Jean Vincent Placé a déposé une demande pour être admis dans la réserve citoyenne avec le grade de colonel.

 On dit même qu’il serait rattaché aux forces spéciales…
 C’est si énorme que cela semble un canular.
Mais hélas, Jean Vincent Placé existe, et la réserve citoyenne aussi.
Jean-Vincent Placé est un tentaculaire cumulard, capable de harceler pour un strapontin, de déployer tous ses réseaux pour un maroquin.
Il y a des gens qui sont des virtuoses de la requête, des maîtres de la réclamation, des acrobates de la sollicitation et qui finissent toujours par voir aboutir leurs demandes.
Ils réussissent à l’usure, à la montre, c’est une erreur de la banque en leur faveur, et on les retrouve toujours à réapparaître dans la lucarne alors qu’on avait fermé la fenêtre et verrouillé la porte.
C’est qu’ils n’en ont jamais assez.
Il leur faut toujours plus : plus de budget, plus de popularité, plus d’audience, plus de reconnaissance, plus d’honneurs.
Ils sont accros, c’est une drogue dure.
Ils avaient déjà l’audience nationale, les décorations, les émoluments, les indemnités, les frais de bouche, les honneurs protocolaires, les sociétés secrètes et les confréries.

 Ils avaient tout, sauf une chose inaccessible sans efforts, hors de leur portée, mais qu’ils désirent ardemment : un grade dans l’armée.
Ainsi naquit la « réserve citoyenne » : il est possible à n’importe quel haut fonctionnaire, élu ou personnalité de la société civile de déposer un dossier à l’autorité militaire près de chez lui pour se voir honoré d’un grade d’officier de la « réserve citoyenne », pour faire de la représentation, se faire « l’ambassadeur » d’un monde aux antipodes du sien, mais aussi apporter son concours à la société militaire, cette autre planète ignorante des subtilités de la société civile.
Jusqu’ici, rien de bien grave.
On recrute quelques notables du Rotary Club pour faire la claque le 11 novembre à la sous-préfecture.
Plutôt amusant pour les vrais soldats qui continueront à sourire de ces Légions d’honneur « au feu »… du barbecue.
Mais le texte qui organise cette réserve citoyenne prévoit la possibilité d’intégrer ces gens de la « réserve citoyenne » dans la réserve opérationnelle : c’est-à-dire les unités combattantes.

Demain, par un tour de passe-passe incroyable et sur ordre du pouvoir, les états-majors pourraient se voir encombrés d’élus locaux, de directeurs d’école, de médecins et d’avocats et de toute une population distinguée affublée d’un grade d’officier supérieur.

À quoi vont servir ces gens ?
 Chefs de guerre ?
 Commissaires politiques ?

On ne va plus vers l’armée de métier, mais vers l’armée mexicaine.