Dix-neuf heures. Anthony rentre chez lui après une journée bien chargée.
Nous sommes le 19 septembre, et le jeune psychiatre est enthousiaste; il vient d’être affecté dans un nouveau service de l’hôpital Sainte-Marie, à Nice, où il exerce, et ce féru de théâtre a déjà plein de projets d’ateliers artistiques pour ses patients. Il prépare son repas, tout en échangeant des SMS avec sa compagne, interne en pharmacie à Arles.
20h, il passe à table. Et puis tout se bouscule. Il est pris de violentes céphalées, ne parvient plus à déglutir ni même à parler. Mais il refuse de s’inquiéter et d’appeler le Samu.
"Je sais trop combien ils sont souvent dérangés pour rien." Il se couche, surélève ses jambes… Trente minutes passent, les symptômes ne s’améliorent pas. Il envoie alors à sa compagne ce message laconique: "J’ai un problème." Elle comprend aussitôt que c’est sérieux; Anthony ne se plaint jamais. Et effectivement la situation s’aggrave. Anthony commence à s’étouffer avec sa salive, il crache pour éviter une fausse-route.
20h30: premier appel au Samu
Plus possible de reculer: il compose le numéro du Samu. Au bout du fil, le régulateur ne comprend pas les quelques mots qu’Anthony tente de prononcer, il s’impatiente, lui demande de lui passer quelqu’un.
"Si vous habitez dans un appartement, aller frapper chez un voisin." Anthony raccroche, il sort de chez lui et croise une voisine dans la cage d’escalier. Il lui décrit ses symptômes par écrit: "Je ne peux plus parler, ni déglutir, appeler le 15 svp. Je suis médecin." La voisine s’exécute, la régulation lui passe un médecin auquel elle transmet le message.
Le médecin conclut: "C’est une angine, je vais appeler SOS médecins, ils passeront dans la nuit."
Appel aux pompiers: il faut composer le 15
Le temps qui, dans ces circonstances paraît interminable, passe; la compagne d’Anthony, inquiète, rappelle le 15. Troisième appel. Tout a été enregistré, et le régulateur, qui est resté sur le diagnostic d’une angine, répond: "Monsieur prendra ses médicaments demain matin."
Nullement convaincue, elle va joindre une proche du couple, étudiante en médecine. Cette dernière va à nouveau tenter de convaincre le 15 que la situation est alarmante. Le barrage de la régulation ne pourra pas être franchi.
La voisine d’Anthony, bouleversée par l’état du jeune homme, prend l’initiative d’appeler les pompiers. "Il faut composer le 15", lui répond-on. "C’est déjà fait, ils ne veulent pas venir." - "Qui allez-vous appeler après nous alors?", ironise au bout du fil l’interlocuteur.
21h30: il hèle des passants dans la rue
Épuisé, Anthony rentre dans son appartement et attend la venue de SOS médecins. "J’ai confiance dans la médecine, et j’ai fini par me dire que ce n’était peut-être pas grave, qu’ils avaient raison de ne pas s’inquiéter."
Mais il va croiser son reflet dans le miroir accroché dans son entrée et découvre qu’une partie de son visage est paralysée. "Là, je me suis dit que c’était grave, que je ne pouvais plus attendre."
Conscient qu’il ne peut pas conduire, il quitte son appartement et hèle des passants dans la rue. Il est 21h30. Un jeune homme s’arrête. Anthony lui tend son smartphone où il a écrit "je m’appelle Anthony, je fais un AVC, appelez le Samu SVP." Cinquième appel. Nouvelle fin de non-recevoir. "Le diagnostic d’angine n’était toujours pas remis en question.
Alors, Anthony comprend qu’il n’y a plus d’alternative: il doit se rendre aux urgences et fait appel à un Uber. "Le passant est resté avec moi, et 3 minutes plus tard, j’étais dans la voiture. La conductrice m’a déposé devant les urgences, elle m’a même proposé de m’accompagner je lui ai répondu que ce n’était pas nécessaire."
Anthony, qui commence à avoir aussi des difficultés à marcher, se présente à l’accueil. "On m’a tendu un masque, un ticket et demandé de patienter en salle d’attente. Je n’ai pu m’empêcher de penser: 'C’est une blague!'"
23h: la thrombolyseC’est une aide-soignante qui en passant dans la salle le reconnaît - Anthony assure régulièrement des gardes aux urgences psychiatriques de Pasteur - et, en réalisant la gravité de son état, le fait rentrer sans attendre dans le service des urgences. Il est alors 23h. "Là, tout s’est accéléré. On a compris que je faisais un AVC. Un neurologue m’a pris en charge, j’ai été transféré en unité de soins intensifs en neurologie, on m’a fait passer une IRM, puis traité par thrombolyse."
Anthony passera près de 15 jours à l’hôpital - il ne rentrera à son domicile que le 3 octobre. "Les premiers temps, j’avais totalement perdu la parole et j’étais nourri par sonde." Il est inquiet: "Est-ce que je vais pouvoir à nouveau parler?, demande-t-il par écrit aux médecins. Je suis psychiatre, si je ne parle plus, je ne pourrai plus exercer mon métier."
Grâce à une rééducation intensive, et une volonté hors du commun, près de deux mois plus tard, Anthony a (presque) récupéré sa voix. Et il a souhaité la faire entendre.
S’il n’envisage pas de porter plainte, il veut que son histoire soit connue pour éviter qu’elle ne se reproduise.
Ouf qu'elle chance !!! Mais est il Pfyzérizé ? il me semble jeune ....
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