« Le Président va rendre compte de la situation de manière pédagogique », rapportait la presse ce jeudi matin. Les Français ne sont pas des enfants, mais bon…
En tout cas, il était grand temps qu’Emmanuel Macron s’adresse directement aux Français après ses saillies va-t-en-guerre des dernières semaines, que le Parlement a débattu et s’est prononcé cette semaine sur l’accord bilatéral de sécurité signé récemment entre la France et l’Ukraine. Grand temps d’autant que les deux tiers (68 %) de nos compatriotes considèrent que le chef de l’État a eu tort de prendre des positions ressenties comme bellicistes, selon un sondage Odoxa-Backbone Consulting réalisé fin février pour Le Figaro.
Des propos qui ont « créé une forme de peur », soulignait un député Renaissance, selon La Nouvelle République, qui ajoutait : « Il faut rassurer, dire qu’on fait tout pour éviter la guerre, que la France use toujours de la voie diplomatique et qu’il ne faut jamais abandonner l’Ukraine ». Alors, ce jeudi soir, interviewé par Anne-Sophie Lapix et Gilles Bouleau, Emmanuel Macron a donc voulu faire de la pédagogie. Tout du moins au début de son interview. « Vous êtes assis devant moi. Est-ce que vous êtes debout ? Non. Est-ce que vous excluez de vous lever, à la fin de votre interview ? A coup sûr vous n’allez pas l’exclure ». Référence à ses récents propos selon lesquels il n’excluait pas d’envoyer des troupes au sol en Ukraine. La comparaison est un peu boiteuse mais le Président semble content de sa trouvaille. A-t-il rassuré les Français ? Sans doute pas. A-t-il convaincu que la France use toujours de la voie diplomatique ? Encore moins. Qu’il ne faut jamais abandonner l’Ukraine ? Oui, sur ce point, le message a été clair.
Macron n’a pas rassuré.
Tout d’abord sur la situation tactique sur le terrain, là-bas, sur la ligne de front : « La situation est difficile », reconnaît le Président. « Une litote », lui répond Gilles Bouleau. Traduire : la situation tactique est mauvaise pour les Ukrainiens. Mais Macron va plus loin en rappelant que « la guerre est sur le sol européen », que « ce n’est pas une fiction loin de nous ». C’est une évidence que les Français savent mais ne veulent sans doute pas croire, il faut bien l'avouer. Et donc, Macron n’a pas voulu rassurer en affirmant que c’est la sécurité de l’Europe, de la France et des Français qui se joue là-bas. « Guerre existentielle pour la France et l’Europe », dit-il carrément. Sur l’envoi de soldats français en Ukraine, a-t-il rassuré ? Non plus. « J’ai peut-être raison de ne pas être précis ». C’est la fameuse « ambiguïté stratégique ». On n’en saura pas plus. Pourtant, Le Monde révélait ce 14 mars que Macron, le 21 février dernier, dans un salon de l’Élysée, aurait déclaré « d’un air dégagé » : « De toute façon, dans l’année qui vient, je vais devoir envoyer des mecs à Odessa ». Propos que dément formellement le Palais, ce même 14 mars. Ambiguïté stratégique.
« Nous sommes prêts », assène-t-il...
Rassurer sur le fait que « les choses bougent » en tentant de faire oublier le cinglant désaveu qu’il a reçu de la part des alliés après ses propos lors de la conférence de soutien à l’Ukraine, le 27 février dernier. On verra cela après qu’il aura rencontré Scholz ce 15 mars. Macron a voulu rassurer quant à nos capacités militaires. Nous avons un « modèle d’armée complet », se plaît-il à rappeler. Un modèle que les esprits chagrin qualifient d’« échantillonnaire »... Et le chef des armées d'évoquer notre récent engagement au Sahel pour prouver notre capacité opérationnelle. Bouleau a beau rétorquer que ce n'était pas tout à fait le même genre d’ennemi et de guerre que celle qui est menée en Ukraine, Macron balaie l’argument d’un revers de manche. « Nous sommes prêts », assène-t-il. La France produit moins de cent obus par jour, ce que consomment les Ukrainiens en quelques minutes ? On va chercher partout dans le monde des minutions et accélérer les cadences. Tout ça coûte cher. 4,8 milliards ont déjà été donnés à l’Ukraine. 3 de plus sont prévus. Va-t-il falloir emprunter sur les marchés internationaux ? Ne pas l’exclure. Et de rappeler ce que l’on a fait durant le covid (« Quoiqu'il en coûte » ?) pour tenir le pays à flot. Donc, se préparer à ce que la France s’enfonce un peu plus dans la spirale infernale de l’endettement.
Et la diplomatie dans tout ça ? « Je suis disposé à mener les discussions », affirme Macron. Ce n’est sans doute pas lui qui les mènera ces discussions, le jour où elles viendront... « Mais en face quand on ne dit pas la vérité… », ajoute-t-il. En clair, le temps où la France se positionnait comme une grande nation diplomatique est révolu.
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