Selon les chiffres plus ou moins officiels qui ont tout de même fini par tomber, 861 voitures ont été brûlées, dans la nuit du 31 décembre 2020 au 1er janvier 2021.
Cela grâce au Covid et au couvre-feu alors en vigueur, expression qui prend en la circonstance une résonance toute particulière…
Combien, pour cette Saint-Sylvestre ? Le ministère de l’Intérieur a décidé de ne pas communiquer les chiffres. M. Darmanin ne veut pas faire de publicité aux voyous et, reprenant la philosophie de ses prédécesseurs – la chose a été théorisée par son ami Brice Hortefeux –, il estime qu’en parler est une incitation à faire plus et mieux chaque année. Donc, on n’en parlera pas.
Pourtant, écrit Le Figaro, « les autorités se préparent, une fois de plus, à affronter les feux de la Saint-Sylvestre : des centaines de voitures brûlées en une nuit, mais aussi du mobilier public, parfois des commerces, des écoles ». C’est, nous répète-t-on chaque année, « une tradition antirépublicaine désormais installée depuis les années 1990 ». Avec des chiffres à peu près constants, d’ailleurs : autour d’un millier de véhicules brûlés tous les 31 décembre. Alors, on se prépare, pour ce passage à 2022, à une Saint-Sylvestre explosive.
Depuis trente ans que dure la plaisanterie, les sociologues se sont évidemment penchés sur le sujet. En 2018, le magazine 20 Minutes est allé trouver Michel Wieviorka pour savoir ce qu’il pensait de la décision du ministre de l’Intérieur : « Dans ce genre d’affaires, il faut communiquer les statistiques, dit-il. Ne pas le faire alimenterait le soupçon, donnerait le sentiment qu’on cache quelque chose. » Pas faux. Ce phénomène « n’a pas de dimension politique […] c’est infrapolitique. C’est avant tout ludique », poursuivait Michel Wieviorka. Ce serait donc une façon de s’amuser particulière, un marqueur social et sans doute ethnique dans ces quartiers « où le rejet de la société s’exprime davantage dans une forme de violence », écrit pudiquement Le Figaro.
De fait, les incendies du Nouvel An ne sont désormais qu’un épisode parmi d’autres, nombreux, qui émaillent la vie des citoyens. À cela les causes sont multiples mais Jérôme Fourquet pointe lui aussi la dimension « festive » qui, bien qu’elle puisse « moralement choquer », n’est pas à négliger. C’est le même ressort qui transforme, chaque week-end, les cérémonies de mariage en quasi-émeutes et les centres-villes en pistes pour rodéos sauvages. Il remonte aux origines : Strasbourg… car l’Alsace est une terre de traditions et de bûchers. Alors « le caractère festif du feu, entretenu dans la culture locale, se retrouve ainsi sous une forme hybridée, dans l’Alsace d’après, les bûchers des places de villages étant remplacés par les carcasses de voitures brûlant au pied des barres et des tours des banlieues strasbourgeoises ». Ces incendies de masse se produisent désormais aussi « pour la Fête de la musique et plus récemment pour Halloween, date qui figure maintenant comme soirée à risque sur l’agenda des commissariats de nombreuses cités françaises », écrit Jérôme Fourquet.
Il faudrait donc y voir l’appropriation de l’histoire locale par les jeunes des quartiers et une façon de marquer encore plus « cette césure entre les quartiers périphériques et le centre touristique » ? On a envie de répondre : et alors ? Faut-il se résoudre à regarder la France brûler à chaque événement qui met « les quartiers » en liesse ?
Vendredi soir, les forces de l’ordre seront mobilisées comme jamais car « outre leur vigilance pour empêcher les débordements, ils devront faire appliquer les mesures censées empêcher la propagation du coronavirus, à commencer par le respect des gestes barrières et le contrôle des passes sanitaires », rappelle le quotidien.
« La police, disciplinée, appliquera les consignes avec discernement », assure le syndicat Alliance. On lui souhaite bien du courage…
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