Avec l'été, en filant vers la campagne et en sirotant le rosé, on pourrait se laisser prendre à l'autosatisfaction quotidienne des communiqués de Gérald Darmanin : une « baisse importante des dégradations » lors de la nuit du 14 au 15 juillet.
Marc Eynaud a heureusement replacé le bilan de ces nuits et les propos du ministre dans le contexte, et ce qu'il disait du 13 l'est aussi du 14.
On voit venir le moment où l'on nous ressortira le couplet sur le sentiment d'insécurité, qui ne refléterait en rien la réalité. Mais la com' et les arrangements de Darmanin avec la vérité ne parviennent pas à masquer un bilan inquiétant.
Et voilà qu'en plein cœur de l'été, un éminent universitaire, économiste et professeur à Toulouse, par ailleurs ancien conseiller économique à la Commission européenne, vient froidement énumérer, dans une tribune publiée par Le Figaro, des statistiques officielles issues des données d'Eurostat, l'organisme officiel de l'Union européenne en la matière. Il s'appelle Pierre Buigues et s'était fait connaître, il y a dix ans, par un essai percutant coécrit avec Élie Cohen, Le Décrochage industriel. Un essai accablant pour les politiques conduites depuis trente ans, salué à l'époque par Éric Zemmour.
Pas étonnant que ce féru de chiffres et de rationalité ait eu aussi envie d'aller voir ce qu'il en était de notre situation sécuritaire. Son constat est net : la situation de la France pour la délinquance et la criminalité est la pire de tous les pays de l'Union européenne, ce qui fait tout de même beaucoup. Et qui est accablant pour nos dirigeants.
À ce sujet — Moins de dommages ce 13 juillet, mais à quel prix ?
Quelques chiffres montrent l'ampleur du désastre sécuritaire : « En moyenne en 2016-2018, écrit Pierre Buigues, [...] la France était le deuxième pays le plus mal placé des 27 de l'Union européenne en matière de vol qualifié, le troisième pays le plus mal classé en matière de vol de voitures. Le nombre de vols qualifiés en France se situait à 150 pour 100.000 habitants, contre moins de 50, en Allemagne, en Italie, dans le nord de l'Europe et dans la plupart des pays de l'Est ! Il en est de même pour le vol des voitures, près de 250 vols de voitures pour 100.000 habitants en France, moins du tiers en Espagne, en Allemagne et dans les pays du nord de l'UE. »
Pour les homicides, les chiffres et l'analyse de Pierre Buigues sont tout aussi implacables : « La France est aussi le pays où il y a le plus, en nombre absolu, d'homicides en 2020, 879 en France, contre 719 en Allemagne, 298 en Espagne et 285 en Italie en 2020. Si on ramène ces chiffres absolus à la population totale du pays, la France apparaît encore davantage comme un pays violent, 12,9 homicides par million d'habitants, 8,7 en Allemagne, 6,3 en Espagne, et seulement 4,9 en Italie, le pays de la mafia ! » Et ce triste record est encore sous-évalué, selon Pierre Buigues, puisque les agressions entraînant la mort n'y sont pas comptabilisées, alors qu'elles le sont chez nos voisins ! Faut-il préciser que toutes ces statistiques n'intègrent pas les chiffres des émeutes de 2023 ?
Éric Dupond-Moretti ne pourra plus nous redire que la France n'est pas un coupe-gorge.
La France est l'homme malade de l'Europe. Elle accumule toute une série de bilans désespérants, dans les domaines les plus variés : éducation, impôts (la France est la championne de la pression fiscale et sociale), dette (Macron restera dans l'Histoire comme l'homme des 3.000 milliards…) et, donc, insécurité.
Historiquement, une telle situation et un tel déclassement de la France devraient entraîner une révolution et/ou une renaissance. C'était justement les mots magiques d'un Macron candidat, il y a longtemps. Nous n'avons eu ni l'une ni l'autre, seulement la continuation studieuse de l'effondrement. Démocratiquement, on se prend à rêver d'un débat de second tour où le représentant du parti du sursaut et de la vérité mettrait le nez du représentant macroniste dans ses chiffres nauséabonds. Le plus tôt sera le mieux. D'habitude, la comparaison avec les autres pays de l'Union européenne leur permettait de relativiser leurs mauvais bilans. Cette fois, ce ne sera même plus possible.
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