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vendredi 22 mars 2024

Le procès fait à CNews rattrape Yann Barthès et Quotidien


 

Marc Baudriller 21 mars 2024metho

Pour la première fois, Yann Barthès devra s’expliquer sérieusement sur son refus d’inviter tout représentant du Rassemblement national. Selon une information du JDD, la Commission d’enquête parlementaire qui a auditionné Bolloré entendra l’animateur de Quotidien sur la chaîne TMC. Il évoquera le respect du pluralisme au sein de son émission. L’occasion de sortir du procès en partialité fait à… CNews ! Le président de la Commission a donc considéré que la demande de cinq députés RN d'entendre l'animateur n’était pas illégitime.

Mercredi 20 mars, l'un des signataires de cette lettre, le député RN Philippe Ballard, ancien journaliste de LCI, avait évoqué le problème en séance à l’Assemblée. « Nous, on est une chaine privée (TMC appartient à TF1), on fait ce qu’on veut ! », répète Barthès qui assume l'absence du RN sur ses plateaux depuis longtemps. Sauf que ce qui vaut pour CNews vaut pour TMC. Les règles du pluralisme s’imposent bien aux éditeurs publics et privés, a précisé le président de l’Arcom Roch-Olivier Maistre devant la même commission ce 21 mars.

Deux poids, deux mesures

Une précision évidente, mais bienvenue. Car la pratique médiatique ressemble de plus en plus à un deux poids deux mesures. Philippe Ballard s’étonnait ainsi mercredi 20 mars en séance du sort fait au journaliste de France Info Jean-François Achilli, signature connue de la radio publique. Achilli vient d’être mis à pied en attendant de plus amples informations. Sa faute ? Il aurait, selon Le Monde, participé sans autorisation à un projet de livre du leader du RN, ce que la règle adoptée en juin dernier par France Info interdirait. Achilli s’en défend sur X : « Je n’ai enfreint aucune règle professionnelle ou déontologique, a-t-il publié dès le 15 mars sur l’ex-Twitter. J’ai échangé avec Jordan Bardella comme je le fais avec tous les responsables politiques depuis 25 ans. Nous avons parlé à sa demande de ce que pourrait être son expression pour un livre d’entretiens. J’ai refusé le projet ». Le journaliste se dit « abasourdi par la brutalité de la mesure injustifiée prise par la direction de France Info à mon encontre, qui nuit gravement à ma réputation ». Pour Bardella, toujours via un message X, « ces méthodes pratiquées par le service public sont dignes des pires régimes et font honte à la démocratie ».

Personne n’est dupe. « C’est du maccarthysme, une véritable chasse aux sorcières, dénonce Philippe Ballard joint par BV. Achilli n’apparaitra pas dans le livre de Jordan Bardella ». Il en est convaincu : si l’affaire a pris tant d’ampleur, c’est parce qu’il s’agit du Rassemblement national. Car combien de journalistes ont signé des livres d’entretien avec des hommes ou des femmes politiques ? Sans citer le livre-entretien ancien et à gros tirage de Patrick de Carolis avec Bernadette Chirac, épouse d’un homme politique et élue elle-même, ils sont nombreux : le dernier est peut-être le livre d’entretiens consacré en 2023 par Jean-Michel Djian à l’ancien ministre Le Drian. Philippe Ballard cite de son côté les livres de Duhamel, Plenel, Askolovitch ou… Salamé.

Des allures de procès stalinien

Sur le fond, écrire un livre d’entretien ne parait pas plus compromettant que la réalisation d’un simple interview dans un média. Plus que l’entretien en lui-même, c’est le ton, plus ou moins incisif, qui signera la distance du journaliste à son sujet. Mais comment évaluer ce ton et cette proximité supposée dans un projet de livre, a fortiori un projet refusé ? Le procès fait à Achilli repose sur le devoir de neutralité d’un média du service public, rémunéré – de force, via l’impôt – par l’ensemble des Français. Mais voilà, parler de l’objectivité politique de Radio France suscite chez de nombreux Français la colère ou l’hilarité, c’est selon.

L’affaire a bien des allures de procès stalinien. Et on n’empêchera aucun Français, auditeur ou non de France Info, de penser qu’un projet de livre d’entretiens d’un journaliste maison avec Yannick Jadot ou Raphaël Glucksmann n’eût pas créé le même émoi. Conclusion de Philippe Ballard : « Cela nous conforte dans notre volonté de privatiser les médias de service public si nous arrivons au pouvoir ! » Pas sûr que cette décision déclenche des torrents de larmes dans l’Hexagone.

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