Dans mes cours d’histoire au lycée, on m’avait appris qu’avant la guerre des tranchées, il y avait eu « la course à la mer ».
En ce moment, dans la recomposition politique installée par Emmanuel Macron à son profit, c’est à « la course au maire » que l’on assiste.
LR s’étant effondré, Valérie Pécresse l’ayant quitté car « démonétisé » (beau mot qui dit bien pourquoi elle y était), bien des maires LR qui tiennent à leur fauteuil se tournent donc vers le parti du Président qui est arrivé en tête dans leur ville.
Opportunistes, girouettes : ils ne seront ni les premiers ni les derniers.
Et, comme toujours dans cette position, ils nous assènent une argumentation à la sincérité touchante.
Dans la tribune qu’une quarantaine d’entre eux doivent faire paraître, ils commencent par dire leur rejet des « étiquettes » :
« Nous refusons de nous laisser réduire à une étiquette, à une consigne de vote, à un appareil partisan. Notre parti, ce sont d’abord nos habitants, c’est la République. »
Comme c’est beau !
L’étiquette, c’est bien quand elle rapporte, mais quand elle est « démonétisée »…
Et puis, une étiquette LREM élastique que l’on peut étirer à son gré à gauche comme à droite, comme c’est commode !
Ensuite, ils justifient leur désertion-trahison-ralliement par un de ces bons sentiments qui font de si mauvaises politiques :
« Nous sommes de ceux qui souhaitent la réussite impérative de la France, c’est pourquoi nous voulons la réussite du président de la République et du gouvernement car rien ne se construira sur leur échec. »
Leur justification est plus embêtante : rien ne se construira sur l’échec d’Emmanuel Macron ?
C’est bien péremptoire.
Car la loi de la démocratie, c’est l’alternance, l’émergence d’une opposition qui se construit et élabore un projet pour le pays quand les électeurs estiment que le parti au pouvoir a échoué. Emmanuel Macron lui-même n’est-il pas né de l’échec du PS et de ces LR qui ont mis tellement de temps à s’en rendre compte ?
On ne voit pas pourquoi Emmanuel Macron devrait être le terminus de notre histoire politique, « l’horizon indépassable », comme disait l’autre.
D’autant plus que ces maires sont la nouvelle preuve vivante que le macronisme n’est que le recyclage des élus PS hier, LR aujourd’hui et, de fait, des mêmes politiques qu’ils ont menées ensemble.
N’ont-ils pas vu, aussi, que la crise des gilets jaunes, ces six derniers mois, constitue tout de même une forme d’échec du macronisme ?
Et qu’une Nathalie Loiseau à 22 % ne fait pas son printemps ?
Certes, ces maires savent lire une carte électorale et ils ont bien vu que le macronisme est fort dans ces villes de l’Ouest socialo-centristes.
Et, comme par hasard, ce sont les maires d’Angers, de Tours, d’Orléans, de Vannes, de La Roche-sur-Yon qui sont à l’origine de l’initiative.
La France Hollande-Bayrou.
Les parrains du petit Macron.
Aucun mystère, finalement.
Certes, Emmanuel Macron, comme le soulignait ici Christian Vanneste, a réussi à transformer une défaite électorale en victoire politique et médiatique.
Certes, il est plébiscité par les bourgeoisies urbaines.
Certes, il est le parti des élites et des élus.
Un bon placement.
Une assurance-survie pour ces maires.
Mais qu’en est-il de l’autre France, cette géographie oubliée des 76 départements et des 24.000 communes qui ont placé le RN en tête ?
Là aussi, une autre course au maire s’est engagée.
Pas sûr que l’étiquette LREM y soit aussi « monétisée » que dans ces beaux quartiers et ces tribunes médiatiques.
Frédéric Sirgant
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