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mardi 14 février 2023

Renationalisation d’EDF : pourquoi ce virage à 180° ?


 

Philippe Charlez 13 février 2023

Après trois heures de rappels au règlement et de suspensions de séance, le Parlement a adopté, ce jeudi 9 février, la proposition de loi portée par le député PS Philippe Brun visant à renationaliser EDF et à rendre son capital incessible. 

Applaudi par toute la presse de gauche, il marque pour Philippe Brun « une rupture avec vingt ans de dérives libérales »

Une phrase sur laquelle devraient méditer les députés et qui ont voté le texte main dans la main avec l’extrême gauche. n’est finalement, pour l’opposition, qu’un pion de plus pour affirmer son existence au sein d’une Assemblée nationale devenue en moins de six mois la nouvelle ZAD de la nation.

Pour reprendre le contrôle total de l’électricien (dont 85 % étaient publics avant l’OPA), aujourd’hui endetté à hauteur de 60 milliards d’euros, l’État devra débourser 10 milliards d’euros.

Mais intéressons-nous au fond. Pourquoi cette renationalisation ? Qu’apportera-t-elle au paysage énergétique français ? Fera-t-elle baisser la facture électrique des Français ?

Le projet Hercule

Renationaliser va clairement dans le sens contraire de l’histoire contemporaine. Malgré la création du grand marché européen de l’électricité, le capital d’ n’avait certes été privatisé (15 %) que de façon homéopathique. Pour des raisons stratégiques, l’électricien avait conservé l’ensemble du parc nucléaire (70 % de la production d’électricité) sous sa houlette. En compensation, il avait dû se soumettre aux règles de l’ARENH lui imposant de céder à ses concurrents 25 % de sa production nucléaire à prix coûtant.

En 2019 existait dans les cartons publiques un projet du nom d’Hercule visant à scinder en trois sociétés indépendantes : un EDF bleu 100 % national regroupant le nucléaire et la distribution (l’actuel RTE), un EDF vert regroupant les ENR au capital ouvert et, enfin, un EDF azur regroupant les centrales hydroélectriques au statut hybride. Cette stratégie appuyée par l’ancien PDG Jean-Bernard Lévy devait notamment permettre à l’ancien monopole naturel de trouver auprès du privé les fonds nécessaires à ses investissements dans la transition énergétique, notamment la mise en œuvre de l’électricité verte. Ainsi, Hercule aurait par exemple autorisé TotalEnergies ou Engie à investir leurs superprofits dans la branche ENR d’EDF. Soutenu par la Commission de régulation de l’énergie, Hercule avait suscité la colère des syndicats interprétant cette scission des activités comme un véritable démantèlement. À l’opposé de l’échiquier, l’Union européenne exigeait une scission réelle empêchant, notamment, tout financement croisé entre les trois entités alors que le gouvernement plaidait pour une stratégie autorisant des flux intra-financiers.

Un virage à 180°

Par suite de la crise énergétique, la politique gouvernementale a opéré un virage à 180° : de la fermeture de 15 réacteurs, elle est passée à la construction de 6, voire 14 nouveaux EPR. La renationalisation d’ se lit en filigrane de ce virage : Hercule n’était plus compatible avec une stratégie réinvestissant massivement dans le nucléaire. Des investissements ne pouvant venir du privé dans la mesure où l’État, au nom de la sécurité énergétique, refuse de privatiser son parc nucléaire.

En termes d’investissements, la décision sera très lourde pour l’État (et, donc, pour le contribuable) qui devra supporter à la fois le poids de la dette mais aussi le poids de tous les investissements futurs, quelles que soient les sources électriques (nucléaire, éolien terrestre et marin, solaire, gaz).

En revanche, cette nationalisation ne jouera pas, à court terme, sur les prix de l’électricité. 2023 100 % nationalisé n’est en rien un retour au monopole naturel et non concurrentiel des années 1980. EDF continuera de fonctionner dans un marché ouvert en concurrence avec des acteurs français et européens. La nationalisation ne changera rien aux règles du marché où le prix de l’électricité continuera de s’aligner sur le prix de la source marginale (le gaz).

Le contribuable doit donc s’attendre à payer trois fois : payer pour la dette d’EDF, payer pour les investissements futurs, payer pour les choix irresponsables du green deal européen ayant implicitement, sous la pression allemande, jeté les ENR dans les bras du gaz !

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