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samedi 22 janvier 2022

Mission McKinsey dans l’Éducation nationale : pour 500.000 balles, t’as plus rien !

 

 Marie d'Armagnac 21 janvier 2022

Mardi dernier avait lieu, au Sénat, l’audition du cabinet de conseil McKinsey France devant la commission d’enquête sénatoriale chargée d’évaluer « l’influence croissante des cabinets de conseils privés sur les politiques publiques ».

 L’enjeu ? Les centaines de millions d’euros d’argent public dépensés pour des « schémas logistiques », des « outils de pilotage », des « études de benchmarking »…

Des millions comme s’il en pleuvait ! On a ainsi vu des échanges surréalistes, rapportés par de nombreux médias et relayés, de façon virale, sur les réseaux sociaux entre la sénatrice communiste Éliane Assassi et Karim Tadjeddine, directeur associé de McKinsey, lorsque celle-ci lui demande à quoi ont abouti les 496.800 euros de la prestation visant à « évaluer les évolutions du métier d’enseignant ». Réponse bredouillante où il est question de mandat du ministère de l’Éducation nationale via un contrat-cadre de la DITP, la Direction interministérielle de la transformation publique, de comparer le système français avec les systèmes étrangers et de l’organisation d’un séminaire pour « réfléchir aux grandes tendances et aux évolutions attendues du marché de l’enseignement » (Marianne, 19/1/2022). Vu le coût de la prestation, on espère au moins que le séminaire a eu lieu à Ibiza !

C’est tout ? On aurait espéré que Karim Tadjeddine, brillant polytechnicien, ancien de la Direction du Trésor, professeur à l’École des affaires publiques de Sciences Po et rapporteur de la commission Attali, sache mieux résister aux assauts d’Éliane Assassi. Cette audition a aussi permis d’évoquer les quatre millions d’euros de contrat passés avec le ministère de la Santé entre mars 2020 et janvier 2021, les 605.000 euros d’argent public mis sur la table pour la mise en place d’une « tour de contrôle stratégique » à Santé publique France, les 170.000 euros dépensés pour l’institution, toujours à Santé publique France, d’un « agent de liaison ».

La défense de McKinsey sur les conseils donnés pour la mise en place de la campagne de vaccination se limite à dire que « nous n’avons pas eu de rôle dans la définition de la stratégie vaccinale en tant que telle » mais qu’« il faut avoir en tête que concevoir une telle infrastructure opérationnelle dans des délais aussi courts, c’est un enjeu auquel une administration n’est confrontée que de manière très épisodique ».

Un nuage de fumée qui n’abuse plus personne… La sénatrice pose enfin la question qui fâche, et que tout contribuable assistant à cet invraisemblable dévoilement de dépense d’argent public est en droit de se poser : « Ne pensez-vous pas qu’il y a au sein de notre administration des fonctionnaires qui pourraient assurer cette mission ? »

Rappelons à ce sujet que, par exemple, France Stratégie, « institution autonome placée auprès du Premier ministre, contribue à l’action publique par ses analyses et ses propositions. Elle anime le débat public et éclaire les choix collectifs sur les enjeux sociaux, économiques et environnementaux. Elle produit également des évaluations de politiques publiques à la demande du gouvernement. Les résultats de ses travaux s’adressent aux pouvoirs publics, à la société civile et aux citoyens. »

Ajoutons, par souci d’exhaustivité, que McKinsey a également facturé 920.000 euros à la CNAV, une mission pour accompagner la réforme des retraites… qui n’a pas eu lieu. Une mission qui « a permis de dégager un certain nombre d’aménagements dans l’organisation, au-delà de la préparation d’une réforme », dixit McKinsey.

Dès mercredi matin, sur 1, Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publique, assurait que les des ministères auprès des cabinets de conseil allaient baisser de 15 % en 2022, affirmant que les dépenses annuelles de l’État en la matière s’élèvent à 140 millions d’euros. Interrogée, elle aussi, dans le cadre de cette commission sénatoriale, elle s’est vu opposer par Arnaud Bazin, sénateur LR, le chiffre de 458 millions d’euros dépensés en 2020 pour des conseils en informatique. Réponse, un brin spécieuse : « Le chiffre que vous avez cité est difficile à lire complètement, car il intègre parfois des prestations. »

Les cabinets de conseils, un bien essentiel pour le  ?

Entendons-nous bien : ce n’est pas le principe d’appels à des cabinets de conseils pour des missions ponctuelles qui est ici en jeu, mais le montant des et surtout la nature des prestations dont on a du mal à distinguer l’aspect essentiel, indispensable.

Le gouvernement, dans l’unique but de masquer la gestion calamiteuse des ressources hospitalières et la médiocrité de la gestion de la santé publique de France, impose depuis deux ans à nos concitoyens des restrictions en tout genre. Accompagnées d’un quoi qu’il en coûte vertigineux, d’une aggravation de la dette publique que nos enfants devront assumer. École, hôpitaux, armée, police : partout, on pointe le manque de ressources. Aujourd’hui, en cette fin de quinquennat qui ressemble à une fin de règne, la révélation de ces gabegies, de ces contrats mirifiques et fumeux auprès d’un cabinet de conseil - dont certains consultants ont été actifs lors de la campagne présidentielle d’ de 2017 – a un effet désastreux sur un pays aux mille fractures et à la veille d’une échéance cruciale.

Et on ne parle pas du consentement à l’impôt, dans un pays qui subit l’un des plus forts taux de cotisations sociales au monde…

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