Face
à Éric Zemmour, qui a réuni entre 13 et 15.000 personnes, ce dimanche, à
Villepinte, Jean-Luc Mélenchon, dit Méluche, tenait lui aussi un
meeting de campagne, à la Défense.
La droite patriote dans les
territoires abandonnés par l’État, la gauche enragée au pied des tours
du CAC 40.
Amusant. Le meilleur orateur de la gauche n’a réuni que 3 à
5.000 personnes. Jean-Luc Mélenchon, même si la République, c’est lui,
même si sa personne est sacrée, peine à convaincre. Cette fois,
pourtant, il a rangé ses hologrammes, ses postures et ses vociférations.
C’est un homme intelligent, ce qui n’est pas si fréquent dans sa
famille politique : il a compris que la France était devenue de droite,
finalement, après des décennies de chloroforme. Il sait que son camp est
devenu insupportable : il est prudent. Pour autant, il plafonne
toujours à 9 %,
ce qui n’en fait pas, loin s’en faut, un troisième homme. Mélenchon est
à la peine dans le tour de France politique. Il est au milieu d’un col
hors catégorie. Il patine.
Derrière lui, un groupe compact, celui de la vieille
gauche, serre les rangs. Les communistes, ceux qui sentent toujours la
naphtaline et dont la présence dans une démocratie, en 2022, demeure un
mystère, poussent en queue de peloton, sur leur vélo à deux vitesses
construit par le plan quinquennal. Artaud, Poutou, Roussel, maillot
écarlate, discours rayé, sont au coude-à-coude, à 1 % chacun. Les deux
premiers, un peu plus énervés que le troisième, n’en sont pourtant que
la copie. De toutes façons, ils ne comptent pas sur la victoire. Ils
sont seulement là pour témoigner que la bête immonde n’est pas morte. Un
témoignage, quoi !
Anne Hidalgo est un peu plus haut. Elle a le soutien
d’une équipe jadis prestigieuse, hégémonique même. Aujourd’hui, si les
voitures et les soigneurs sont toujours là, il n’y a plus personne pour
l’encourager sur le bas-côté. Mais voyez-la pourtant pédaler avec
assurance : en maillot vert (tirant sur le rose) et langue de bois
(venue d’une forêt responsable), elle triche un peu avec son vélo
électrique, probablement récupéré en free float (c’est-à-dire
en plein milieu de la rue) dans l’un des derniers quartiers de Paris
qu’elle n’ait pas transformés en poubelle. Elle ne dépasse pas les 5 %
pour autant. Elle rêve d’une arrivée sur les Champs-Élysées, mais elle
devra probablement se contenter d’un tour de Mobylette™ sur la colline
du crack.
Juste devant elle, dans un maillot d’un vert plus
éclatant, c’est Yannick Jadot, à 6 %. Il a choisi un vélo décroissant,
en matériaux de récupération : ça fait bien sur le papier, mais dans les
faits, c’est dégueulasse et ça pollue. Comme les éoliennes. Yannick Jadot
peut compter, dans son ascension, sur les malices d’une équipe de
sorcières décroissantes à son service, de supporter.ice.s beuglant.e.s à
cheveux multicolores et de conseillers en sandales à scratch.
Cavalier seul, loin derrière mais pensant que c’est « lui devant », comme le petit cheval de Paul Fort, Arnaud Montebourg
est inclassable. Maillot rayé jaune et noir, comme une abeille, il
tente, de temps à autre, une « remontada » qui change un peu la donne –
et puis, rapidement essoufflé et ne pouvant guère compter que sur
lui-même, il rentre dans le rang.
Et puis, et puis… on ne l’attendait plus, mais elle se rêve en espoir de ce tour de France des losers.
C’est Christiane Taubira. Elle a connu la gloire et supporté la
détestation. Elle se pique d’intellectualisme, mais son charabia,
croisement de poésie d’intermittent, de sociologie gauchiste et de
psychologie Closer, donne des plaques d’urticaire à ses
concurrents. Il paraît que les militants (enfin, les supporters)
l’adorent. Qu’ils rêvent de la voir revenir. Ils sont bien les seuls… et
ils sont de moins en moins nombreux.
Pendant ce temps-là, sur les autoroutes pompidoliennes de
la France d’antan, Marine Le Pen, à toute allure, fait vrombir sa
Harley-Davidson™ (sur laquelle, comme jadis Brigitte Bardot, elle n’a
besoin de personne). Ses valises sur le porte-bagages, ses chats dans le
porte-bébé, elle est en route pour Paris, cheveux au vent et sourire
aux lèvres. La Triumph™ de Zemmour, au look plus vieillot, plus chic
(plus ringard, disent les lepénistes), mais au moteur surprenant, est
juste derrière. Le pilote cisaille les virages avec agressivité en
frôlant les lignes continues et en se moquant bien des oukases du Code
de la route, pour arriver plus vite. Le monospace de Valérie Pécresse,
plus rassurant, plus familial, protégé des chocs mais sans forme
définie, vient de quitter la station-service après le plein d’électeurs.
La candidate LR s’engage sur la bretelle. L’ULM de Macron, motorisé et «
en même temps » porté par le vent, plane au-dessus. Tout est encore
ouvert.
Laissons les cyclistes de la gauche perdre les pédales. Avant de mourir, ils peuvent encore nous amuser.
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