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mercredi 23 février 2022

Diplomatie française sous Macron : cinq ans de gifles, cinq ans de honte


 
 
 
 Arnaud Florac 22 février 2022
 
Cinq ans viennent de s'écouler. Cinq longues années durant lesquelles la France - et pas n'importe laquelle, celle d'Emmanuel Macron - aura tenté de regagner sa place sur la scène internationale. 
 
Cinq terribles années marquées par un enchaînement de gifles publiques sans précédent. 
 
C'est l'heure d'un triste bêtisier, avant de faire le choix de reconduire ou pas notre charismatique timonier. L'Ukraine, dont nous parlions récemment, n'est que la cerise sur le gâteau - ou le dernier clou sur le cercueil, c'est comme on voudra.
Dans le domaine des relations humaines, avec ses homologues de tous les pays, le Président ne fait pas dans la demi-mesure. Il ne sait que surjouer. Il a incarné OSS 117 au Niger en 2017, quand il a ironisé sur le président Roch Kaboré "parti réparer la climatisation". Il a voulu jouer au cowboy avec Donald Trump, qui l'a allègrement humilié devant les caméras en le prenant par la main ; au bilan, statu quo politique, conférence de presse insipide et trois luxations des phalanges. Avec cette familiarité poussive et embarrassante qui le caractérise, il a essayé pendant quatre ans d'être l'ami de Merkel, qui n'en avait cure, et n'a su parler que de lui en parlant aux autres. On peut relire, à ce titre, son discours d'adieu à la chancelière, en novembre 2021. Il s'y campe en "jeune président impétueux qui voulait tout bousculer". Ce n'est probablement pas le diagnostic de Vladimir Poutine qui, en bon officier traitant du KGB, a certainement su lire à l'œil nu la vulnérabilité narcissique et l'insécurité fondamentale du "président impétueux". Il s'est donc, à chaque fois, voluptueusement essuyé les pieds (métaphoriquement, s'entend) sur la figure prétentieuse de notre chef des armées.
Rendons cette justice au président de la désormais 7ème puissance mondiale : sur la scène internationale, il n'y a pas qu'en face-à-face qu'il soit nul. Macron a par exemple tenté d'être l'homme du redressement du Liban en 2020. Il s'est alors adressé aux dirigeants de ce vieux pays, ami de la France depuis François Ier, sur un ton que beaucoup d'entre nous n'auraient pas employé avec un resquilleur de file d'attente. Après avoir essayé d'être le maître d'œuvre de la formation d'un gouvernement (et on se demande bien au nom de quelle légitimité), il a, en septembre 2020, "pris acte" de la "trahison collective" de la classe politique libanaise, qui n'en avait pas grand-chose à f... de ses initiatives. Nos amis phéniciens ont inventé l'alphabet et la mondialisation : nous leur avons transmis, sous notre bref protectorat républicain, l'affairisme et le verbiage. Il n'y a pas de quoi la ramener. Mais, que voulez-vous, il est comme ça, Macron. Il faut qu'il soit le sel de tous les plats. Les Libanais nous connaissent ; nous resterons amis. Heureusement qu'ils sont compréhensifs. Mais c'était bien une gifle - que le président de la République lui-même avait cherchée, en venant mettre son nez dans une affaire qui ne le regardait pas.
Le Levant ne suffisait pas. Il fallait que Macron fût ridicule ailleurs. Pourquoi pas le Mali ? Ses dirigeants nous avaient demandé d'intervenir. Nous leur donnions beaucoup d'argent. Ils nous laissaient jouer les puissances d'équilibre. Le conflit s'enlisait, mais pas plus que cela. Moins que l' jadis, par exemple. Il était donc difficile de tout faire rater en peu de temps : un défi à sa mesure. En une poignée de mois, il organisa un sommet risible à Pau, pour tancer les présidents du G5 Sahel, resta sans réaction après le putsch, laissa venir Wagner sur ce qu'il faut bien appeler nos plates-bandes... avant que le Mali, désormais fort du soutien russe, ne vire notre ambassadeur comme un malpropre au début de ce mois. Tout dernièrement, Macron a cru reprendre la main en annonçant le redéploiement de Barkhane et son départ du Mali. Réponse de Bamako (traduit du langage diplomatique) : "OK, et que ça saute". Des gifles comme ça, on aime parfois en donner, mais jamais en prendre. Surtout pas devant tout le monde.
Vous me direz qu'il n'y a pas que la diplomatie ou la défense, dans les relations internationales. Et vous aurez raison. Il y a le soutien aux exportations aussi : les Rafale, les Mistral, les sous-marins, ils ne vont pas se vendre tout seuls. Il faut mettre des politiques sur la photo et des mallettes dans les chambres d'hôtel. En Australie, tenez, par exemple, Macron pouvait surfer sur le contrat du siècle, décroché en 2016 : douze sous-marins de classe Barracuda. 8 milliards à la clé pour la partie française. Et là, patatras ! Les Australiens ont tout annulé en septembre 2021, sous l'amicale pression de leurs amis américains. Perte de confiance, dignité effarouchée, on annule les petits fours : la diplomatie française n'a, certes, aucun mal à pianoter sur la gamme qui va du grand sourire aux larmes. Mais les effets de manche ne suffisent plus. On commence à voir le vide des coulisses, les éclairages qui faiblissent. Les macronistes les plus convaincus, dans leur pavillon en meulière de la banlieue ouest, ont comme un doute. Et si c'était vrai, ce que les fachos racontent ? Si le Mozart de la finance, l'homme à la pensée complexe, le petit prince de la stabilité planétaire, n'était pas à la hauteur ?
Dernier acte de cette stratégie de la gifle multiple, qui confine au masochisme le plus amusant : l'affaire ukrainienne. s'est démené, dit-on sur les chaînes françaises. Pas sûr qu'on en ait grand-chose à faire à Pékin, Moscou ou Washington. Qu'a-t-il fait de concret ? Oh, rien, comme d'habitude, ou du moins pas grand-chose. Deux ou trois coups de menton, quelques entretiens longs et verbeux, dans des hebdomadaires ; quelques déplacements dans des capitales, peut-être, où on l'aura reçu, bien sûr, parce qu'on n'allait pas le laisser sur le palier avec son bouquet de fleurs. Et tout restera comme avant, comme s'il n'avait rien fait. Lui, il sera déjà passé à autre chose.
On pourrait ébaucher un portrait cubiste, par superposition de calques, de Macron à l'international. Il y a du Bernard-Henri Lévy, du Salengro (le défunt président du Groland) et du Bernard Tapie chez cet homme-là. Du premier, il a l'amour démesuré de sa propre personne, le sentiment de porter une parole occidentale universelle, le ridicule des poses factices, le goût de se faire photographier à l'étranger, le besoin de parler fort et de ne rien faire avancer. Du deuxième, il a l'emphase ridicule, la posture martiale bricolée de toutes pièces, la boursouflure mal à propos, le côté fantoche d'un chef d'Etat grandiloquent à la tête d'un pays failli dont il ne se préoccupe pas. Du troisième, il a pris la fausse familiarité de bateleur (très peu naturelle dans le cas de Macron), l'envie de monter des "coups", l'indifférence totale au sort des entreprises qu'il désosse et revend sans un regret (dans le cas du président, c'est la France).
Cinq ans de gifles sur la scène internationale. C'est long. C'est peut-être bientôt fini. Croisons les doigts.

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