« Ce qui est dangereux et haïssable, c'est le simulacre de l’action. » Ce mot du grand historien Jacques Bainville s'adapte parfaitement à la politique migratoire française.
Le récent rapport Immigration : comment font les États européens, que la Fondapol (Fondation pour l'innovation politique, un laboratoire d'idées libéral créé en 2004 par le fonctionnaire, industriel et homme politique Jérôme Monod) consacre à ce sujet sensible, est sans appel : la France est trop peu exigeante et trop généreuse avec ceux qu’elle accueille.
Auditionné par la commission des lois du Sénat, le 28 février dernier, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin déclarait être favorable à « des dispositions qui pourraient limiter le regroupement familial » - première cause d’immigration en France. Mais c’est bel et bien toute une politique qu’il faut entièrement réviser. Dominique Reynié, directeur général de la Fondapol, estime que « les raisons [de cet échec en matière de politique migratoire] se trouvent dans l’évolution de nos élites au cours des décennies 1980 et 1990 ». Elles ont préféré une approche « humanitaire » et un « accueil inconditionnel » des étrangers au détriment d’un « réalisme d’État d’une communauté nationale, de sa culture ou du souci des classes populaires ». Le philosophe Yves Michaud avait raison, « la politique des bons sentiments et de la compassion mène à l’aveuglement ». Quant à la sempiternelle question des obligations de quitter le territoire français (OQTF), la France est en bas de classement des pays classés sur leur efficacité… « En moyenne, sur la période 2015-2021, la France a réalisé 12 % de ses OQTF, contre 43 % pour l’ensemble de l’Union européenne », rapporte la Fondapol. Formidable constat d’échec…
Quelle politique d’intégration ?
L'arrivée durable d’étrangers (venus de l'extérieur de l'Union européenne) sur le sol de France est conditionnée par « un contrat d’intégration républicaine » d’une durée d’un an qui comprend un entretien avec l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) débouchant sur une formation linguistique de « découverte du français » de niveau A1. L'étranger peut aussi être considéré comme un grand débutant, avec formation obligatoire en cas de besoin constaté et proposition d’une formation professionnelle et civique permettant de s’approprier les valeurs de la société française. « Obligatoire, cette formation est cependant l’une des moins contraignantes d’Europe : elle ne dure que quatre jours, précise le rapport de la Fondapol. Le respect du contrat, nécessaire pour la délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle, n’est conditionné qu’au suivi des formations obligatoires et ne comporte aucun test de niveau. »
En matière d’intégration, la France est loin, très loin de ses voisins européens. L’exemple allemand est frappant. L’Allemagne rend obligatoire son programme d’intégration (700 heures) en cas de faible maîtrise de l’allemand, « programme à sa charge, soit 2,29 euros par heure et 1.603 euros au total, sauf s’il perçoit des aides sociales », ajoute la Fondapol. En Italie, ce programme d’intégration existe sous la forme de crédit. L’étranger doit suivre des formations qui l’amènent à trente crédits ou plus pour obtenir un titre de séjour. « Au bout de deux ans, si le nombre de crédits est égal ou supérieur à trente, la personne reçoit un certificat ; si le nombre de crédits est nul, l’étranger perd son permis de séjour », décrit le rapport.
Le coût réel de l’immigration
L’immigration, dans ces conditions, est-elle une chance pour la France ?
Elle coûte, au contraire, bien plus cher qu’elle ne rapporte. Une étude de l’OCDE étendue sur la période 2006-2018 a permis de mettre fin aux habituels poncifs. « La contribution budgétaire nette des immigrés est de –0,85 % du PIB », poursuit la Fondapol. En prenant en compte les dépenses liées « aux biens publics congestibles » (fourniture d’eau, d’énergie ou transports en commun) et « purs » (biens accessibles à tous), on s’aperçoit que l’immigration représente un coût « d’environ 20 milliards d’euros [pour la France] en 2018 ». En élargissant le calcul à la première génération de descendants d’immigrés, le chiffre tombe à « -1,41 % du PIB, soit un coût d’environ 33 milliards d’euros en 2018 », précise la Fondapol.
Si le constat est alarmant, rien n’est fatal. Des solutions existent et sont mises en place dans de nombreux pays européens. Ainsi, la Fondapol préconise le retour d’un « ministère de l’Immigration », l’instauration de « statistiques complètes [comprendre ethniques, NDLR] » ou « la fin de la gratuité des soins pour les migrants irréguliers sauf les mineurs et les femmes enceintes ». Mais comme l’écrivait Diderot dans Jacques le fataliste : « Il y a longtemps que le rôle de sage est dangereux parmi les fous. »
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