Pendant plusieurs semaines, la majorité des médias français et internationaux se sont lamentés de l’éventuelle arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni : ils n’y voyaient ni plus ni moins qu’un mauvais remake de la marche sur Rome, le retour des heures sombres ou, tout du moins, d’une société médiévale où tous les acquis sociaux et droits des femmes seraient menacés par l’héritière du Duce.
Retour au réel
Tous les ans, début septembre, se tient le forum Ambrosetti à Cernobbio, sur les bords du lac de Côme : le monde de l’entreprise et celui de la politique se croisent, discutent, débattent.
En cette année électorale, les interventions des différents chefs de parti étaient particulièrement attendues et scrutées.
Celle d’Enrico Letta, le chef du Parti démocrate (PD, gauche), se termine sur l'évocation d'une possible victoire de la gauche : selon lui, l’Italie continuerait alors d’être un pays de série A, avec pour partenaire la France, l’Espagne et surtout Bruxelles. En cas de victoire de la coalition de droite, l’Italie serait reléguée en série B, avec pour partenaires privilégiés la Hongrie et la Pologne. Un brin simpliste, voire légèrement caricatural…
Intervenant à la suite d’Enrico Letta, Giorgia Meloni s’est bien gardée de rentrer dans ce jeu. Elle s’est directement adressée à ce parterre de patrons italiens. Et c’est une vision qu’elle a développée, insistant sur le bénéfice d’une coalition unie au pouvoir, établie avant les élections et non après, au terme de combines politiques d’arrière-cuisine qui donnent naissance à des gouvernements atteignant rarement les dix-huit mois d’existence. Une vision politique commune et un programme commun, gages de stabilité : il semblerait bien qu’en cette période troublée et hyperinflationniste, un tel discours ait rassuré le patronat italien. Déplorant les carences de l’Italie, rendue dépendante sur le plan énergétique et faible sur le plan de la production industrielle, elle explique que contrairement aux promesses d’une mondialisation heureuse, « la richesse s’est verticalisée et s’est déplacée vers l’Orient, les régimes autocratiques se sont étendus tandis que nous nous affaiblissions. Nous n’avons plus le contrôle de rien. »
Elle propose alors un renversement de paradigme pour l’économie italienne : « J’ai dit, il y a quelques jours, que l’Italie doit être retournée comme une chaussette. […] Il faut un paradigme différent entre l’État et le citoyen. Les citoyens sont des citoyens et non des sujets […] et cela signifie une révolution culturelle dans le fisc, la bureaucratie, la justice, la sécurité condition de la liberté, une révolution culturelle aussi dans le domaine politique, dans le respect de ce que l’on a promis aux citoyens, dit-elle. C’est un écosystème qui peut fonctionner pour l’économie. » Évoquant le revenu citoyen (équivalent du RSA), mesure par laquelle le M5S affirmait « avoir aboli la pauvreté » (sic), elle enfonce le clou : « L’État ne doit pas mettre sur le même plan celui qui peut travailler et celui qui ne le peut pas car cela finit par pénaliser le plus faible. » Évoquant « un jeune homme de 25 ans qui peut obtenir un revenu citoyen de 780 euros quand l’aide sociale d’un handicapé est de 270 euros » ou « un retraité [qui] touche une pension d’à peine 500 euros », elle tranche : « Un État juste distingue l’assistanat du travail. »
Prudente, Giorgia Melloni conclut son intervention en expliquant que son - probable - gouvernement héritera d’une situation extrêmement complexe avec, sous le gouvernement Draghi - « eh oui, Draghi ! », dit-elle -, une augmentation de la dette de 116 milliards d’euros : « Nous devons être très sérieux sur les propositions et je suis par caractère une personne qui préfère faire plus que ce qui a été promis que faire des promesses impossibles à tenir. »
Une promesse de stabilité, un discours classique de droite, réformiste et pragmatique, susceptible de séduire une grande partie du patronat italien. L’Italie compte plus de 4 millions de PME-PMI. Plutôt que d’en faire des entreprises militantes, ces petits patrons ont à cœur de survivre, d’assurer des emplois, de continuer à croître et de créer de la richesse.
Et si toute cette grande peur des bien-pensants n’était, en fin de compte, que beaucoup de bruit pour rien ?
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