Lucie au trail de Guinesfévrier
17, 2017février , 2017
Ce dimanche, à la Citadelle de Lille, Lucie, étudiante de 22 ans, a été piégée dans un guet-apens par 6 ou 7 jeunes. Ils l’ont encerclée, maintenue, partiellement déshabillée, frappée avec un bâton, attouchée. Elle s’est battue de toutes ses forces et a réussi à s’enfuir avant que le pire arrive. Cette jeune femme sportive d’1m66 pour 55kg est parvenue seule à mettre en échec 6 agresseurs. Elle nous livre aujourd’hui le récit de sa lutte. Un témoignage glaçant mais riche d’enseignements.
J’étais morte de peur.
Je ne savais pas quoi faire.
Ils cherchaient à m’humilier.
Je leur ai demandé pourquoi ils agissaient ainsi avec moi.
Je leur ai expliqué que je n’avais rien à leur donner et j’ai même tenté de les émouvoir en leur disant que lorsqu’ils mendiaient dans la rue, j’étais la première à leur donner de l’argent.
Le « chef » me dit : « bon ok, on est désolés Madame. Tu peux partir, mais avant tu me fais un câlin ».
Il vient à moi, m’enserre dans ses bras et tente de m’embrasser.
Tout en me maintenant dans ses bras, il fait des gestes obscènes devant ses amis en simulant un acte sexuel.
Tout le monde rigole.
Un autre homme descend mon collant de course à pied et me touche les fesses.
Son ami aussi.
C’était insupportable de sentir leurs mains répugnantes sur ma peau.
Les rires, l’effet de groupe : j’ai senti qu’ils n’avaient aucunes limites.
Je pensais à ce moment que j’allais mourir.
Je regardais autour de moi pour voir si quelqu’un pouvait m’aider.
Habituellement, il y a toujours du monde dans ce coin, mais là, personne.
La peur m’immobilise quelques secondes.
Puis, je me dis que je suis forte, que mon corps l’est aussi et que je sais me battre.
La rage monte en moi, j’accepte les coups, je me débats.
Ils voyaient que je n’étais plus la gentille qui se taisait.
Ils ne rigolaient plus, eux non plus.
La personne avec son bâton a voulu me redonner un coup avec, sauf que je n’ai pas reçu le coup car j’ai stoppé le bâton avec ma main.
J’ai fait du sport de combat pendant plusieurs années, dont le full contact et le krav maga.
Je sais les bases.
Je me suis dit que je savais accepter les coups et en donner, que j’étais capable de me battre.
Ils me touchaient tout le temps, bien évidement les parties intimes, fesses, sexe et seins.
Le seul contact avec ma peau fut les fesses.
Je me sentais humiliée au plus haut point avec mon collant baissé à l’arrière.
Dans ma tête, je me répétais : « Je suis une femme pas une merde, on ne peut pas me traiter de cette façon. »
J’ai eu un regain de force en même temps.
Je me suis détachée de lui.
J’ai frappé autour de moi, en poussant, en criant et je suis partie en sprint.
Heureusement que je sais courir assez rapidement.
J’ai hurlé le plus fort possible afin que quelqu’un m’aperçoive.
J’ai crié « Monsieur ! Au secours ! » en courant vers lui.
C’était un vieux monsieur arabe de 65-70 ans, qui me regardait, paniqué.
Je lui explique la scène et il me dit de rester auprès de lui.
Il n’a rien dit de fabuleux, mais il était là.
Il était tout déboussolé et il a fait son possible pour me rassurer.
Ils ont compris que je n’étais plus seule et ils sont repartis.
J’ai marché quelques minutes, j’ai remercié cet homme, et je suis repartie le plus vite possible chez moi
.
Savoir qu’ils m’ont touchée et effleurée m’écœurait.
Puis, j’ai décidé d’écrire un post sur Facebook pour en faire part à tous ceux qui vont à la Citadelle, surtout aux femmes seules.
Je ne pensais pas que mon post aurait eu autant de réactions.
Pourtant je m’entraine 6 fois par semaine, beaucoup de sport intense.
Les jours suivants, j’étais entièrement courbaturée.
Mon corps a tellement été contracté de partout, j’ai forcé le plus possible.
Comme quoi, cinq minutes d’emprise, le corps s’en souvient…
J’ai beau faire 2h de musculation intense, ça ne me fera pas cet effet.
J’avais mal à la tête le soir.
Je me suis couchée et au bout de 15 secondes, je dormais d’épuisement.
Je ne pensais pas que c’était possible.
Je me sens vraiment soutenue, que ce soit par mes collègues de travail ou mon école, et avec le post sur Facebook, lire ces commentaires m’a vraiment aidé.
Ca forge.
Recevoir tous ces témoignages des personnes qui soutiennent, ça me touche beaucoup !
Je suis loin d’être la seule… et c’est ce qui me fait le plus mal finalement… jusqu’au jour où il y aura un drame.
D’autres me disent que leur amie s’est faite aussi agressée.
Il y a beaucoup de guet-apens de ce genre. Ils ont voulu me voler, et étant une femme, ils ont continué avec le sexe.
Je n’en reviens toujours pas de voir leur plaisir dans leurs yeux à me voir souffrir.
C’est inhumain.
Car tu peux faire n’importe quoi, ils ne changeront jamais d’avis et avec l’effet de groupe, c’est pire.
Les garçons qui m’ont agressée étaient tous mineurs.
Ce seront des bombes à retardement dans quelque temps. Ils iront beaucoup plus loin.
La seule chose que je souhaite, c’est que les autres femmes prennent conscience du danger, car tout le monde ne pratique pas les sports de combat…
Pendant l’agression, j’y ai repensé, je me suis dit que je savais me battre, et que je savais porter les coups et les accepter.
Accepter l’humiliation, reprendre son calme, souffler, accepter les coups et la douleur, réfléchir au moment où l’on doit se débattre et partir…
Je pèse 55 kg pour 1m66.
Je ne suis pas une force de la nature.
Mais dès que l’on connait les gestes et que l’on a toute sa tête, il n’y a pas besoin de mesurer 2m et faire 100kg pour fuir même si c’est plus simple.
D’ailleurs, ils ne s’y attendaient pas, je les ai surpris.
Le problème c’est que maintenant je vais avoir une attitude agressive dès que l’on s’approchera trop de moi, voir le mal partout…
J’ai eu des examens cette semaine, c’est un peu mon second combat après l’agression.
Mais finalement, j’ai porté plainte aujourd’hui, pour les autres femmes.
Si un drame arrivait à une femme à la Citadelle, je m’en voudrais de ne pas avoir porté plainte.
Le dépôt de plainte s’est très bien passé.
Les policiers sont désemparés.
Ils ont reçu plusieurs dépôts de plaintes pour vols/violences.
Cependant, dans mon cas, j’ai été victime de violence aggravée et d’agression sexuelle, ce qui est beaucoup moins généralisé.
Les policiers sont inquiets de voir la situation se détériorer à ce point.
Comme le disait Malraux, « Une vie ne vaut rien, mais rien ne vaut une vie. »
Il est très important d’apprendre à contrôler ses émotions, gérer son stress.
On a beau savoir se battre, savoir courir vite, avoir de la force, si on ne sait pas gérer ses émotions, c’est fini…
Ces sentiments viennent au début, c’est normal… mais après il faut reprendre ses émotions… ne pas lâcher prise
Je me disais toujours ça dans ma tête : « Je ne suis pas une merde, on ne peut pas me traiter de cette façon ».
Ça fait monter la rage en soi finalement et ça donne de la force.
A RETENIR EN CAS D’AGRESSION
- Toujours garder en tête votre objectif de FUITE. Courir dès que possible.
- Toujours CHERCHER DE L’AIDE en criant et en interpellant quelqu’un. Le simple fait de voir quelqu’un avec Lucie a modifié le comportement des agresseurs. Si vous voyez plusieurs personnes, ciblez un individu en particulier par la parole et le regard plutôt que de vous adresser seulement au groupe.
- IL N’EST JAMAIS TROP TARD POUR REAGIR, même piégée dans une situation désespérée, même quand on est menue, même quand on est toute seule face à une meute. Au début, Lucie était paralysée mais elle s’est ressaisie alors que tout semblait la condamner.
- N’oubliez jamais que VOUS ÊTES PLUS FORTE QUE VOUS NE LE PENSEZ et que vos agresseurs ne l’imaginent. La surprise est une arme. Quand ils voient la peur sur votre visage de femme, les agresseurs pensent qu’ils ont gagné. Ils se trompent. La surprise que vous créerez en leur résistant vous donnera un court instant l’opportunité de vous sauver.
- VOUS SAVEZ VOUS BATTRE même si vous ne l’avez jamais appris. Comme le dit Lucie, c’est surtout sur le plan mental que les sports de combats l’ont aidée. Décider de se battre est plus important que connaître des techniques de combat, certes très utiles. Réussir à dire non est plus important qu’avoir de la répartie.
- ACCEPTER LES COUPS pour éviter la PROSTRATION. Quand on se débat, que l’on frappe, que l’on repousse, fatalement, nos agresseurs nous frapperont. Ne vous laissez pas décourager, intimider, dominer par ces coups et restez concentrée sur votre objectif.
- OUVRIR LE REGARD, encore pour éviter la prostration et pour SAISIR VOS OPPORTUNITES DE FUITE. Nous avons toutes des réactions différentes : certaines regardent le sol, d’autres ferment les yeux ou au contraire fixent leur agresseur. Ne vous enfermez pas dans un seul regard, cela vous aidera à sortir de la pétrification et à voir arriver d’autres éventuels agresseurs.
- Si vos premières tentatives échouent, ne vous laissez pas décourager. N’arrêtez pas de crier même si vous ne voyez personne venir. Il se peut que quelqu’un vous ait entendue mais n’ait bien identifié vos bruits, alors continuez à crier. Débattez-vous au maximum pour gêner les agresseurs et gagner du temps. Si vous ne pouvez ni crier ni bouger (sous la menace d’un couteau par exemple), luttez mentalement pour garder en tête votre objectif de fuite.
A RETENIR POUR EVITER UNE AGRESSION
- Ne pas s’attarder à un endroit où l’on se retrouve seule. Le premier agresseur de Lucie a pris soin de l’attaquer pile quand elle s’est retrouvée seule et l’a forcée à s’immobiliser.
- 99% des gens qui demandent l’heure aux femmes dans les lieux publics savent très bien quelle heure il est. A l’heure des téléphones portables et des écrans partout, qui n’a pas l’heure ? Dans la plupart des cas, demander l’heure est une plate accroche de drague (là, à vous de voir) ou un piège pour vous ralentir, vous distraire. Vous êtes une femme aimable et serviable ? Il y a mille manière de se rendre utile, ne vous forcez pas à interagir avec les inconnus, vous ne leur devez rien. Ne vous justifiez pas. Se prendre un vent d’une inconnue n’a jamais traumatisé personne.
- Tout contact physique non-sollicité dans un lieu public est une alerte. Une personne qui vous touche ou s’approche trop près de vous empiète sur votre espace vital. Dans le cas de Lucie, le premier contact physique était violent. Mais sachez que le simple fait qu’un inconnu pose la main sur vous, vous prenne (même doucement) l’avant-bras ou la main, ou vous donne une petite tape sur l’épaule, est déjà en soi un manque de respect.
- Faire confiance à son intuition. Si vous ne « sentez pas » quelqu’un, ne vous sentez pas coupable de sembler malpolie en coupant court à la discussion. N’ayez pas peur de sur-réagir ou de taper un scandale. N’attendez pas d’être certaine que l’homme est en train de vous agresser pour réagir. Beaucoup d’agressions démarrent de manière anodine et brouillonne, écoutez les alertes qui vous montent au cerveau.
- N’ayez pas honte d’être « parano ». Les gens qui vous reprochent de « voir le mal partout » sont rarement des personnes ayant subi une grave agression ou qui savent ce que ça fait, que d’être regardée comme un bout de viande par de nombreux hommes. Vous n’arrivez pas à être détendue dans certains lieux à certaines heures ? Cela signifie vos sens captent des informations et que votre cerveau vous envoie des alertes. Votre cerveau fonctionne normalement. Ce sont les grandes villes qui sont anormalement stressantes pour les femmes. N’hésitez pas à demander à vos proches de vous accompagner dans les déplacements stressants (tel quartier, telle heure).
- N’oubliez pas qu’aucune tenue vestimentaire ne vous protège des agressions et viols. Tous les jours, des femmes sont violées alors qu’elles portent un jogging ou un jean.
- Pratiquer un sport de combat. Aussi utile sur le plan technique que mental, comme le montre le témoignage de Lucie. Pour le choix du sport, le plus important est de s’y mettre et de choisir un cours qui VOUS convient. A vous de voir si vous préférez faire ponctuellement des stages ou suivre un cours toute l’année.
source
Bravo Lucie ! Votre façon de vous défendre a dû laisser vos adversaires pantois. Ils ne s'attendaient certes pas à votre réaction et pensaient avoir gagné la partie. Peut-être y regarderont-ils à 2 fois avant de récidiver.
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