Interrogé par Maya Zerrouki, le 13 janvier, au cours de son émission « Diasporama », sur Le Soir d’Algérie TV, Chems-Eddine Hafiz, le recteur de la grande mosquée de Paris, a appelé tous les musulmans de France à « voter de manière citoyenne et républicaine pour qu’il [Éric Zemmour] ne soit ni au second tour, ni président de la République ».
Il accuse les partis d’extrême droite de vouloir « montrer que les musulmans de France ne peuvent pas être des citoyens comme les autres ».
Qu'importe si, en novembre 2020, le sondage IFOP pour le Comité Laïcité République (CLR) indiquait que 57 % des jeunes musulmans considéraient que la charia est plus importante que la loi de la République. Malgré ces chiffres témoignant d’une réalité implacable, celle d’une montée en puissance de la radicalisation chez les jeunes générations, c’est bien Éric Zemmour qui « considère que les Algériens de confession musulmane ne peuvent pas s’intégrer dans la société française ». C'est le candidat qui représente « un danger car il considère qu’il va sauver la France » mais a « falsifié entièrement l’Histoire ».
Chems-Eddine Hafiz n'en est pas à sa première charge. En 2010, il avait déjà signé un livre De quoi Zemmour est devenu le nom pour répondre à ses « thèses inquiétantes ». Le recteur est avocat. Il manie l’art oratoire et sait défendre son camp. Pour mémoire, en 2002, il assignait, pour le compte de la grande mosquée de Paris, Michel Houellebecq devant le tribunal de grande instance de Paris pour « complicité de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'un groupe de personnes en raison de son appartenance à une religion » et « injure ». Tout en défendant officiellement la liberté d'expression, il assigne en 2006 Charlie Hebdo, qui a publié les caricatures de Mahomet parues dans le Jyllands-Posten.
Pour Chems-Eddine Hafiz, le danger en France vient donc des « amalgames » et du « discours politique de certains médias […] qui font du populisme, qui ont l’insulte verbale très forte contre la communauté algérienne ». Les professeurs régulièrement insultés ou intimidés en classe par des « Wallah, écarte-toi de ma rue. Eh le Coran, poussez-vous Madame ! » apprécieront l’argumentation. Alors, certes, et l'on n'en attendait pas moins de la part de celui qui pourrait reprendre la tête du CFCM à moins qu'il ne soit dissous, l'avocat dénonce les mauvaises interprétations du Coran qui engendrent la violence. Certes, il a écrit Le Manifeste contre le terrorisme islamiste et condamne les propos de Maître Gims l'invitant à « rester dans son domaine, il est là pour chanter ». Mais à aucun moment, lors de cet entretien, M. Hafiz n’évoque les fatwas ou les revendications communautaristes grandissantes dans notre société qui pourraient donner cette impression aux Français de ne plus être en France sans avoir déménagé, comme le décrivait Éric Zemmour dans sa déclaration de candidature.
Quant à sa conception de la laïcité, le recteur de la grande mosquée de Paris la définit comme « un espace citoyen dans lequel tous les citoyens de la République française se retrouvent. Et les musulmans ont toute leur place dans la citoyenneté française et la laïcité à la française. » Mais il n’établit pas cette distinction claire entre le temporel et le spirituel que font les chrétiens, il dit simplement qu’elle « place l’islam et toutes les autres religions à équidistance des pouvoirs publics et que l’islam a tous ses droits ». Enfin, tous ses efforts déployés à essayer de montrer que la communauté algérienne peut s’intégrer facilement dans la société française et qu’Éric Zemmour a tort ne viennent-ils pas de s’effondrer lorsqu’il déclare à la journaliste qu’il « nous faut accepter de vivre dans une société plurielle, qui est multiculturelle » ? Ce sont là deux conceptions de l’assimilation et de l’intégration qui s’opposent. On l'a compris : dans la société multiculturelle qu'il appelle de ses vœux, les musulmans ont leur place, pas Zemmour.
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