L'économiste est inquiet quant au risque pris par certaines banques européennes sur les marchés financiers.
Philippe Herlin, chercheur en finance et docteur en économie, a accepté de nous confier son sentiment sur la situation des banques européennes.
Et de nous parler de la fameuse directive BRRD.
Et de nous parler de la fameuse directive BRRD.
Le 29 octobre, Philippe Herlin écrivait un article sur le site GoldBroker.com.
Il nous apprenait que la Comission européenne allait poursuivre six pays devant la Cour européenne de justice.
La raison ?
Ces derniers n’ont toujours pas transposé dans leur droit national la «Directive sur le redressement des banques et la résolution de leurs défaillances» (BRRD pour Bank Recovery and Resolution Directive).
Cette dernière prévoit qu’en cas de faillite, une banque pourra ponctionner les comptes des épargnants contenant une somme d’au moins 100 000 euros.
Le chercheur en finance a accepté de livrer à RT France son ressenti quant à cette affaire.
RT France : Pourquoi cet empressement de la Commission à vouloir faire paraître cette directive, craindrait-elle un effondrement bancaire ?
Philippe Herlin : Elle doit s’appliquer le 1er janvier 2016.
Mais ce n’est peut-être pas la raison principale.
Après tout, des directives sont parfois effectives avec deux ans de retard.
Je pense que cela traduit surtout une crainte quand au risque que prennent certaines banques.
Elles ont des expositions colossales sur les marchés financiers, le tout avec des effets de levier très importants.
RT France : Des effets de levier ?
Philippe Herlin : On se situe en moyenne sur des ratios d’1/30.
Clairement, cela signifie que pour 30 euros d’exposition sur les marchés, elles détiennent 1 euro de fond propre.
C’est une situation explosive.
En apparence tout va bien, les marchés sont très hauts, les taux d’intérêts proche de 0 mais il suffit d’un retournement imprévu pour tout faire sauter.
On l’a vu à Chypre récemment, à un tout petit niveau.
Les banques se sont retrouvées dans une situation telle que les comptes des épargnants ont été ponctionnés.
La même chose pourrait se produire en Europe mais à des niveaux autrement plus importants.
Un cataclysme du type de la chute de Lehman Brothers en 2008.
Elles ne puiseront pas forcément tout, cela dépendra des pertes.
Mais une fois les actionnaires et les détenteurs d’obligations mis à contribution, on arrivera très vite sur les comptes de particuliers voir les entreprises.
RT France : Les entreprises pourraient également être concernées ?
Philippe Herlin : La directive BRRD le prévoit en effet mais ne le recommande pas.
L’Europe est prudente là dessus. Elle sait qu’assécher les comptes d’entreprises impactera fortement leurs trésoreries ce qui pourrait conduire à une transmission de la crise bancaire à l’économie réelle.
RT France : Concrètement, si je suis un épargnant qui a plus de 100 000 euros sur son compte, comment je protège mon argent ?
Philippe Herlin : En premier lieu, les gens vont se protéger en ouvrant plusieurs comptes de manière à descendre en dessous de la barre des 100 000 euros.
Mais il ne faut pas se faire d’illusion.
Cette limite est illusoire.
En réalité, très peu de comptes contiennent autant d’argent.
En cas de grave crise, les banques finiront par puiser en dessous.
Ils mettront peut-être une limite à 20 000 euros et voilà tout.
Mais ce que je recommande plus que tout, c’est de sortir du système bancaire le plus possible.
De transformer ses liquidités en actifs réels comme l’immobilier ou l’or physique.
RT France : Comment savoir si ma banque est en difficulté ?
Philippe Herlin : Une banque qui court des risques c’est une banque qui a des activités de marché.
Celle qui ne cloisonne pas ses métiers de détail et de spéculation.
Je recommande donc des banques qui n’ont pas d’activité de ce type comme le Crédit Mutuel par exemple.
Mais c’est très compliqué, la majorité des banques européennes jouent sur les deux tableaux.
Vous pouvez également suivre la presse mais ils ont toujours deux trains de retards sur les initiés quand quelque chose ne va pas.
Et de toute façon, si vous pensez à la directive BRRD, elle est faite pour s’appliquer en l’espace d’un week-end.
Pour éviter un «bank run», un retrait massif des capitaux.
Comme cela, ils pourront vous dire : «Estimez-vous heureux de ce qu’il vous reste».
RT France : Que dit cette affaire de l’état de la démocratie au sein de l’Union européenne ?
Philippe Herlin : Factuellement c’est démocratique.
La directive a été votée par le Parlement européen.
Le problème se situe au niveau des pays.
Tous ne font pas appel à leurs parlements nationaux avant d’inscrire les décisions européennes dans leurs droits.
Prenez la France par exemple, la directive BRRD a été transposée par simple ordonnance le 20 août dernier.
En pleine période de vacances, sans débat à l’Assemblée, sans que les journalistes ne s’y intéressent.
Ni vu, ni connu.
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