C'est
un nom mythique de notre Histoire récente.
On peut dire ce que l'on
veut des guerres coloniales, et on en dit souvent n'importe quoi, mais
on ne peut pas, on ne doit pas oublier cette bataille de désespoir et
d'héroïsme absolu.
La cuvette de Ðiện Biên Phủ, sur le territoire de
l'actuel Vietnam, a vu mourir près de quatre mille soldats français.
C'est l'une des dernières pages de grandeur et d'un sacrifice, presque
médiéval dans sa pureté, que notre pays ait connues. Les plus jeunes se
renseigneront sur les minutes terribles où les Français attendaient «
dans la cuvette/Le tout dernier assaut des Viets ». Ils ne pourront lire
sans trembler les récits de la guerre d'Indochine : les paras
vietnamiens qui, faute de chant régimentaire, chargeaient sous les
balles en chantant « la Marseillaise » ; les officiers qui se savaient
condamnés et refusaient les ordres de repli ; les avions qui larguaient,
sur cette cuvette infernale, déjà perdue, des gens qui n'avaient jamais
sauté en parachute de leur vie, qui savaient qu'ils ne reviendraient
probablement pas et qui voulaient juste mourir avec les copains plutôt
que de les abandonner.
Ðiện Biên Phủ, c'était tout cela. Ce sera ensuite, après
les morts et les blessés, les prisonniers des tristement célèbres camps,
dont près des deux tiers ne reviendront pas. Ce sera, pour ces hommes,
le lavage de cerveau par des tortionnaires sadiques, comme l'immonde
Georges Boudarel, qui mourra dans son lit, protégé par le monde
universitaire. Ce sera aussi la découverte du sabotage des munitions par
les ouvriers communistes, les campagnes de presse, et puis l'Algérie,
pour certains immédiatement après leur libération des camps.
Environ 1.200 héros français dormiraient sous la terre
vietnamienne. Or, l'aéroport de Ðiện Biên Phủ - la modernité étant
passée par là, comme partout - doit être agrandi et les travaux menacent
les sépultures. Sous l'impulsion du Souvenir français, la secrétaire
d'État aux Anciens Combattants, Patricia Mirallès, a donc pris la seule
décision valable, et il faut la saluer car la dignité ne va plus de soi :
les corps des soldats tombés pour la France en Indochine seront
exhumés, puis enterrés aux côtés de leurs frères d'armes, au mémorial
français de Ðiện Biên Phủ. C'est bien le moins que la France doive à
ceux qui se sont sacrifiés pour ce qu'il restait d'un rêve absurde et
grandiose - le rêve colonial, dans un pays enchanteur qui, comme on le
chante dans « Opium », était « plein de merveilleux mensonges ».
Plus d'un Français, frappé du « mal jaune », y aura «
laissé prendre son cœur », revenant, comme Hélie de Saint Marc, frappé
d'une incurable nostalgie de ce coin paradisiaque qui jadis fut nôtre.
Nous n'avons pas avec le Vietnam, et c'est heureux, une relation aussi
compliquée, passionnelle et excessive qu'avec l'Algérie. Nous avons
accueilli des boat people vietnamiens à la fin des années 70, venus chez
nous sans envie de revanche, et qui ont formé l'une de nos plus
discrètes, industrieuses, patriotes - en un mot admirables - communautés
immigrées.
Il ne reste, du passé douloureux, que les dépouilles de
nos héros que la France va recueillir avec une délicatesse de mère.
C'est une heureuse conclusion. Et il reste, pour au moins deux
générations de petits Français, le souvenir lointain mais tenace,
poignant, des exploits du corps expéditionnaire français. Ðiện Biên Phủ
ne sera plus un cimetière de fortune, ce sera désormais mieux : un
poignant souvenir.
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