Dans
un discours de 55 minutes, le Premier ministre a présenté aux
sénateurs, ce lundi après-midi, le plan de déconfinement.
On ne pouvait
s’attendre à des révélations, depuis mardi, où il avait pratiqué le même
exercice devant les députés.
On peut tirer, cependant, une leçon de
cette nouvelle prestation :
Édouard Philippe excelle dans l’art d’ouvrir le parapluie pour protéger son gouvernement des reproches qu’on pourrait lui faire.
Son discours est habile : il est clairement composé, montre la
nécessité du confinement, malgré ses inconvénients, les progrès qu’il a
permis dans la lutte contre l’épidémie en limitant le nombre de malades
placés en réanimation, les efforts considérables pour les finances
publiques, pour en arriver à l’idée que cette situation ne peut durer
éternellement, qu’il faut
« apprendre à vivre avec le virus » et déconfiner progressivement, à compter du 11 mai.
Le recours à l’anaphore
« le moment est critique » vient fleurir ses propos qui se terminent par un appel vibrant à un
« acte de confiance collective ».
Mais attention ! Le 11 mai ne sera pas
« le début de l’insouciance », c’est
« le début de la reprise ».
À condition, toutefois, que chacun y mette du sien.
Pas question de
reconnaître une quelconque responsabilité dans la pénurie de masques ou
de tests de dépistage.
Tout cela est bien loin et n’a existé que dans
l’imagination des mal-pensants.
L’heure est maintenant à l’éloge du
masque, qui sera obligatoire dans les transports et en classe, si on est
en âge d’en porter, et l’objectif est de faire 700.000 tests par
semaine.
Admettons qu’un chef de gouvernement ne s’affaiblisse pas en se
battant la coulpe.
C’est de bonne guerre, même si ce n’est pas très
honnête.
Mais le Premier ministre ne peut s’empêcher de souligner, non
pas sa responsabilité, mais la responsabilité des Français pour que son
plan réussisse.
Si le confinement n’est pas scrupuleusement respecté
jusqu’au 11 mai, le nombre de malades en réanimation augmentera au lieu
de diminuer et il faudra en tirer les conséquences !
Tout dépendra du
« civisme » des Français !
On aurait aimé qu’il admît que la réouverture des écoles primaires,
qui doit débuter le 11 mai, est avant tout destinée à permettre aux
parents de retourner travailler.
Mais non ! C’est une mesure sociale,
puisque l’absence d’instruction nuit d’abord aux enfants de milieux
défavorisés, qui en ont le plus besoin.
Pour les autres familles, elles
choisiront sur la base du volontariat.
Pourvu qu’elles ne soient pas
trop nombreuses à vouloir que leurs enfants reprennent les cours !
doit-il se dire, car il est trop intelligent pour ignorer les problèmes
d’organisation et de protection que cela pose.
On apprend tout de même qu’une aide de 200 euros sera accordée à
800.000 jeunes en difficulté financière, que les offices religieux
pourraient reprendre le 29 mai, sous certaines conditions, et que le
Conseil scientifique va bientôt rendre un avis sur l’organisation d’un
second tour aux municipales. On devrait avoir la réponse le 23 mai.
Si
le second tour ne peut avoir lieu en juin, il faudra revoir les
modalités, précise-t-il d’un air entendu aux sénateurs.
Sans doute
veut-il signifier qu’il faudra aussi refaire le premier tour.
Bref, on n’en sait guère beaucoup plus après qu’avant son discours.
Heureusement, Emmanuel Macron est venu, aussitôt après, en rajouter une
couche dans une conférence de presse surprise, appelant à aborder
le déconfinement avec
« calme, pragmatisme et bonne volonté ».
Il se veut rassurant.
Veut-il montrer que son Premier ministre est un
grand méchant loup et que les Français peuvent compter sur lui pour les
materner ?
En tout cas, à l’évidence, Édouard Philippe n’a pas vraiment
convaincu les sénateurs : 89 voix contre, 81 pour et 174 abstentions.
Philippe Kerlouan
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