Les jeunes générations qui atteignent, en 2022, leur majorité découvrent peut-être comme des problèmes nouveaux notre dépendance énergétique, le problème du financement des retraites, la question géopolitique de notre rapport à la Russie ou encore les crises migratoires.
C'est, en tout cas, ainsi qu'on leur présente les choses.
Sous la pression des événements et de la guerre en Ukraine, les dirigeants français et européens - et nous avec eux - semblent découvrir tout cela. Et on nous annonce des plans dit « de résilience ». Vendredi dernier, à l'issue du sommet de Versailles, la présidente de la Commission européenne a, par exemple, lancé un groupe de travail sur des projets destinés à mettre un terme à la dépendance énergétique de l'Union européenne à l'égard de la Russie. Pourtant, les ors de Versailles ne peuvent cacher la précipitation et, donc, l'impréparation et l'impéritie de ceux qui nous gouvernent depuis quarante ans.
En effet, les dates sont têtues. J'ai cinquante ans. Né avec le premier choc pétrolier, j'ai passé toute mon enfance à suivre les campagnes sur le pétrole et les idées jusqu'à « l'énergie est notre avenir, etc. » d'aujourd'hui. La vie politique, depuis trente ans, est scandée par la question énergétique et tous les gouvernements ont cherché un écologiste à mettre en tête de gondole. Pour quel résultat ?
Même verdict chronologique implacable pour la situation géopolitique de la Russie. Chute du mur : 1989 ; de l'URSS : 1991. Trente ans d'errances qui aboutissent à Poutine 2022 attaquant l'Ukraine.
Pour l'immigration, les premiers signaux ont clignoté dès 1983, avec la percée historique du FN lors des élections municipales (Dreux) et législatives de 1986 (10 %, 30 députés à l'Assemblée). Trente-cinq ans après, tous les candidats reconnaissent, d'Emmanuel Macron à Marine Le Pen, en passant par Éric Zemmour et Valérie Pécresse, qu'il y a bien un problème d'immigration en France.
Le même Emmanuel Macron qui n'a pas réformé les retraites en étant Président a annoncé, cette semaine, que, candidat, il propose le report de l'âge de départ à 65 ans. 1982 : retraite ramenée de 65 à 60 ans. 2022 : retour à 65. Entre-temps, depuis mon entrée dans le monde du travail, je n'ai cessé d'entendre parler de réformes des retraites, depuis Balladur en 1994 jusqu'à Fillon en 2003 et Sarkozy en 2010. Sans que jamais le problème de fond soit réglé.
Durant ces quarante ans, que de polémiques quotidiennes, que de rapports d'experts, que de projets de loi, de lois votées ou retirées, de grandes déclarations, de consultations nationales, de propositions fortes, de reportages chocs : la France et ses gouvernants ont été des moulins à paroles. Du vent. Rien de susceptible de régler ces questions durablement.
Après les Trente Glorieuses, il y a donc eu ces Trente ou Quarante Paresseuses, bavardes, stagnantes, dont le quinquennat Macron a été le digne avatar. En effet, sur tous ces sujets majeurs, lui aussi s'est - et nous avec - saoulé de belles paroles, d'images et de symboles qui n'ont débouché sur rien d'efficace : une fermeté de façade sur l'immigration démentie par les faits, l'accueil en grande pompe de Poutine à Versailles (déjà !) dès le lendemain de son élection en mai 2017, qui pouvait nous laisser pressentir un changement de stratégie face à la Russie, une politique nucléaire, énergétique et écologique illisible, une réforme des retraites mal ficelée et finalement abandonnée. À chaque fois, des revirements spectaculaires ; au final : l'inaction.
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