Est-ce un cri du cœur ou l’approche de l’échéance présidentielle ? Toujours est-il qu’Emmanuel Macron vient de susciter un fort joli tollé diplomatique entre la France et l’Algérie.
Motif de la discorde ? Ces propos élyséens accusant le « système politico-militaire » algérien d’entretenir une « rente mémorielle » tout en servant à son peuple une « histoire officielle ». Pis, le Président français évoque aussi les responsabilités ottomanes en matière coloniale : « Je suis fasciné de voir la capacité qu’a la Turquie à faire totalement oublier le rôle qu’elle a joué en Algérie et la domination qu’elle a exercée. »
Bref, ça tape là où ça fait mal, Ankara répétant jusqu’à la nausée que les Turcs n’ont « aucune tache comme la colonisation et le génocide ». De tels propos, venant d’un empire qui s’est étendu du Maghreb jusqu’au Machrek, tout en ayant poussé ses pions loin dans les Balkans et en Europe méditerranéenne et centrale est un peu fort de café (grec). Quant aux accusations de génocide, gageons que les Arméniens ne souscrivent pas forcément à de tels brevets d’angélisme. De fait, Emmanuel Macron ne fait que rappeler quelques élémentaires points d’Histoire, sans induire le moindre jugement de valeur. Car la colonisation, dira-t-on, n’est ni bonne ni mauvaise, elle fait simplement partie de la longue histoire des peuples.
Revenons-en à l’Algérie, dont il affirme encore que la « construction en tant que nation est un phénomène à regarder. Est-ce qu’il y avait une nation algérienne avant la colonisation française ? Ça, c’est la question. » Une fois de plus, rien que de très banal. Il y avait, dans cette colonie ottomane, un peuple algérien ; mais la nation algérienne, en tant qu’État constitué, fut effectivement une création administrative française. Là encore, rien qui n’ait la saveur de l’inédit, même en première année de fac d’histoire.
Sans surprise, Alger rappelle illico Mohamed Antar Daoud, son ambassadeur à Paris, tout en interdisant le survol de nos avions militaires engagés dans les opérations anti-djihadistes au Sahel. La première mesure fait évidemment partie des gesticulations diplomatiques de circonstance. La seconde ne devrait pas avoir d’effets tangibles sur la suite des événements, sachant que depuis la guerre civile des années 1990, la coopération antiterroriste entre services secrets français et algériens a toujours été solide et fructueuse.
En revanche, le tout nouveau président algérien, Abdelmadjid Tebboune, estime que le retour à la normale sera conditionné à « un respect total de l’État algérien », sans d’ailleurs bien définir les contours de ce à quoi peut bien ressembler un « respect total » en la matière. Le plus grotesque de cette affaire, c’est qu’en Algérie, tout le monde sait, de l’homme de la rue aux officiels de haut niveau, qu’Emmanuel Macron n’a pas tort : depuis bientôt soixante ans d’indépendance, le FLN met son impéritie chronique sur le dos de la colonisation française. D’ailleurs, plutôt que d’invoquer « la puissance de l’armée et de son vaillant peuple », le président algérien serait sûrement mieux inspiré de se demander pourquoi sa jeunesse ne rêve plus que de rejoindre le paradis de l’ancienne puissance coloniale tant honnie…
Mais l’hypocrisie étatique est largement partagée : Alger raille « Moussa Darmanin » – Moussa est le second prénom du ministre de l’Intérieur – lorsque celui-ci bombe le torse en exigeant l’expulsion de sept mille Algériens résidant illégalement en France. Et Abdelmadjid Tebboune se fait un malin plaisir de rappeler : « La liste qui nous est parvenue en 2020 et les trois listes en 2021 comptaient 94 cas. » 94 !
À menteur, menteur et demi, donc, et nul n’a le monopole des rodomontades et des mensonges. Celui qui a finalement le mieux résumé ce bal de faux-culs, c’est Gérard Longuet. En 2012, alors qu’il était ministre de la Défense, il avait répondu d’un bras d’honneur télévisuel devenu célèbre alors qu’on exigeait déjà que la France fasse repentance.
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