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jeudi 25 mai 2023

« Avertis, ils se sont abstenus d’agir » : la sœur de Samuel Paty accuse


 
 

Clémence de Longraye 24 mai 2023

 

« Je n’étais pas préparée à subir la violence d’un attentat terroriste, ni de surcroit à entendre le hurlement de ma mère m’annonçant que mon frère avait été décapité ».

 

 Dans une lettre chargée d’émotions, adressée à Gérard Larcher, président du Sénat, Mickaëlle Paty, sœur de Samuel Paty, demande l’ouverture d’une enquête parlementaire afin « d’établir les failles de ce drame », au-delà des responsabilités pénales.



Samuel Paty, seul face aux menaces

Passée la sidération et malgré la douleur toujours aussi vive, Mickaëlle Paty poursuit son combat pour comprendre l’engrenage qui a conduit à la mort de son frère. Plus de deux ans après le drame, de nombreuses questions demeurent sans réponse. « Mon frère n’a-t-il pas rempli sa part du contrat social pour que l’État ne lui ait pas assuré sa protection ? » s’interroge la sœur du professeur d’histoire-géographie assassiné qui ne comprend toujours pas pourquoi l'enseignant, pourtant menacé, n’a pas pu bénéficier d’une protection policière. Pour obtenir des réponses judiciaires, la famille de l’enseignant a déjà porté plainte, en avril 2022, contre l’État pour « non-empêchement de crime » et « non-assistance à personne en péril ». Désormais, Mickaëlle Paty se tourne vers les parlementaires afin de « demander des comptes aux personnes responsables […] du traitement erroné de la menace » pesant sur l’enseignant.

Dans sa lettre, elle n’hésite pas, par ailleurs, à pointer du doigt les responsabilités de l’État. Au nom du « pas de vagues » et de l’attentisme, son frère s’est retrouvé isolé, démuni face aux menaces, explique-t-elle. « Les responsables ne pouvaient se méprendre sur la gravité et la constance du péril, ni sur l'imminence de son agression », écrit-elle. Et pourtant, « bien qu'avertis, ils se sont abstenus d'agir ».

« La descente aux enfers de Samuel a duré 11 jours et nul de pouvait l’ignorer » rappelle-t-elleEn effet, dès le 10 octobre, soit six jours avant le drame, le professeur envoie un mail à ses collègues et les informe qu’il est « menacé par des islamistes locaux ». Les jours suivants, il demande à être raccompagné à son domicile. Sur les réseaux sociaux, les commentaires violents à son encontre se multiplient. Tous ces éléments sont autant de preuves de la peur qui habitait le professeur d’histoire-géographie.

Soumission

Deux ans et demi après l’assassinat, Mickaëlle Paty dénonce avec franchise la peur de l’amalgame et de la stigmatisation qui empêche toute confrontation avec l’islamisme. Plutôt que d’être soutenu par sa hiérarchie, Samuel Paty a ainsi été contraint par des responsables de son collège de s’excuser auprès d’une famille indignée, et ce, alors même qu’il « n’avait rien à se reprocher » rappelle Stéphane Simon, auteur Des derniers jours de Samuel Paty, dans un entretien accordé à BV. Sept jours avant l’attentat terroriste, l’inspecteur et référent laïcité de l’académie juge de nouveau le professeur fautif d’un « manquement à la laïcité » et d’une « erreur » ayant « froissé les élèves ».

Aujourd’hui encore, les défaites face à l’islamisme se succèdent. Un buste, réalisé à l’effigie de l’enseignant et censé être exposé sur les lieux du drame, dort toujours dans un entrepôt parisien. Le collège de Conflans-Sainte-Honorine où exerçait Samuel Paty ne porte toujours pas le nom du professeur assassiné, contrairement à ce qui avait été annoncé, par peur.

Le courrier de Mickaëlle Paty n’a pas manqué de faire réagir la classe politique. Sur CNews, Gérard Larcher assure que la demande d’une enquête parlementaire sera examinée « avec attention et une empathie respectueuse ». Une volonté partagée par Éric Ciotti, président des Républicains qui, sur son compte Twitter, estime qu’ « il est temps d’établir les failles de ce drame ».





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