Alors que les partis politiques en sont encore à se renvoyer la balle de la responsabilité du récent naufrage de migrants au large de la Calabre, une déclaration, qui a fait l’effet d’une bombe, a été lancée par le ministre de l’agriculture, Francesco Lollobrigida : “nous travaillerons cette année pour faire entrer légalement presque 500.000 immigrés en situation régulière.”
Un demi million de migrants. À titre de comparaison, en 2022, 100.000 migrants ont débarqué dans la péninsule. Dans un pays au bord du gouffre, dont le nombre d’individus en état de pauvreté absolue a triplé en quinze ans, la nouvelle n’est évidement pas passée inaperçue. Pas seulement chez les électeurs et autres sympathisants d’un parti, Fratelli d’Italia, qui avait été élu dans une large mesure pour ses positions en matière de lutte à l’immigration extra-européenne, mais au sein aussi des familles italiennes lambda qui subissent de plein fouet une crise économique et énergétique.
De là à penser qu’il s’agit d’un aveu d’incapacité, déplaçant la frontière de la légalité pour résoudre un problème insolvable (nous n’arrivons pas à freiner les flux migratoires, alors nous les légalisons), il n’y a qu’un pas.
Mais les mots du ministre renvoient surtout à une autre immigration, plus silencieuse, moins visible que les bateaux et les centres d’accueils surchargés des ports italiens. Une immigration qui emprunte avions et ferries, encouragée par les libéraux qui ont besoin de main d’œuvre bon marché.
“Le chiffre que j’ai indiqué et rapporté dans les médias se réfère au nombre de demandes d’entrée sur notre territoire dans le secteur de la production, dans les transports, dans l’agriculture, dans le tertiaire et ainsi de suite. Nous n’avons donc rien ajouté par rapport à ce que nous savons déjà depuis des mois, dans un contexte italien où il existe des offres d’emploi dans des secteurs stratégiques en crise (…) Nous avons souligné que la lutte contre l’immigration irrégulière est d’autant plus nécessaire qu’elle est l’ennemi de l’immigration légale. À ceux qui nous accusent d’être contre l’immigration nous leur répondons que nous ne sommes pas contre l’immigration mais contre l’illégalité. L’immigration illégale est l’ennemie de l’immigration légale“.
Tout est dit. Pour ce parti jugé d’extrême droite, la déferlante migratoire n’est en aucun cas un problème d’identité, de sécurité ou de société, mais seulement un problème de légalité… et de gros sous. Si 500.000 étrangers veulent entrer légalement dans le pays pour aller cueillir les tomates et les oranges dans le Sud de l’Italie ou travailler dans les industries du Nord – puisque c’est de ça qu’il s’agit – pour un salaire à la limite de l’esclavage, alors, l’immigration est bénéfique. C’est le sempiternel “nous avons besoins d’immigrés pour faire le travail que les autochtones ne veulent pas faire“.
Comprendre : “non, les Italiens n’entendent pas occuper des emplois éreintants pour des salaires misérables qui ne permettent pas d’arriver à la fin du mois“.
Audrey D’Aguanno
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