. Et pour cela, le Président, qui est en roue libre autant qu'en prise directe avec son peuple, va « faire travailler les équipes ». De quoi parle-t-il ? Du gouvernement qui n'a pas été consulté ? De son ministre de la Santé qui va peut-être découvrir cette annonce au petit déjeuner ? D'un cabinet de conseil ? Qui sont ces équipes ? Sont-ce des lutins d'une nouvelle espèce qui, dans l'atelier d'un père Noël vicelard, prépareraient des colis de capotes gratuites qu'on déposerait au pied du sapin desdits « mineurs », entre une console de jeux et un volume de mangas ?
Un petit mot sur le fond, tout de même : à partir de quel âge de « minorité » pourra-t-on aller récupérer chez le pharmacien des préservatifs gratuits ? Quinze ans ? Treize ? Neuf ? La notion de « cadeau de Noël » vient donc de franchir un nouveau palier. Notre Président sait-il que 44 % des agressions sexuelles sur mineur étaient commises par d'autres mineurs en 2017 (les chiffres n'ont sans doute pas beaucoup évolué) et qu'il faudra un peu plus que deux ou trois paquets de préservatifs pour remonter la pente ?
Sur la forme, maintenant - c'est presque pire. Il n'y a, désormais, plus aucun intermédiaire entre le Président et les Français (enfin, ceux qui l'écoutent). Plus de filtre, plus de limite. On assiste, en ce moment, à un écrasement des niveaux : entre Macron et les mineurs généreusement gratifiés de préservatifs gratuits, il n'y a plus désormais que « les équipes », et le despote éclairé (à la bougie ?), face à la foule en liesse qui lui réclame des capotes, lève son pouce en disant « Banco ! » Ainsi va la France.
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