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jeudi 26 novembre 2020

Trois policiers suspendus et l'IGPN saisie après des violences contre un producteur de musique à Paris : ce que l'on sait de cette affair


 

 Nathalie Perez et AFP - franceinfo

France Télévisions
Publié

La scène, qui a eu lieu samedi soir dans le 17e arrondissement de la capitale, a été filmée par une caméra de vidéosurveillance. 

Cette affaire intervient en pleine polémique autour de la proposition de loi sur la "sécurité globale".

Les images, diffusées jeudi 26 novembre par le média Loopsider, sont accablantes. Filmées par une caméra de vidéosurveillance, elles montrent un homme noir appelé Michel, producteur de musique à Paris, subir une volée de coups assénés par des policiers alors qu'il se trouve à l'entrée d'un studio de musique du 17e arrondissement de la capitale, samedi. Les trois policiers mis en cause ont été suspendus, indique jeudi une source proche du dossier à franceinfo, confirmant une information de l'AFP. Une décision qui fait notamment suite à une demande du préfet de police de Paris, après la diffusion d'images montrant cette intervention très violente sur les réseaux sociaux. 

Plus tôt dans la journée, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin avait demandé la suspension de ces policiers visés par une enquête du parquet de Paris pour "violences" et "faux en écriture publique". L'Inspection générale de la police nationale a été saisie. Le procureur de Paris a quant à lui demandé à l'IGPN d'enquêter "le plus rapidement possible" sur ces faits.

 

 

Le préfet de police de Paris avait indiqué pour sa part avoir demandé au Directeur général de la police nationale "de suspendre à titre conservatoire les policiers impliqués".

Que s'est-il passé ?

Selon leur procès-verbal, que franceinfo a pu consulter, les policiers ont tenté d'interpeller cet homme pour défaut de port du masque. "Alors que nous tentons de l'intercepter, il nous entraîne de force dans le bâtiment", écrivent-ils. Or, sur les images de vidéosurveillance de ce studio, également consultées par l'AFP, on voit les trois fonctionnaires de police entrer dans le studio en agrippant l'homme puis le frapper à coups de poing, de pied ou de matraque.

Dans leur rapport, les policiers ont écrit à plusieurs reprises que l'homme les avait frappés. Selon ces mêmes images, Michel résiste en refusant de se laisser embarquer, puis tente de se protéger le visage et le corps. Au cours de cette scène de lutte qui dure cinq minutes, il ne semble pas porter de coups.

 

 

Dans un second temps, des personnes qui se trouvaient dans le sous-sol du studio parviennent à rejoindre l'entrée, provoquant le repli des policiers à l'extérieur et la fermeture de la porte du studio. Les policiers tentent ensuite de forcer la porte et jettent à l'intérieur du studio une grenade lacrymogène qui enfume la pièce.

D'autres images dévoilées par Loopsider et tournées par des riverains montrent les policiers pointer leurs armes dans la rue et intimer à Michel de sortir du studio.

Quelles sont les suites judiciaires ?

A la suite de cette interpellation, l'homme a dans un premier temps été placé en garde à vue dans le cadre d'une enquête ouverte par le parquet de Paris pour "violences sur personne dépositaire de l'autorité publique" et "rébellion". Le parquet de Paris a classé cette enquête et ouvert mardi une nouvelle procédure pour "violences par personnes dépositaires de l'autorité publique" et "faux en écriture publique", confiée à l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), la police des polices.

Que sait-on des policiers impliqués ?

Selon les informations de franceinfo, les fonctionnaires font partie de la brigade territoriale de contact (BTC) du commissariat du 17e arrondissement, composée de 10 à 15 hommes. Les patrouilles des brigades territoriales de contact sont le plus souvent composées de trois fonctionnaires : deux en uniforme, un en civil, conformément à ce que l'on voit sur les images diffusées par Loopsider. Les brigades territoriales de contact sont des unités composées de jeunes policiers censés rapprocher les policiers de la population, mais aussi répondre aux urgences, aller dans les quartiers "chauds" et  procéder à des interpellations.

Dans le procès-verbal rédigé par les policiers après leur intervention, et que franceinfo a pu consulter, ils affirment que l'homme interpellé "devient dangereux à leur égard", qu'il "tente à plusieurs reprises de se saisir de (leur) arme administrative" et que "vu sa force physique", ils ne parviennent pas à le maîtriser. Ils assurent aussi que Michel leur donne "des coups avec ses bras et ses jambes" et qu'il les "empêche de quitter le local" dans lequel a lieu l'interpellation. Ce que ne semble pas confirmer les images mises en ligne par Loopsider. 

Enfin, ils expliquent avoir appelé du renfort. D'autres policiers interviennent alors, dont un "qui ne fait pas partie de notre unité", précisent les trois rédacteurs, "jette une grenade lacrymogène", avant l'interpellation de Michel et des jeunes gens qui se trouvent dans le studio.

Dans quel contexte survient la publication de ces images ?

Cette affaire intervient en pleine polémique sur un projet de loi qui encadre la diffusion des images des forces de l'ordre en intervention et après l'évacuation musclée, lundi, d'un camp de migrants au cœur de la capitale. "Mon client a fait 48 heures de garde à vue de manière injustifiée sur des propos mensongers des services de police qui l'ont outrageusement violenté", a dénoncé de son côté l'avocate de Michel, Hafida El Ali. "Si nous n'avions pas les vidéos, mon client serait peut-être actuellement en prison", a-t-elle ajouté à l'AFP.

L'Assemblée nationale a voté cette semaine la proposition de loi sur la "sécurité globale", dont l'article 24 réprime d'un an de prison et 45 000 euros d'amende la diffusion de "l'image du visage ou tout autre élément d'identification" de membres des forces de l'ordre en intervention, quand elle porte "atteinte" à leur "intégrité physique ou psychique".

Ce texte, plombée par des polémiques et honnie par ses opposants, doit être examiné au Sénat. Il a suscité de vives critiques de la part des journalistes et des défenseurs des libertés, notamment pour son très controversé article 24. Le Premier ministre Jean Castex avait ainsi annoncé mardi qu'il saisirait lui-même le Conseil constitutionnel à propos de cet article.

Quelles sont les réactions politiques ?

Gauche et écologistes ont unanimement condamné ces violences. "Il est temps d'accepter de traiter le sujet du racisme dans la police, de retirer l'article 24 de la loi Sécurité globale, de rendre l'IGPN absolument indépendante pour donner à ses décisions le caractère d'impartialité qu'elle n'a pas aujourd'hui", a demandé le premier secrétaire du PS Olivier Faure sur Twitter. 

Après l'ouverture d'une enquête par l'IGPN, le numéro deux de La France insoumise Adrien Quatennens, s'adressant à Gérald Darmanin, a dénoncé "cette comédie où des policiers décident entre eux du sort de policiers ? Il faut dissoudre [l'IGPN] et la remplacer par une instance démocratique. Vous refusez de parler de violences policières mais tant qu'il y aura des images, on les verra ! Retirez la loi Sécurité globale !", a-t-il réagi. 

Idem pour le patron d'EELV Julien Bayou : "Sans les vidéos, rien ne serait sorti. Vidéos que vous voulez interdire. Pour protéger les policier-es qui exercent leur mission avec rectitude ? Ou pour assurer l'impunité de ces comportements qui déshonorent l'uniforme ?"

Le secrétaire national du PCF Fabien Roussel a quant à lui appelé à se joindre aux manifestations de samedi pour le retrait de cet article, et à "réformer la police républicaine", car "les violences policières racistes sont des réalités".

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