Ce néologisme, fusionnant les termes chems, pour substances stupéfiantes d’origine chimique et sex, avait été créé en 2012 par l’écrivain, chercheur et activiste gay australien David Stuart.
Ancien usager de drogues lui-même pendant une décennie, ayant contracté le VIH lors d’un de ces « plans chems », il avait fait des risques liés à l’abus de produits psychoactifs dans un cadre sexuel sa vocation, travaillant à l’élaboration de politiques de prévention autour du VIH et au soutien des hommes devenus dépendants. Incarnation ultime de ce qu’il dénonçait, il est décédé en 2022 de ses choix passés en matière de sexualité à haut risque.
Les chemsexeurs, recourent à l’usage de stupéfiants – principalement cocaïne et drogues de synthèse – pour stimuler le désir, se désinhiber, décupler les sensations, augmenter la confiance en eux, et surtout les performances sexuelles qui peuvent, sous l’effet de ces psychotropes, durer jusqu’à plusieurs jours. Il ne dorment plus, sans ressentir la fatigue, la faim ou la soif. La perception des risques est annihilée, et ils peuvent perdre la conscience de ce qu’ils font.
D’un comportement marginal à une influence sur le reste de la populationSi cette pratique n’a rien de neuf – la consommation de drogues ou d’alcool dans le cadre sexuel ayant toujours existé – elle prend de l’ampleur. Assez pour alerter les services sanitaires et les associations de lutte contre les dépendances. Plusieurs raisons à cette augmentation sont à déplorer. Comme le rapporte Wikipedia, « les poppers sont présents dans la culture gay depuis les années 1970« , il y a donc moins de tabou autour de la prise de drogues et autres stimulants au sein de cette communauté. Avec la généralisation d’internet, il est devenu extrêmement facile de se procurer ces substances de synthèse tout comme les partenaires: il suffit d’un click, les applications de rencontre et les réseaux sociaux ont tous leurs communautés « chems ».
Selon le rapport sur le Chemsex de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies publié en 2019, « 14% des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) ont pratiqué le chemsex durant l’année précédente« . HSH désignant les hommes qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes, sans tenir compte du fait qu’ils se reconnaissent comme hétérosexuels, bisexuels ou homosexuels. Le phénomène tend à se démocratiser et n’est plus circonscrit aux HSH : certains milieux festifs hétérosexuels ont aussi leurs parties, échangistes en tête.
MST en augmentationOutre les importants problèmes d’addiction et d’overdose qu’il engendre, le chemsex en tant que pratique sexuelle à haut risque favorise la propagation des maladies sexuellement transmissibles telles que les gonorrhées, gonocoques, l’hépatite C, ou encore la syphilis (+70% en 10 ans) et le VIH. Pour de nombreuses associations, le phénomène est tel qu’il a été comparé à l’épidémie de Sida qui avait touché notamment la communauté gay dans les années 80. Toujours selon le rapport « les dernières données disponibles concernant les découvertes de séropositivité au VIH montrent que les HSH demeurent le groupe le plus vulnérable, représentant 45% des découvertes en 2017‐2018. »
La prophylaxie pré-exposition, une pilule prise avant les rapports sexuels pour réduire le risque d’infection, joue aussi son rôle néfaste, réduisant encore la propension à l’usage de préservatif. Les chemsexeurs étant de toute façon tellement défoncés, qu’ils y auront difficilement recours, surtout quand les orgies durent plusieurs jours et que les partenaires s’alternent.
Rapport Attentes et PArcours liés au CHEmSex, de l’OFDT.
Accidents et violences
Mélange de substances psychoactives, effacement de la perception des risques, absence de sommeil pendant plusieurs jours… tout est réuni pour les dérapages. Et pas seulement ceux qui poussent un homme à croire qu’il est en état de conduire sans causer d’accident.
En 2016, Vice s’intéressait à la scène chemsex de Londres « deux procès ont mis en lumière le côté obscur de la scène chemsex londonienne : celui de Stephen Port, condamné pour le viol et le meurtre de quatre jeunes hommes dans l’est de Londres, et celui de Stefano Brizzi, condamné pour avoir partiellement mangé le cadavre d’un policier de la ville avant de le dissoudre dans de l’acide. Les deux tueurs ont utilisé le chemsex (…) comme une justification à leurs meurtres sordides. Alors que le chemsex revenait constamment sur le tapis pendant ces affaires judiciaires, cette sous-culture de niche a été stigmatisée comme un milieu macabre et pervers. »
La même année, l’Italie était secouée par l’assassinat particulièrement sanglant d’un jeune homme de 23 ans, Luca Varani. Contacté, via une de ces applications de rencontre, il sera torturé et massacré par deux chemsexeurs qui s’endormirent à côté de son cadavre meurtri de plus de cent coups de couteau et de marteau. Avant de se suicider, un des deux meurtriers confessera : « Je ne sais pas comment j’ai pu me transformer en un tel animal« .
En 2018, Christophe Michel, mari de l’ homme politique et militant associatif Jean-Luc Romero mourrait à 31 ans, d’une surdose de drogue au cours d’une session de chemsex.
Ce triste palmarès n’étant évidement que la face émergée de l’iceberg, les cas les plus éclatants. Les viols, comme les dommages psychiques pouvant difficilement être évalués.
Stigmatisation et pleurnicherie
Alors que les victimes de Pierre Palmade sont encore à l’hôpital au pronostic vital engagé, certains militants ou des adeptes de Chemsex, viennent pleurer sur les plateaux de télévision, déplorant la « stigmatisation » de ces actes et de l’usage de drogue qu’ils comparent la consommation d’alcool. Comme si un mal pouvait en justifier un autre…
Une leçon bourdeusienne habillement ressassée : « c’est la faute à la société ». Pourtant, a t’on véritablement besoin de plus de prévention pour savoir qu’il vaut mieux éviter de faire usage de stupéfiants, de contacter de parfaits inconnus sur des sites prévus à cet effet, d’avoir des rapports sexuels non-protégés avec eux ?
Non les chemsexeurs ne sont pas des victimes de la société, du manque de prévention ou de la stigmatisation, mais des adultes souhaitant se défoncer et s’envoyer en l’air toute la nuit, pleinement conscients de leurs actes.
Audrey D’Aguanno
Crédit photo : DR
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