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vendredi 11 mars 2022

Guerre d’Ukraine – 10 mars 2022 – Jour 15 – point en fin de journée


 
 

parcourrier-strateges
10 mars 2022

Le Courrier des Stratèges publie une à deux fois par jour un bilan de l’évolution de la Guerre d’Ukraine. 
 
Avec une double perspective, croisée: la guerre sur le terrain; et le conflit stratégique global que les Etats-Unis essaient d’organiser contre la Russie – en prenant le risque très clair d’une escalade entre puissances nucléaires. Nous sommes dans une "crise des missiles de Cuba" au ralenti. L'instinct de survie et l'intelligence l'emporteront-ils sur le potentiel d'auto-destruction de l'humanité?

 
 
Point militaire

08h00: Le problème, avec beaucoup de commentateurs et experts français ou occidentaux, c’est qu’ils ne disposent plus de cette culture générale qui permettrait de se disputer dans la même langue ! 

+ 1er exemple: L’Ukraine est un territoire central de la théorie géopolitique classique. Il serait facile de débattre avec quelqu’un qui aurait lu MacKinder et Brzezinski et qui reconnaîtrait donc que les Etats-Unis et l’OTAN cherchent à priver, depuis vingt-cinq ans, la Russie de ce territoire clé. Accepter cette évidence conduit à comprendre pourquoi les Russes ne peuvent pas accepter cela. Leur existence comme puissance est en jeu. Ensuite, libre à vous de trouver que ce serait une bonne chose de priver la Russie du contrôle d’un territoires-clé de l’Eurasie. Mais au moins vous saurez ce que vous dites. Et nous pourrons être dans un désaccord rationnel. 

2è exemple: nos experts sont tout contents d’avoir redécouvert la ” raspoutitsa”, le dégel à venir, d’ici une quinzaine de jours, qui arrêtera les armées des deux côtés, pendant deux à trois semaines. Et nous pouvons admirer l’aplomb avec lequel des stratèges de salon explique que Poutine est vraiment médiocre puisqu’il a visiblement oublié cette base de l’histoire militaire russe du passé. Résultat, l’armée russe va s’enliser encore un peu plus etc…. Et si, pour une fois, nous étions un peu modestes? Si nous faisions un petit peu d’analyse fondée sur une culture stratégique minimale? Si nous partions de l’hypothèse qu’au Kremlin on a préparé le conflit? Juste une hypothèse ! 

Premier constat: en trois jours, l’aviation ukrainienne était hors d’état de décoller et combattre, sinon détruite.  Nos analystes de plateau et stratèges de salon ont manqué cette évidence. Pourquoi croyez-vous que Zelensky aurait aimé que l’OTAN intervienne et fasse de l’Ukraine une zone aérienne exclusive? 

Deuxième constat: dans le prolongement du soutien aux troupes des républiques du Donbass, les troupes russes se préoccupent de prolonger l’opération de Crimée de 2014. L’idée est sans doute de pouvoir contrôler et défendre la “Nouvelle Russie”  au sens historique qu’a ce terme depuis le XIXè siècle.  L’armée russe ira vraisemblablement jusqu’à Odessa. Cela ne veut pas dire que l’avancée militaire au nord ne compte pas pour les Russes. On voit bien la possibilité que l’armée russe contrôle toute la rive gauche du Dniepr, de Kiev à la Mer Noire.

Avec comme résultat un renversement stratégique majeur. La Biélorussie est revenue à une alliance russe, Et la Russie pourrait contrôler militairement toute la rive gauche du Dniepr ukrainienne, avec le prolongement criméen. De fait, Vladimir Poutine aurait ainsi largement inversé ce qu’il considérait être la défaite majeure de Gorbatchev: l’abandon du glacis stratégique protégeant la Russie allant de la Baltique à la Mer Noire. 

3è constat: l’armée russe avance lentement – au moins en apparence. Elle s’arrête fréquemment. Elle semble se heurter à un certain nombre d’endroits à une résistance farouche d’unités ukrainiennes. Il n’en faut pas plus pour que nos stratèges de salon crient quotidiennement à la défaite russe imminente.  Et l’on se repasse les liens avec des photos de matériel russe détruit et abandonné sur place. Les quelques avions détruits par la DCA ukrainienne  sont hissés au rang de victoire qui font pâlir Napoléon. 

Mais que dire d’une autre hypothèse: la Russie n’est pas pressée. Elle s’est préparée aux sanctions occidentales – elle est d’ailleurs soumise à des sanctions depuis 2008?  Joe Biden a dit que l’OTAN n’interviendrait pas. L’armée ukrainienne est stratégiquement défaite. Et l’Ukraine commence, depuis lundi 7 mars, à négocier sérieusement. Or l’armée russe sait très bien qu’elle court un seul risque: être entraînée dans un long combat, incertain, pour le contrôle des villes. Pourquoi le livrer (trop tôt) alors que l’on peut négocier en position de force? Les troupes russes ont encerclé l’armée ukrainienne et surtout les milices nostalgiques de la Seconde guerre mondiale menée du côté allemand. Pourquoi ne pas attendre la signature d’un accord politique et la reddition des troupes? A chaque fois que les Ukrainiens s’arrêtent de négocier, on resserre l’étau et l’on étend l’emprise sur le territoire.  

Je signale, enfin, qu’il existe une lecture plus optimiste de l’avancée russe, celle qu’offre Xavier Moreau régulièrement sur son site Stratpol.  Il lui semble pouvoir établir, à partir de sa lecture des analyses russes, que le mouvement d’encerclement de Kiev est plus poussé que ce que dit par exemple un institut américain sérieux comme ISW. Xavier Moreau lit sur la carte un mouvement des troupes russes qui resserre l’étau aussi sur la rive droite du Dniepr, en Ukraine centrale. Et il insiste sur le fait que les Russes ont choisi de se battre pour certaines villes, comme Izoum ou Kharkov et non pour d’autres, selon l’importance qu’elles revêtent dans l’avancée militaire. Et voilà la carte que lui-même utilise, montrant une emprise russe plus forte que celles, par exemples de Ukraine War Map que nous reproduisions en commençant: 

 

09h00 Zelensky a signé une loi autorisant la distribution d’armes au tout venant. Cette attitude du gouvernement ukrainien, nous le disons de puis le départ, est catastrophique pour le pays. C’est d’ailleurs l’un des motifs de départ de ceux que nous appelons “les réfugiés”: la plupart ne fuient pas les zones de combat mais l’Ukraine de l’Ouest, sa délinquance, la dénonciation des “amis de la Russie” etc….

10h00: Le rédacteur d’Actualités mondiales et françaises et de ZZ.OZ.ZOZZ  donne une photo sur laquelle sont indiqués les mouvement de l’armée russe à proximité de Nikolaïev (en rouge) tandis que les unités ukrainiennes seraient totalement statiques.  Il n’est pas possible de pousser plus loin l’évaluation ici mais ce genre d’informations est inexistant dans les médias occidentaux.  Cela irait plutôt dans le sens d’une supériorité militaire russe assez avancée. 

 


La leçon de diplomatie qu’Israël donne à Macron et aux Européens

11h00: Le Premier ministre israélien semble être considéré par Vladimir Poutine comme son interlocuteur le plus fiable. Extrait d’une analyse intéressante: 

Samedi dernier, Bennett a pris la décision extraordinaire de se rendre à Moscou en avion en secret – et le jour du sabbat, bien qu’il soit un juif pratiquant.

Après la réunion, Bennett s’est immédiatement rendu à Berlin pour informer le chancelier allemand Olaf Scholz. Depuis, il est en contact permanent avec Scholz et le président français Emmanuel Macron par le biais d’appels téléphoniques et de messages WhatsApp.
Scholz et Macron ont également parlé à la fois avec Poutine et Zelensky, tandis que le président Biden n’a parlé qu’avec la partie ukrainienne depuis le début de l’invasion. Les responsables israéliens ont informé la Maison Blanche de chaque appel avec Poutine et Zelensky, dit un haut fonctionnaire israélien.
État des lieux : Les assistants de Bennett ont déclaré qu’il ne faisait aucune proposition aux deux présidents et qu’il jouait plutôt le rôle d’intermédiaire.

Ils affirment néanmoins que ses efforts ont contribué à donner à Zelensky et aux dirigeants occidentaux plus de clarté sur la pensée de Poutine. Selon les assistants, la dernière proposition de Poutine n’était pas totalement connue à Washington, Paris et Berlin avant que Bennett ne la transmette.
Les responsables israéliens affirment que la proposition comprend des exigences qui seraient difficiles à accepter pour Zelensky, mais qui ne sont pas aussi extrêmes qu’ils l’avaient prévu, puisqu’elles n’impliquent pas de changement de régime ou de perte de souveraineté de l’Ukraine. Les Israéliens estiment qu’il existe désormais une fenêtre critique pour parvenir à un cessez-le-feu.
Toutefois, de nombreux responsables américains et européens ont mis en doute l’idée que Poutine soit réellement prêt à mettre fin à la guerre.
Dans les coulisses : Avant le voyage de Bennett à Moscou, les responsables israéliens se sont assurés que la Maison Blanche ne s’y opposerait pas. Le conseiller à la sécurité nationale, Jake Sullivan, a dit aux Israéliens que Biden était favorable à ce voyage, selon un haut fonctionnaire israélien.

Deux responsables américains disent que l’administration Biden est sceptique quant à la volonté de Poutine de s’engager dans une diplomatie sérieuse.
Le ministre israélien des Affaires étrangères, Yair Lapid, s’est rendu à Riga, en Lettonie, pour rencontrer le secrétaire d’État, Tony Blinken, lundi, afin de l’informer des discussions avec les Russes et de préciser qu’Israël soutient les États-Unis dans la guerre en Ukraine.
M. Blinken et le secrétaire de presse de la Maison Blanche, Jen Psaki, ont tous deux déclaré que les États-Unis saluaient les efforts de M. Bennett, tout en soulignant la nécessité d’une coordination avec les États-Unis, de consultations avec l’Ukraine et du soutien à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine.
L’essentiel : Les assistants de Bennett minimisent les attentes que ses efforts de médiation mènent à une percée tout en soulignant que quelqu’un doit parler aux deux parties et qu’Israël est l’un des rares pays à pouvoir le faire“.

On est dans une séquence et un comportement de diplomatie classique. 

 

12h00: Tucker Carlson s’est emparé hier 9 mars  du sujet des “biolabs” américains en Ukraine. C’est un journaliste conservateur très respecté, craint même. Quand il s’empare d’un sujet, il ne fait aucun cadeau. 

13h00:  Là on est en direct. Le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, profite de la conférence de presse suite à sa rencontre avec le ministre ukrainien des affaires étrangères en Turquie pour désigner le problème: 

Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov a lui aussi dénoncé, jeudi 10 mars, depuis la Turquie, “des faits absolument scandaleux sur ce que fait le Pentagone dans les laboratoires biologiques créés avec son argent”.  “Des informations affirment que le Pentagone crée des dizaines de laboratoires biologiques militaires sur le sol ukrainien. Nous voulons des réponses sur ce sujet”, a-t-il lancé. Il a accusé Washington d’utiliser “le territoire ukrainien pour mener des expériences sur des agents pathogènes qui peuvent ensuite être utilisés pour créer des armes biologiques”. Lavrov a affirmé que les Américains “mènent ces activités dans le plus grand secret” en créant des laboratoires “tout au long du périmètre de la Russie et de la Chine”.


Nouvelles bouffées délirantes occidentales

14h00: “L’orchestre philharmonique de Cardiff a retiré l’œuvre de Tchaïkovski du programme de son prochain concert “à la lumière de la récente invasion russe”.

L’ouverture 1812 de Tchaïkovski devait être incluse dans le prochain concert de l’orchestre, entièrement consacré à Tchaïkovski, au St David’s Hall le 18 mars, mais l’orchestre a estimé qu’elle était “inappropriée à l’heure actuelle”.

L’ouverture de 1812 a été écrite pour commémorer la défense russe réussie contre l’invasion de Napoléon en 1812, avec des coups de canon, des carillons et une fanfare de cuivres. La pièce devait être jouée aux côtés d’une autre œuvre militariste de Tchaïkovski : sa Marche slave de 1876, écrite pour célébrer la participation de la Russie à la guerre serbo-ottomane. La deuxième symphonie du compositeur était la dernière pièce du programme”.

15h00: Dans le genre, on ne peut pas tout suivre des provocations occidentales. Dimanche 6 mars Elizabeth Truss, ministre britannique des Affaires étrangères était montée sur ses grands chevaux pour expliquer à Poutine à distance  que si la Russie envahissait l’Estonie ce serait la guerre! Est-ce que Madame Truss fait la différence entre un membre de l’OTAN, l’Estonie, et un pays qui n’en est pas membre, l’Ukraine? Sergueï Lavrov lui répond avec un flegme…russe.  Mais Madame Truss est inarrêtable. Aujourd’hui, elle dit sa crainte que la Russie utilise des armes chimiques. 

16h00: Les Etats-Unis sont décidément bien fébriles: les Emirats Arabes Unis désormais sur la “liste grise” des Etats soupçonnés d’aider d’activités bancaires illicites (blanchiment, soutien à la Russie malgré les sanctions etc…)

17h00: L’inflation en Occident a deux causes. D’une part les ruptures de chaîne d’approvisionnement dues aux politiques de confinement anti-COVID; d’autre part les plans de relance empilés sans aucun besoin économique de l’administration Biden.  Mais les Etats-Unis ou l’Union Européenne expliquent que “c’est la faute à Poutine” 

18h00: Le secrétaire américain au Trésor Janet Yellen annonce encore plus de sanctions contre la Russie. 

19h00: alors qu’il aurait l’occasion de travailler pour la paix, après l’entretien qu’il a eu avec le Chancelier allemand et le président russe, Emmanuel Macron juge que les conditions de paix russes sont “inacceptables”. C’est-à-dire que le président français assume de prolonger les souffrances des Ukrainiens. La rencontre entre les ministres des affaires étrangères Lavrov et Kuleva en Turquie, qui n’a pas représenté de progrès par rapport aux conversations antérieures, montre bien l’effet délétère de l’attitude occidentale (française, américaine, britannique etc…) consistant à entretenir l’Ukraine dans des illusions. L’effet sur une tête brûlée comme Kuleva est délétère; surtout au moment où Zelensky semble devenir réaliste. 

Il ne faudra pas beaucoup de temps pour que l’on juge très sévèrement le comportement d’un Macron, incapable d’imposer aux Ukrainiens, quand il était temps, le respect des accords de Minsk mais se permettant aujourd’hui de juger les conditions russes inacceptables. 

20h00: le Venezuela ne se presse pas de trouver un accord avec les Etats-Unis sur l’approvisionnement en pétrole. Comme les pays de l’OPEP ne font rien non plus pour augmenter la production et comme l’accord sur le nucléaire avec l’Iran est apparemment bloqué, il n’y aura pas le répit escompté par la Maison Blanche. 

21h00: l’ambassadeur de Pologne aux Etats-Unis déclare que les sanctions contre la Russie devront être appliquées pendant dix ans au moins, peut-être quinze.

Les sanctions affaiblissent….l’Europe

22h00: Est-il besoin de faire un commentaire quand on lit les éléments suivants (analyse reçue ce jour)?  

+ “Bilan des sanctions russes sur l’Europe spatiale : plus d’avions russes ou ukrainiens Antonov pour transporter les satellites d’Airbus et de Thales Alenia Space (TAS), plus de lanceur Soyuz pour mettre ces satellites en orbite, plus de moteurs pour propulser ces satellites et le lanceur italien Vega C… “

+ “L’accès souverain européen à l’espace commence par le transport des satellites vers le pas de tir. Or, l’Europe spatiale, notamment les constructeurs de satellites Airbus et Thales, est en situation de dépendance vis-à-vis de l’Ukraine, et surtout de la Russie

+” L’Europe est dans une situation extrêmement délicate concernant l’accès à l’espace. La guerre en Ukraine arrive au plus mauvais moment pour l’ESA et Arianespace avec l’arrêt des opérations commerciales du lanceur Soyuz à Kourou et à Baïkonour, où est lancé une grande partie de la constellation OneWeb. Soit au moment de la très délicate période de transition entre Ariane 5 et Ariane 6. Un véritable cauchemar pour l’Europe spatiale et Arianespace“.

+”La plupart des satellites dotés d’une propulsion électrique d’Airbus et de TAS est motorisée par la société russe Fakel, spécialisée dans la propulsion électrique des engins spatiaux et installée dans l’oblast de Kaliningrad. Ce moteur permet aux satellites, après avoir été injectés à 500 km d’altitude, de rejoindre par eux-mêmes leur orbite finale. Pour autant, Airbus et TAS disposent d’un back-up avec Safran, mais qui ne les satisfait qu’à demi”. 

On est loin de la “souveraineté européenne” !

 

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