Alors, Erdoğan, welcome or not welcome ?
C’est un peu la question qu’on se posait en Allemagne et dans toute l’Europe, à l’occasion de cette visite officielle de deux jours du président turc en Allemagne.
Question suscitée par la gêne de toute une classe politique devant cet hôte, un apprenti dictateur qui a emprisonné des milliers d’opposants, qui se pose en chef de l’islam en Europe et qui n’a toujours pas reconnu le génocide arménien.
Ce qui fait quand même beaucoup.
Surtout pour une classe politique allemande qui se dit sourcilleuse sur les pratiques démocratiques et qui a lâchement abandonné Viktor Orbán il y a dix jours à Strasbourg pour cela.
On lâche Orbán et on déroule le tapis rouge à Erdoğan ?
On comprend qu’un peu de mauvaise conscience ait transpiré sur le front fatigué de Mme Merkel hier…
Comme si elle se souciait des photos qu’elle laisserait à l’Histoire pour son dernier mandat.
En ce 30 septembre 2018 , jour anniversaire des accords de Munich, on peut comprendre cette inquiétude…
Donc, tapis rouge à Berlin, vendredi, où il a été accueilli par le président allemand, mais boudé lors du déjeuner par une grande partie de la classe politique allemande, dont Mme Merkel.
Qui l’a finalement rencontré pour un petit déjeuner.
Hypocrisie, double jeu destinés à tromper la colère populaire, à quelques jours des élections en Bavière, qui s’annoncent difficiles pour le parti et la coalition de la chancelière ?
Même ballet, le samedi, à Cologne, où le président turc venait inaugurer l’une des plus grandes mosquées d’Europe : 4500 m2, deux minarets de 55 mètres de haut, une coupole de 36 mètres.
Dix ans de travail.
Une entreprise rondement menée et financée par l’Union des affaires turco-islamiques (DITIB), étroitement liée au pouvoir turc.
Mais, là encore, toute une partie de la classe politique régionale n’a pas voulu assister à l’événement : plusieurs responsables politiques du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, et le maire de la ville, Henriette Reker, ainsi que le chef du gouvernement régional.
La première accuse le DITLIB d’opacité dans le déroulement du chantier et le fonctionnement de la mosquée.
D’autres élus s’inquiètent de cet organe, considéré comme le bras étranger du régime de M. Erdoğan, qui gère neuf cents lieux de culte en Allemagne avec des imams venus de Turquie, mais qui serait aussi chargé d’espionner les opposants au régime turc.
La classe politique allemande essaie de faire croire aux Allemands, qui étaient nombreux à protester contre la venue d’Erdoğan dans des manifestations au mot d’ordre clair (« Erdoğan n’est pas le bienvenu »), qu’elle n’a pas voulu cela.
Mais comment faire croire à son peuple que tout cela s’est fait comme ça : des millions de migrants, des mosquées monumentales, une islamisation massive.
Sans aucune décision politique ?
Sans permis de construire ?
Sans ouverture des frontières ?
Sans visas ?
Sans regroupement familial ?
Dans l’histoire de l’immigration en Europe, l’Allemagne montre aux peuples européens une nouvelle phase de cette tragique séquence : celle d’une véritable panique de sa classe politique devant la réaction et le vote populaires, une classe politique incapable d’assumer ses décisions des dernières années et tout aussi incapable d’assumer le présent.
Elle avait dit : « Nous y arriverons. »
Et elle voit comme tout le monde que non, elle n’y arrive pas.
Et, donc, c’est le sauve-qui-peut devant ses responsabilités.
Dominique Monthus
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