Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, Éric Dupond-Moretti, ministre de la Justice, et Sabrina Agresti-Roubache, la locale de l'étape et secrétaire d’État chargée de la Politique de la ville, étaient en déplacement à Marseille, ce mardi 19 mars 2024.
Comme souvent, pour ne pas dire toujours, il était question de trafic de drogue. Alors qu’ils étaient attendus à 11 heures au commissariat de la division nord après une visite du site Airbus Hélicoptère et une réunion de travail au tribunal judiciaire, le programme a été bouleversé. Et pour cause…
Emmanuel Macron a décidé de prendre part au voyage et de faire une visite surprise à la Castellane, l’une des places fortes du narcotrafic (XVe). Sur place, il s’est entretenu avec les différents acteurs de la lutte contre le trafic de stupéfiants, dont le procureur de la République, Nicolas Bessone, et le nouveau préfet de police des Bouches-du-Rhône, Pierre-Édouard Colliex.
Encore des mots, toujours des mots, les mêmes mots
Cette séquence a été de courte durée, comparée au temps que le Président a passé à la Castellane. Pendant plus de deux heures, il a déambulé dans la cité et a discuté çà et là avec les habitants. Il a serré beaucoup de mains, probablement même des mains de dealers. Peu importe, le but de cette visite surprise était de faire de la communication.
Le lundi 18 mars, une opération place nette XXL (fouille des caves, des toitures, contrôle des identités, équipes cynophiles, ouverture des voitures au pied de biche…) ayant permis l’arrestation de 82 personnes et la saisie de 140.000 euros a débuté à la Castellane ; début mars, Félix Bingui, chef du clan Yoda, a été arrêté au Maroc ; le 16 mars, dix membres de la DZ mafia ont été mis en examen... La lutte contre le trafic s'intensifie, le chef de l’État n’avait pas l’intention de laisser ses ministres en retirer toute la gloire.
Ni une ni deux, un petit tour de Falcon et Emmanuel Macron était à Marseille pour attirer toute la lumière à lui. Gérald Darmanin, Éric Dupond-Moretti et Sabrina Agresti-Roubache ont essayé de rentrer dans le cadre de la caméra mais n’ont pas prononcé le moindre mot. Tous les regards étaient tournés vers le chef, le sauveur.
La garde rapprochée du Président a pris le soin d’éloigner les journalistes lors des échanges les plus houleux, comme lorsqu’il a été interrogé sur le conflit israélo-palestinien, mais a parfaitement laissé le champ libre quand l’image était flatteuse, quand Emmanuel Macron se montrait compréhensif, à l’écoute et capable d’apporter des solutions concrètes. Rien n’a été laissé au hasard.
Échange lunaire d’Emmanuel Macron à Marseille avec une racaille qui ne veut pas travailler et qui évidemment critique la police. pic.twitter.com/XQy2ZqpJTC
— Bruno Attal (@Bruno_Attal_) March 19, 2024
Pour preuve, le chef de l’État, pourtant très sollicité, a été à l’initiative de certains échanges avec des personnes ayant des profils emblématiques. En milieu de matinée, il a jeté son dévolu sur Matteo, un adolescent, casquette à l’envers, entièrement vêtu d’une tenue de sport noire, smartphone à la main, déscolarisé et ne sachant que faire de sa vie, l'archétype du jeune des quartiers nord. Un garçon qui n’avait rien demandé mais que le président de la République a interpellé à plusieurs reprises pour prendre son numéro de téléphone afin de l’aider à trouver un travail.
Des mots magiques, des mots tactiques, qui sonnent faux
Pas de chance pour Emmanuel Macron, Matteo n’est pas dupe. Après le départ du chef de l’État, il confie à France 3 PACA : « Il m'a dit qu'on allait m'aider, qu'on prend mes coordonnées pour chercher du travail, mais je n'y crois pas trop, quand il est passé l'année dernière, il a dit pareil. » Oui, aujourd’hui c’était du bla-bla. La vie des Marseillais ne va pas changer à la suite de l’opération place nette, pas plus que celle des habitants de la cité. Rudy Manna, porte-parole national du syndicat Alliance police, contacté par BV, s’interroge : « On aura nettoyé, fouillé, vidé, mais après les trois semaines, que va-t-il se passer ? » Il ajoute : « On ne va pas pouvoir laisser 900 policiers pendant six mois sur des opérations place nette. Il y a des gens dans tout Marseille qui ont besoin de nous. Si on met 900 policiers là, ils ne sont pas ailleurs. » Résultat : « Le problème va se déplacer et dans un mois quand ça va se calmer, ils vont revenir. »
Pour régler le problème de la drogue, les déplacements surprises sont inutiles, les poignées de main aussi. Quant aux opérations place nette, aux interpellations, aux saisies et autres, tant que la réponse pénale ne sera pas plus sévère, elles n’auront qu’un effet ponctuel. « Les réseaux sont bloqués pendant trois semaines, et après ? » Le policier pose la question, il connaît sans doute déjà la réponse.
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