On a expliqué que la hausse du prix de l’électricité en France était principalement due au système de tarification européen, qui aboutit à indexer les prix de vente sur le coût des productions faites à partir du gaz.
De fait, le prix de ce dernier a fortement augmenté. Mais cette forme de production est marginale en France : en volume, 6,3 % en 2021, l’essentiel (plus de 80 %) ayant été fourni par le nucléaire et l’hydraulique. La hausse des coûts du gaz ne peut donc peser que marginalement sur les prix de revient de l’électricité en France.
Le système européen de tarification est une des conséquences des mesures proposées par la Commission européenne depuis plusieurs années pour améliorer le fonctionnement du marché européen de l’électricité. Le but affiché est que « les consommateurs européens puissent bénéficier d’un choix élargi et d’une concurrence renforcée propice au maintien des prix à un niveau bas… ».
Comme d’habitude, la Commission a cherché les moyens d’y parvenir dans la libéralisation des échanges : elle a voulu s’appuyer sur les bienfaits supposés des mécanismes libéraux, afin de prendre les mesures nécessaires « pour établir un marché réellement concurrentiel de l’énergie ». En l’espèce, la Commission a choisi d’instaurer une plus grande concurrence entre producteurs et entre distributeurs d’électricité. Le moyen principal en a été la « dissociation », c’est-à-dire une séparation aussi nette que possible entre ces deux types d’activités pour faciliter la venue de concurrents aux opérateurs historiques.
C’est ainsi qu’EDF a été coupée en trois morceaux pour donner naissance à deux nouvelles sociétés anonymes : RTE (Réseau de transport d’électricité), chargé des lignes à haute tension qui amènent le courant aux postes de transformation, et Enedis, gestionnaire du réseau situé en aval qui alimente les consommateurs finals.
Deux échecs patents
Les mesures préconisées par la Commission ont été mises en place, en particulier le moyen principal qui consistait à favoriser l’arrivée de nouveaux fournisseurs d’électricité. C’est même un succès : le site Internet d’Hellowatt en fournit une liste complète, qui en comprend 42 sur le marché français. La « dissociation » a donc bien fonctionné.
Pour ce qui concerne la réduction des prix, l’échec est patent. Mais il y a pire. En se focalisant sur les prix à la consommation, on a oublié la production. Or, elle est essentielle, comme les Français commencent à s’en rendre compte en visualisant les graves conséquences qu’auraient pour eux les coupures d’électricité auxquelles on les prépare.
Les mécanismes qui ont conduit à la pénurie qui s’annonce sont clairs : il n’y a plus désormais de responsable de la fourniture en électricité des clients français - entreprises, particuliers, services publics. Ce n’est plus EDF, qui a de fait été déchargée de toute responsabilité en la matière en ayant été ravalée au rang d’un producteur parmi d’autres en Europe.
RTE s’est porté volontaire. Est affichée sur la première page de son site Internet la phrase par laquelle il définit sa mission : « RTE assure une mission de service public pour que l’électricité soit toujours disponible. » Déclaration particulièrement téméraire, car RTE ne dispose d’aucun moyen pour tenir ce bel engagement. En effet, il ne produit pas un seul watt d’électricité. Il dépend donc entièrement du bon vouloir des producteurs.
Il n’y a donc plus de responsable des quantités produites, si ce n’est « le marché européen de l’électricité ». On conviendra qu’il est difficile de s’adresser à lui si l’on est mécontent. Que pouvait-on attendre des fournisseurs alternatifs ? En quantité d’électricité produite, rien ou presque. La plupart des nouveaux venus ne sont que des revendeurs, de simples courtiers en électricité, qui ne produisent rien.
Il n’est donc pas étonnant qu’au bout de quelques années, on aboutisse à une situation de pénurie causée par une insuffisance de production. Sans responsable identifié, il n’y a pas de résultat à attendre.
Échec sur les prix, échec sur les quantités. On a ainsi la démonstration que Marcel Boiteux avait raison et que le marché, dans lequel Bruxelles avait placé ses espoirs, est incapable de satisfaire seul les besoins dans le domaine de l’électricité.
Que faire ?
Que peut-on faire pour limiter les dégâts ? Il faut d’une part sortir du système de tarification européen de l’électricité, comme proposé dans notre article précédent. Il faut d’autre part conserver toute notre électricité en bloquant nos exportations. Celles d’EDF bien sûr, mais aussi celles des nouveaux fournisseurs. Pour mémoire, notre pays a exporté 16,7 % de sa production d’électricité en 2021.
Il faut, par ailleurs, rendre de nouveau EDF responsable des quantités d’électricité disponibles pour les consommateurs français. Car ne nous y trompons pas : sans changement structurel, la situation actuelle a toutes les chances de se reproduire au cours des hivers des prochaines années.
On a mené une grande guerre contre le virus du Covid. On devrait pouvoir mener un simple combat pour parvenir à chauffer nos enfants et nos seniors.
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