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vendredi 6 janvier 2023

Qatargate, le bal des Tartuffes européens – premier épisode : Andrea Cozzolino


Marc Baudriller 5 janvier 2023

Qui sont les inculpés de l'incroyable affaire de corruption au Parlement de Strasbourg ?

 Le Parlement européen a officialisé, le 2 janvier, le tout dernier rebondissement de l’enquête pour corruption par le Qatar de deux élus socialistes : le Belge Marc Tarabella et l’Italien Andrea Cozzolino. Des députés jusqu’ici au-dessus de tout soupçon, vertueux comme des moines du politiquement correct, munis de tous les sacrements de la gauche caviar. À ce jour, quatre personnalités, dont la Grecque Éva Kaïlí, sont inculpées pour « appartenance à une organisation criminelle », « blanchiment d'argent » et « corruption » après la découverte de « sacs de billets » dans l’appartement de Kaïlí. Au total, les enquêteurs belges ont mis la main sur 1,5 million d'euros en liquide. De quoi encourager, chez ces belles consciences, la lutte contre le fascisme.

Cette affaire est décidément révélatrice de ce qui se passe dans les coulisses de l’Europe, des pratiques réelles de ceux qui font la morale. C’est un dossier emblématique, majeur, qui marquera l’histoire de la décomposition de l’Europe. BV vous propose de découvrir chaque jour un des élus européens impliqués dans ce qu’on devrait appeler l’UEgate et qu’on continue à appeler curieusement le .

En commençant par le dernier pris la main dans le sac. Membre du groupe S&D (sociaux-démocrates), le groupe socialiste à Strasbourg, Andrea Cozzolino fait l'objet d'une procédure d'urgence visant à lever son immunité parlementaire. Carrure et calvitie de Monsieur Propre, curriculum drapé de toutes les vertus : on lui donnerait le bon Dieu sans confession, tant ce politicien de 60 ans semble dévoué depuis toujours aux bonnes œuvres de la gauche.

Le saint homme, qui reste présumé innocent rappelons-le, a coché les bonnes cases dès l’âge tendre : étudiant, il a, avec son association, lutté contre la Camora. C’est bien. Puis il a adhéré au Parti communiste italien, ce qui est mieux encore. Puis il a fait carrière au Parti socialiste italien, où il mène une carrière tirée au cordeau. De 1994 à 2000, il est secrétaire de la fédération de Naples du Parti démocrate. De 2000 à 2009, le voilà conseiller régional de la Campanie et conseiller à l’agriculture de la région Campanie. Direction, donc, le Parlement européen. Là, sur les épaisses moquettes de Strasbourg, encouragé par une confortable rémunération (plus de 9.000 euros par mois), notre grande conscience élargit le domaine de la lutte pour le camp du bien.

Il fait partie de la délégation pour les relations avec les pays du Maghreb, y compris les commissions parlementaires mixtes UE-Maroc, UE-Tunisie et UE-Algérie. Curieusement, Cozzolino n’a pas marqué l’histoire par son combat contre l’immigration illégale venue d'Afrique du Nord. Peut-être parce que notre Monsieur Propre fait aussi, bien sûr, partie de la sous-commission « Droits de l'homme ». Encore plus drôle, il est engagé dans la commission d’enquête chargée de fouiner sur l’utilisation de Pegasus et des logiciels espions. Gageons qu’il aura su tirer les oreilles des malfaisants sans faiblesse.

Ce n’est pas tout car, quand on fait le bien, on le fait bien.

Ainsi, notre colombe socialiste, près de soixante-dix ans après la chute de Mussolini, se dresse, lors du débat d’actualité du 19 octobre dernier, « contre le blanchiment de l’extrême droite anti-européenne dans l’Union ». Il eût peut-être mieux fait de se pencher sur d’autres blanchiments plus concrets ? « Nous sommes face à une nouvelle pensée qui s'annonce, explique-t-il alors dans une question écrite en italien. Le fascisme n'est plus évoqué, on ne lui demande plus de renverser l'Europe, mais de la saper intérieurement, dans les principes constitutifs et fondamentaux qui inspirent son action depuis plus de soixante-dix ans. Il faut réagir, peut-être est-il temps d'un nouveau pacte constitutif entre les forces démocratiques européennes. » Il est même grand temps, avant que le juge n’ait fait trop de dégâts parmi ces « forces démocratiques ».

Evidemment, cet homme de cœur étend sa compassion aux dimensions de la planète. Le voilà lancé dans un bel élan contre la répression continue de l’opposition démocratique en Biélorussie. Il gratifie aussi le Parlement européen d’une autre proposition de résolution commune, cette fois sur « la situation des droits de l’homme en Afghanistan, en particulier la détérioration des droits des femmes et les attaques contre les établissements d’enseignement ». Rien à redire à cela.

Il se penche sur « la situation des défenseurs autochtones et des défenseurs de l’environnement au Brésil », bagarre pour la liberté des médias en Géorgie, s’élève contre les violations du droit de l’Union européenne et des droits des citoyens LGBTQI en Hongrie. Le soin des hommes de tous pays ne lui suffit pas : il réclame aussi la nomination d’un commissaire européen en charge du bien-être animal.

Un chic type, en somme. Mais voilà, Andrea Cozzolino dispose d’un assistant parlementaire. Avec un flair imparable, il a choisi à ce poste l'Italien Francesco Giorgi, le propre compagnon de l'eurodéputée socialiste grecque Éva Kaïlí, l’ex-vice-présidente du Parlement européen au centre de l’affaire. Le juge évaluera la transparence de cette belle conscience. En attendant, le 16 décembre, le Parti démocrate italien a rayé « à titre préventif » Andrea Cozzolino de la liste de ses membres, « jusqu'à la clôture des enquêtes en cours concernant le scandale du Qatargate ». Objectif : « protéger l'image du parti » qui semble, en effet, en avoir besoin...

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