Après deux ans de guerre aux marches de l’Union européenne, on semble redécouvrir peu à peu que « le feu tue », comme l’enseignait en 1901 le colonel Pétain à ses stagiaires de l’École de guerre, qui ne devaient rêver que de guerre fraiche et joyeuse.
La Grande Guerre débuta en casoar et gants blancs et s’acheva dans les tranchées en véritable boucherie. Le 22 janvier 1931, alors que le vainqueur de Verdun était reçu à l’Académie française, Paul Valéry, dans son discours d’accueil eut ces mots : « Vous avez découvert ceci : Que le feu tue… Je ne dirai pas qu’on l’ignorât jusqu’à vous. On inclinait seulement à désirer de l’ignorer ».
Petit rappel pour les va-t-en-guerre de tout poil...
N’est-ce pas un peu ce qui se passe, aujourd'hui, pour nous Occidentaux ? Nous savons que la guerre entre la Russie et l’Ukraine tue mais on feint de l’ignorer ou, tout du moins, on en a une idée très vague, presque théorique, artificielle, alimentée pour les plus jeunes par les jeux vidéos et les films où ça tue par paquets de dix. Le feu tue et, pire peut-être, il blesse, estropie, charcute à vie les corps et les esprits de gamins, qui, après des jours de combat dans la boue, la nuit, le froid, ne ressemblent plus aux belles photos glacées du magazine Vogue. C’est cela la guerre. Ce petit rappel pour les va-t-en-guerre de tout poil qui montent au front sur les plateaux télé. À toutes fins utiles, il serait d’ailleurs intéressant de comptabiliser le nombre de politiques de notre pays (ministres, parlementaires) dont un enfant est militaire et donc disposé à « servir en tout temps et en tout lieu » et à faire éventuellement le sacrifice de sa vie, si un Président le lui commandait un jour, par hiérarchie interposée. Il est vrai qu'on a encore quelques rejetons de « familles tradis » pour s'y coller et intégrer les écoles d'officiers, et, au bas de hiérarchie, les banlieues et les zones péri-urbaines, comme on dit.
La guerre, c'est cool
— Paul-Antoine Martin ✍🏻📖 🚜 (@PAMartin111) March 4, 2024
La guerre, c'est friendly
La guerre, c'est la mode
La guerre, c'est jeune
La guerre, c'est dans VOGUE pic.twitter.com/evDEfuvoH8
Si la guerre dure, il faut toujours plus d’hommes.
Le feu tue et blesse. Et donc, derrière les fusils, les canons, les commandes du char ou de l’avion, pour remplacer les morts, les blessés, il faut d’autres hommes. Et si la guerre dure, il faut toujours plus d’hommes. Et de femmes, puisque maintenant on les envoie au combat, égalité entre les sexes oblige. C’est une évidence. Je ne dirai pas qu’on l’ignore mais on fait semblant de l’ignorer, pour l’écrire dans un français moins élégant que celui de Valéry. D’ailleurs, vu sous cet angle, on s’étonne que Zelensky ne demande pas à ses alliés et amis occidentaux des hommes mais seulement plus d’armes et de munitions. Car, à un moment donné, la guerre se prolongeant, notamment dans un conflit, qui ressemble plus à la guerre de 14 qu’à celle des étoiles, le rapport de forces, à technologies égales, va devenir de plus en plus décisif. Or, l’Ukraine, c’est aujourd’hui 30 millions d’habitants, quand la Russie en compte 145. La tribune du démographe Laurent Chalard, publiée dans le FigaroVox, à ce sujet, remet les choses en place, notamment en faisant quelques rappels historiques : si la France a pu conquérir l’Europe sous la Révolution et l’Empire, c’est parce qu’elle était le pays le plus peuplé du continent. Plus peuplé que la Russie, à l'époque... L’argent est peut-être le nerf de la guerre mais la démographie, encore plus.
Mais qui dit démographie, dit natalité.
Et nous y voilà. Les mêmes progressistes qui pensent qu’il faut tout faire pour battre Poutine (Tout : c’est-à-dire ?), sont souvent les mêmes qui poussent des cris d’orfraie lorsqu’on évoque la nécessité de lancer une vraie politique nataliste dans notre pays pour préparer son avenir et assurer sa survie. Cris d’orfraie, bien évidemment, au nom de la liberté des femmes à disposer de leur corps. Les mêmes aussi qui parlent de « vivre ensemble », de faire nation et tout ça. Comme si on pouvait vivre ensemble et « faire nation », sans donner de soi, chacun à sa place et dans la mesure des ses moyens. En fait, ils ont renoncé. Par procuration, aujourd’hui, on peut faire plein de choses : la guerre, les sales boulots et même des enfants.
Tous ces rappels, n'ont rien à voir avec « l'esprit de défaite qui rôde », pour reprendre les mots de Macron à Prague, ce 5 mars.
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