Par Bernard Lugan, historien spécialiste de l’Afrique.
En effet, à travers l’action des Tirailleurs dits « Sénégalais » mais majoritairement venus de toute l’AOF (Afrique occidentale française), il adresse aux Français un message-postulat plus que subliminal : les Africains que vous avez utilisés comme « chair à canon » durant le Premier conflit mondial ayant permis la victoire française, leurs descendants ont des droits sur vous. Voilà donc pourquoi ils sont chez eux chez vous…
J’ai déjà répondu à cette question dans un communiqué de l’Afrique Réelle en date du 13 mai 2016 dont le titre était « La France n’a pas gagné la Première guerre mondiale grâce à l’Afrique et aux Africains ».
Au total, la France eut 8.207.000 hommes sous les drapeaux. Laissons donc parler les chiffres[2] :
1) Effectifs de Français de « souche » (Métropolitains et Français d’outre-mer et des colonies) dans l’armée française durant le Premier conflit mondial
– Durant le premier conflit mondial, 7,8 millions de Français furent mobilisés, soit 20% de la population française totale.
– Parmi ces 7,8 millions de Français, figuraient 73.000 Français d’Algérie, soit 20% de toute la population « pied-noir ».
– Les pertes parmi les Français métropolitains furent de 1.300 000 morts, soit 16,67% des effectifs.
– Les pertes des Français d’Algérie furent de 12.000 morts, soit 16,44% des effectifs.
Bernard Lugan, impérial face aux « décoloniaux »
2) Effectifs africains
– Le Maghreb (Maroc, Algérie et Tunisie) fournit 218.000 hommes (dont 178.000 Algériens), soit 2,65% de tous les effectifs de l’armée française.
– Les colonies d’Afrique noire dans leur ensemble fournirent quant à elles, 189.000 hommes, soit 2,3% de tous les effectifs de l’armée française.
– Les pertes des Maghrébins combattant dans l’armée française furent de 35.900 hommes, soit 16,47% des effectifs.
– Les chiffres des pertes au sein des unités composées d’Africains
sud-sahariens (les Tirailleurs) sont imprécis. L’estimation haute est de
35.000 morts, soit 18,51% des effectifs ; l’estimation basse est de
30 000 morts, soit 15.87%.
Ces chiffres contredisent donc l’idée-reçue de « chair à canon » africaine d’autant plus qu’au minimum, un tiers des pertes des Tirailleurs « sénégalais » furent la conséquence de pneumonies et autres maladies dues au froid, et non à des combats. D’ailleurs, en 1917, aucune mutinerie ne se produisit dans les régiments coloniaux, qu’ils fussent composés d’Européens ou d’Africains.
Enfin, une grande confusion existe dans l’emploi du terme « Coloniaux ». Ainsi, l’héroïque 2° Corps colonial engagé à Verdun en 1916 était composé de 16 régiments (pour 254 régiments et 54 bataillons composant l’Armée française), mais ces 16 régiments étaient largement formés de Français mobilisés, dont 10 régiments de Zouaves composés majoritairement de Français d’Algérie, et du RICM (Régiment d’infanterie coloniale du Maroc), unité alors très majoritairement européenne.
Autre idée-reçue utilisée par les partisans de la culpabilisation et
de son corollaire qui est « le grand remplacement » : ce serait grâce
aux ressources de l’Afrique que la France fut capable de soutenir
l’effort de guerre.
Cette affirmation est également fausse car, durant tout le conflit, la
France importa 6 millions de tonnes de marchandises diverses de son
Empire et 170 millions du reste du monde.
Conclusion :
Des Tirailleurs « sénégalais » ont courageusement et même héroïquement participé aux combats de la « Grande Guerre ». Gloire à eux !
Cependant, utiliser leur mémoire pour des buts idéologiques est honteux car, durant la guerre de 1914-1918, ils ne composèrent que 2,3% du corps de bataille français.
Bernard Lugan
05/01/2023
[1] Sur toute l’entreprise de falsification de l’histoire de la colonisation française on lira mon livre « Colonisation l’histoire à l’endroit .Comment la France est devenue la colonie de ses colonies » publié en 2022
[2] Faivre, M (Général)., (2006) « A la mémoire des combattants musulmans morts pour la France », La Voix du Combattant, mai 2006, p.6.
Image : Embarquement de tirailleurs sénégalais à Fréjus pour le front en 1915.
Pour ma part, je pense que toutes les populations étrangères ayant participé à ce conflit (de façon volontaire et rétribuée) se sont plutôt bien rattrapées en vivant depuis plusieurs générations en france-nourricière. Le lourd tribut est payé depuis fort longtemps mais ses intérêts sont exponentiels et payables ad vitam aeternam...
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