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mardi 8 février 2022

« Pouvoir d’achat. Et si on bloquait les prix ? » L’édito de Charles SANNAT



 

 par | 8 Fév 2022 |

Mes chères impertinentes, chers impertinents,

Comment augmenter le pouvoir d’achat.

Il y a deux manières d’aborder cette question préoccupante pour notre quotidien à tous.

La première façon c’est de le faire de manière individuelle.

La seconde c’est de penser les solutions de manière collective.

Commençons en allant du général au particulier.

L’une des manières les plus classiques et les plus anciennes de lutter contre l’inflation c’est le blocage des prix, ou le contrôle des prix, ou encore l’encadrement des prix.

Appelez cela comme vous voulez car dans tous les cas cela revient au même.

L’Etat légifère pour bloquer ou limiter la hausse des prix.

C’est exactement ce qu’il vient de se passer avec les prix du gaz qui vont augmenter de 4 % au lieu de 45 % ! Vous en conviendrez cela fait tout de même une sacrée différence.

Souvenez-vous du prix du pain et de la baguette. Il était fixé par l’Etat jusqu’en 1978, et encadré jusqu’en 1987 ! Je me souviens très bien gamin lorsque les dernières limitations ont été levées.

« Le prix du pain restera cependant encadré jusqu’en 1978, avant qu’un arrêté du gouvernement de Valéry Giscard d’Estaing ne “libère” le prix du pain : “les prix de toutes les catégories de pain et des produits de viennoiserie et de pâtisserie fraîche sont librement déterminés par chaque fabricant, boulanger ou dépositaire de pain”.

Cet arrêté se traduit par une augmentation de 8 à 10 % du prix du pain. Un “petit dérapage des prix” qui se justifie, selon René Monory alors ministre de l’économie, comme une nécessité pour “améliorer les conditions de travail et les salaires des ouvriers boulangers qui travaillent cinquante-quatre heures par semaine pour gagner leur vie ». Cette liberté du prix du pain reste cependant encadrée par une série de dispositifs (prix plafonds, blocage des prix, accords de modérations, etc.) jusqu’au 1er janvier 1987. L’ordonnance n° 86-1243 relative à la liberté des prix et de la concurrence entre alors en vigueur et instaure la liberté totale des prix, encore en vigueur à ce jour. »

A l’échelle historique, cela ne fait que 30 ans que les prix du pain sont totalement libres en France.

Comment faire pour bloquer un prix ?

Vous savez, il n’y a pas de miracle en économie, et rien n’étant gratuit, bien que beaucoup voudraient vous le faire croire, à un moment il faut passer à la caisse !

Ce que vous pouvez faire c’est choisir celui qui va payer, ou reculer le moment de l’addition et de la douloureuse le plus longtemps possible !

C’est ce que nous faisons avec nos dettes publiques. Mais revenons à nos moutons.

Si vous bloquez les prix de l’énergie comme c’est le cas pour EDF, cela entraîne des pertes massives pour EDF. Je ne dis pas que c’est bien ou mal. Je vous dis juste que techniquement si on bloque le prix de l’énergie c’est EDF qui paye la différence. Au bout du compte il faudra combler le déficit d’EDF.

Pour le pain c’est la même chose. Si vous bloquez le prix du pain et que la farine continue à augmenter (de même que la facture de gaz pour le four à pain etc) et que le boulanger ne peut pas répercuter les hausses de prix qu’il subit sur ses prix de vente, alors il finit par faire faillite.

Donc quand l’Etat bloque les prix, soit il subventionne les producteurs ici EDF ou le boulanger, soit il baisse les taxes du boulanger ou d’EDF. Dans tous les cas, au bout du compte, celui qui bloque les prix (l’Etat) devra payer la différence.

S’il ne le fait pas, il se passera deux choses.

Soit une pénurie. Plus personne ne produit de pain puisque faire du pain vous fait perdre de l’argent. En général la pénurie s’accompagne de marché noir ! Il y a toujours en période de restrictions des passe-droits. Souvenez-vous des dîners et restaurants clandestins pendant les confinements où le restau du coin était bien fermé pour les manants et les gueux.

Soit la faillite des sociétés qui ont leurs prix de vente bloqués mais pas leurs coûts de production !

C’est toujours le cas quand on veut bloquer les prix. On bloque les prix quand il y a de l’inflation. Sauf cas exceptionnel où seule la farine augmenterait, lorsqu’il y a une vraie inflation elle est généralisée. Si tout monte et que vos prix de vente sont bloqués, encore une fois, la faillite est au bout du chemin.

L’impossible blocage des prix.

Dans les faits bloquer les prix est une illusion. Dans tous les cas, vous paierez. Maintenant ou plus tard. Directement ou indirectement, mais vous paierez ou alors vous n’en aurez pas !

Prenez l’exemple de l’énergie et des prix bloqués par EDF. C’est une hausse de seulement 4 % cette année, au lieux de 44 %, mais que se passera-t-il l’année prochaine une fois les élections passées ? Aurez-vous une hausse de 40 % de rattrapage ? C’est largement envisageable. « Ce blocage a par ailleurs coûté huit milliards d’euros à l’Etat et huit autres à EDF. Un manque à gagner plus simple à imposer à un groupe dont l’Etat est le principal actionnaire et qui a tout de même déclenché une importante grève fin janvier ». Vous croyez que l’Etat va pouvoir dépenser 16 milliards comme cela sans qu’un problème se pose à un moment ?

Et puis il y a ces 16 milliards-là, mais il y a toutes les autres hausses de prix à venir. Sur l’essence, sur les produits importés, sur le transport, sur l’alimentation etc !

La conclusion est très simple.

Conseil n°1. Ne comptez jamais sur le blocage des prix pour gérer votre budget personnel.

Conseil n°2. Si vous voyez un blocage des prix anticipez le fait qu’il ne sera pas durable et reportez vous au conseil n°1.

Conseil n°3. Si vous voyez un blocage des prix qui semble « tenir » pour des raisons politiques ou démagogiques, alors stockez le produit dont le prix est bloqué, car au bout d’un moment il finira par y avoir une inévitable pénurie pour la simple et bonne raison qu’il ne sera plus rentable de le produire. Ce qui n’est pas rentable à produire n’est pas produit ! L’économie est une chose simple. Si l’Etat nationalise les boulangeries par exemple et comble les pertes chaque semaine et chaque mois, ne comptez plus sur le boulanger artisan devenu fonctionnaire pour faire tourner le pétrin à 3 heures du matin et préparez-vous à être dans… le pétrin justement !

D’ailleurs, à propos de l’électricité, la fin du bouclier tarifaire est déjà prévue pour le mois d’avril… On peut penser que cela sera décalé d’un poil ou deux histoire de laisser passer les présidentielles et les législatives et de ne pas énerver l’électeur en le ruinant ce qui le mettrait de fort méchante humeur au moment de glisser son bulletin dans l’urne.

Bon, vous l’avez compris, le blocage des prix peut sembler séduisant, mais cela ne marche pas. Cela n’a jamais marché. Cela ne marchera jamais. De l’URSS au Venezuela en passant par la France occupée, le blocage des prix est toujours payé par l’Etat ou entraîne une pénurie.

La seule chose qui peut fonctionner c’est de « subventionner » une ressource. L’Etat peut fournir 100 litres de carburant qu’il paye, ou peut donner 50 centimes au boulanger pour chaque baguette achetée. Mais si l’Etat subventionne alors cela veut dire que l’etat paye.

Et les Etats, comme les familles, ne peuvent payer que dans la limite des stocks disponibles ! En clair tant qu’ils ont de l’argent. Avec 3 000 milliards d’euros de dettes, nous n’avons pas d’argent. Nous avons des dettes !

Vous me direz qu’il n’y a qu’à ne pas les payer ! Je vous dirais pas de problème. Techniquement on peut. Comme en Argentine, comme au Venezuela ou comme au Zimbabwe. On peut ne pas payer ses dettes, mais cela a des conséquences. Plus personne ne veut vous prêter bien évidemment et vous devez fonctionner en « ligne créditrice » c’est-à-dire que vous ne payez que ce que vous pouvez payer… Autant dire que cela couinerait dans plus d’une chaumière française.

Il n’y a jamais de repas gratuit en économie.

Il y a toujours des conséquences.

Il y a toujours un payeur.

La seule chose qui change c’est qui paye et quand.

Mais l’addition se présentera toujours à vous.

Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu.

Préparez-vous !

Charles SANNAT

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