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jeudi 26 novembre 2020

La transition vers la panne d’électricité


 

Par Rémy Prud’homme

Rémy Prud’homme est économiste, professeur émérite des universités. Il a été Directeur-adjoint de la Direction de l’Environnement à l’OCDE, professeur invité au MIT, et consultant pour de nombreuses organisations internationales, en particulier la Banque Mondiale, et il est aujourd’hui un membre actif du comité scientifique de notre association.

Madame Pompili, ministre de la transition écologique, le reconnaît : dans les mois qui viennent, la France court le risque d’être incapable de répondre à la demande d’électricité. 

Comment ne pas penser à la célèbre phrase de Bossuet : « Dieu se rit de ceux qui se lamentent des conséquences dont ils chérissent les causes » ? 

La possibilité de la panne résulte en effet directement la politique gouvernementale de « transition » voulue par Madame Pompili et ses amis, et engagée par le gouvernement de M. Macron : fermeture de 14 centrales nucléaires en état de marche, fermeture de toutes les centrales au fioul et au charbon encore existantes, et multiplication des éoliennes.

La demande d’électricité varie – et varie beaucoup – selon le mois, l’heure de la journée, et la météorologie. Elle est maximale (plus de 90 MW) certains soirs d’hiver à 19 ou 20 h. C’est ce qu’on appelle la pointe. Le tableau 1 présente la situation lors de la pointe du 28 février 2018 à 19 heures. Elle reflète à la fois le parc d’installations électriques, et les conditions météorologiques (températures, vent) du moment. Ces conditions météorologiques ne sont évidemment pas représentatives ; mais le fait est qu’elles se sont produites, et peuvent parfaitement survenir de nouveau, en 2021 et en 2028.


Tableau 1 – Offre d’électricité à la pointe, 2018, 2028.

 
 
Sources : RTE, PPP. Note (1) : Dont : charbon (3,0 GW) ; fioul (4,0), gaz (11,9). On a supposé que la demande restait inchangée en 2028, ainsi que la puissance thermique et hydraulique.

Les deux premières colonnes se rapportent à cette pointe d’hier. Ce 28 février 2018 à 19 h, toutes les sources d’électricité (nucléaire, hydraulique, thermique, etc.) ont fonctionné au maximum de leurs capacités disponibles. Le solaire n’y figure pas : les soirs d’hiver, sa contribution est toujours égale à zéro. La puissance fournie par l’éolien était égale à 22% de la capacité théorique du parc éolien : c’est peu, mais à peine moins que le ratio moyen puissance effective sur puissance théorique de l’éolien. On a mobilisé les centrales au fioul et au charbon habituellement peu utilisées. Tout cela n’a pas suffi.

L’offre nationale a alors été inférieure à la demande nationale. On a évité de peu un effondrement du système électrique, grâce à des importations massives de pays étrangers. Encore heureux que ces pays aient été en mesure de nous vendre (à un prix probablement assez élevé) l’électricité qui nous faisait défaut.

Que se passerait-il demain si les mêmes conditions météorologiques se reproduisaient un soir de janvier ou de février 2021 ? A peu près la même chose, en pire. Nos politiciens ont en effet introduit trois changements. En fermant Fessenheim, ils ont diminué le parc, et la production, nucléaire d’environ 2 GW. Ils ont également diminué le parc de centrales au fioul et au charbon, qui offrait en 2018 une puissance de 7 GW ; On ne sait pas exactement de combien ; M. Macron s’était engagé à les fermer toutes, mais il eu la sagesse de ne pas tenir cette promesse. Enfin, le parc d’éoliennes a augmenté fortement en pourcentage, mais assez peu en valeurs absolue. Au total, le déficit serait un peu plus élevé qu’en 2018 : il s’élèverait à environ 9 GW. Les pays voisins seraient-ils en situation de le combler ? Rien n’est moins sûr. Incapable d’assurer l’offre, Madame Pompili étudie tous les moyens de réduire la demande, en arrêtant des usines et en pratiquant des micro coupures pour les ménages. On voudrait être sûr que tous les hôpitaux de France sont actuellement en train de vérifier le bon fonctionnement de leurs groupes électrogènes.

Après-demain, la situation va beaucoup se dégrader, comme le montrent les trois dernières colonnes du tableau 1, relatives à 2028. Le parc nucléaire va continuer son attrition. M. Macron s’est formellement engagé en 2017 à ce que dès 2025, l’électricité nucléaire ne représente plus que 50% (72% actuellement) de l’électricité française, ce qui implique une mise au rebut de 30% du parc, et une réduction équivalente de sa contribution à l’heure de pointe. L’éolien, selon la Programmation Pluriannuelle de l’Energie, devrait augmenter de 155% (au grand dam des habitants de la Creuse, mais rassurez-vous, pas à l’ile de Ré ni dans le Lubéron). Hélas, -30% du nucléaire de 2018 pèsent beaucoup plus lourd que +155% de l’éolien de 2018. Le trou devait dépasser les 18 GW en 2028.

Pas question de compter sur les importations pour le boucher. Il faudra construire beaucoup de centrales au gaz (qui rejettent moitié moins de CO2 que des centrales au charbon, mais infiniment plus que notre électricité actuelle). On pourra aussi réduire la consommation d’électricité : en fermant davantage d’usines, en freinant la digitalisation, ou en interdisant les véhicules électriques.

 Finalement, le plus sûr sera de faire une prière à Sainte Greta Thunberg pour qu’elle demande à Dieu (elle est au mieux avec le pape) de nous protéger des soirs d’hiver trop froids et sans vent. En attendant, on pourrait rouvrir Fessenheim.


Lire aussi le communiqué de presse du collectif Énergie Vérité

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