L’État a donc tranché. Pour maintenir en dessous de 4 % l’accroissement de la facture énergétique des Français, c’est EDF qui devra mettre la main à la poche en augmentant de 20 % l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH).
En cédant à ses concurrents alternatifs 20 TWh supplémentaires à prix coûtant (42 €/MWh), EDF, qui aurait pu vendre cette électricité à prix fort sur le marché de gros, va amputer son chiffre d’affaires de près de 8 milliards d’euros.
Les marchés n’ont pas attendu longtemps pour sanctionner le titre EDF, qui a perdu 16,5 % durant la séance de vendredi.
De bien mauvaises nouvelles pour l’électricien cumulant les épreuves depuis plusieurs semaines. À la suite de la fermeture programmée (pour maintenance) et non programmée (pour pannes) de 15 GW nucléaires, EDF doit importer chaque jour au prix fort entre 10 et 15 GW. Pour essayer de limiter la casse et éviter de faire tourner les centrales à gaz à plein régime (le prix du gaz est devenu stratosphérique), le gouvernement a autorisé l’électricien à accroître sa production d’électricité charbonnière jusqu’à à 3 MW.
Cette opération vantée par le gouvernement n’est pourtant qu’un jeu de vases communicants dans la mesure où l’État possède 84 % du capital d’EDF. Son manque à gagner est, par construction, un manque à gagner pour le contribuable. Ces 8 milliards viendront s’ajouter aux mesures gouvernementales qui, depuis septembre, avaient déjà coûté à l’État la bagatelle de 14,4 milliards d’euros (600 millions de chèque énergie, 2 milliards de gel des prix du gaz, 3,8 milliards d’indemnité inflation et 8 milliards pour les 4 % de limitation de la hausse des tarifs de l’électricité). En six mois et sans faire de bruit, l’État a ainsi dilapidé en dépenses de fonctionnement davantage que le coût de l’EPR de Flamanville souvent présenté comme un scandale national.
Digne de celui engagé durant le premier confinement, le « quoi qu’il en coûte » énergétique est en train de remplacer le « quoi qu’il en coûte » sanitaire. Excepté qu’il s’agit, cette fois, d’une mesure purement électoraliste. Elle vise de façon grossière à gagner du temps en faisant croire au citoyen candide que cette crise énergétique est passagère et devrait miraculeusement s’arrêter… le soir du second tour de la présidentielle. Pourtant, il n’en est rien.
L’accroissement stratosphérique des prix de l’énergie depuis l’été 2021 (doublement des cours du pétrole et du charbon, cours du gaz naturel multipliés par 5, tonne de carbone passée en un an de 32 € à 82 € et prix du MWh électrique oscillant, aux heures de pointe, entre 250 et 300 euros) n’a rien de conjoncturel. Elle résulte d’une rupture mondiale structurelle entre une offre déclinante de pétrole et surtout de gaz faute d’investissements dans l’exploration et le développement de nouveaux champs et une demande augmentant de façon vertigineuse (en Europe, mais surtout en Chine) pour appuyer des renouvelables incapables de fournir le moindre MWh durant la période hivernale. Si les cours peuvent légèrement se détendre au printemps et en été, ils remonteront inexorablement l’automne prochain. La situation actuelle démontre sans ambiguïté qu’une période inflationniste, semblable à celle qui avait fait suite au choc pétrolier de 1974, s’est enclenchée.
Plutôt que de câliner l’électeur, le gouvernement aurait pu jouer la transparence vis-à-vis de l’opinion publique en proclamant haut et fort que c’était au citoyen français et non à l’État de mettre la main au portefeuille. Électoralement suicidaire, diront certains. Bien que l’astuce soit grossière, en résolvant le problème de façon détournée via des subventions directes et indirectes, la majorité piège le débat présidentiel en mettant de facto le futur Président dans une situation potentiellement explosive à l’automne 2022. Une situation qui pourrait plomber le nouveau quinquennat avant… qu’il n’ait commencé.
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