International
Vendredi 15 Novembre 2013 à 16:00 (mis à jour le 15/11/2013 à 16:50)
Bernard Squarcini, l'ancien patron de la DCRI : "Inconscience ou naïveté ccrminelle." Photo © MaxPPP
Exclusif. L’ancien patron du contre-espionnage français raconte dans un livre passionnant la gestion de la crise syrienne par les autorités françaises. Hollande et Fabius en prennent pour leur grade. Extraits.
Renseignement français : nouveaux enjeux, de Bernard Squarcini et Étienne Pellot — à paraître le 26 novembre —, offre un éclairage très instructif sur les arcanes de quelques grands dossiers, tout en révélant les réflexions roboratives de l’ancien patron de la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur) sur la façon dont le pouvoir gère certains dossiers. La preuve par quelques extraits sur la Syrie, « un fiasco politico-médiatique de nature à affaiblir durablement la position diplomatique de la France », écrit Squarcini.
“ Le 2 septembre 2013, le premier ministre Jean-Marc Ayrault présente aux présidents de l’Assemblée et du Sénat, des commissions des affaires étrangères et de la défense des deux chambres, ainsi qu’aux présidents des groupes de la majorité et de l’opposition, un document intitulé “Synthèse nationale de renseignement déclassifié”.
Celui-ci est censé démontrer qu’une attaque “massive et coordonnée” a été conduite dans la nuit du 21 août 2013 près de Damas, sur la Ghouta Est. […]
Les habitués de ce genre de notes savent que l’emploi trop fréquent de l’expression « nous estimons » (en l’occurrence pas moins d’une dizaine de fois) laisse entendre qu’aucun fait avéré n’est disponible et qu’on peut, par déduction ou induction, seulement produire de simples hypothèses et analyses.
La phrase « nos services ont récupéré sur le terrain… » ne peut que s’entendre de la manière suivante : les agents locaux de la rébellion nous ont transmis des échantillons…
Et lorsqu’on lit : « nos services disposent d’informations, de source nationale, laissant penser que d’autres actions de cette nature pourraient être encore conduites », on peut tout aussi bien comprendre que les grandes oreilles de la DGSE et de la DRM ont intercepté des communications allant dans ce sens, mais qu’il leur est difficile d’en attribuer avec certitude la paternité.
Enfin, lorsqu’on cite à l’appui « les renseignements crédibles de plusieurs partenaires », on ne peut que se reporter directement aux analyses des services américains, britanniques et turcs…
Ce document rassemble un faisceau d’analyses convergentes, mais sans révéler de faits nouveaux, inconnus et inédits.
En définitive, cette note de notes n’est pas conclusive et certainement pas suffisante pour fonder, de manière imparable, la nécessité de déclencher des bombardements de représailles.
De fait et plus clairement, doit-on prendre le risque d’engager un acte de guerre — sans pouvoir envisager la “guerre d’après” — sur la base d’“estimations” et de “probabilités” ?
Enfin, sur un plan strictement militaire, comment va-t-on définir et calibrer une réponse “proportionnée” et “limitée” en rapport avec l’importance et l’étendue de l’attaque chimique du 21 août 2013 ? […]
La question des vraies finalités militaires des bombardements annoncés demeure pleine et entière.
Nos amis américains ne cessent de répéter qu’il ne s’agit pas de renverser le régime. Chacun se souvient que dès juillet 2011, messieurs Obama, Cameron et Sarkozy affirmaient, haut et fort, que Bachar devait partir, comme avaient dû le faire Ben Ali et Moubarak en Tunisie et en Égypte.
Durant l’été 2012 encore, notre ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, déclarait que « Bachar al-Assad n’était pas digne d’être sur terre… »
Alors que les chancelleries régionales et occidentales savent parfaitement qu’aucune issue militaire ne peut clore la crise syrienne et qu’il faudra, tôt ou tard, revenir à la table de négociation, pourquoi devait-on alors s’engager dans cette nouvelle aventure guerrière ? […]
Depuis l’arrivée de Laurent Fabius au Quai d’Orsay, tous les ponts ont été coupés avec Damas parce que Paris mise sur la chute du régime.
Calcul hasardeux ! Non seulement Bachar al-Assad est toujours là, mais il est ressorti renforcé de la crise diplomatique internationale déclenchée par l’usage d’armes chimiques lors d’une bataille dans la région de Damas le 21 août 2013, avec un soutien russe.
La gestion de la crise syrienne par la diplomatie française défie toutes les logiques sans que l’on comprenne très bien à quelle motivation répond notre diplomatie, et surtout, au bénéfice de quels intérêts ! […] ...Lire la suite...
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“ Le 2 septembre 2013, le premier ministre Jean-Marc Ayrault présente aux présidents de l’Assemblée et du Sénat, des commissions des affaires étrangères et de la défense des deux chambres, ainsi qu’aux présidents des groupes de la majorité et de l’opposition, un document intitulé “Synthèse nationale de renseignement déclassifié”.
Celui-ci est censé démontrer qu’une attaque “massive et coordonnée” a été conduite dans la nuit du 21 août 2013 près de Damas, sur la Ghouta Est. […]
Les habitués de ce genre de notes savent que l’emploi trop fréquent de l’expression « nous estimons » (en l’occurrence pas moins d’une dizaine de fois) laisse entendre qu’aucun fait avéré n’est disponible et qu’on peut, par déduction ou induction, seulement produire de simples hypothèses et analyses.
La phrase « nos services ont récupéré sur le terrain… » ne peut que s’entendre de la manière suivante : les agents locaux de la rébellion nous ont transmis des échantillons…
Et lorsqu’on lit : « nos services disposent d’informations, de source nationale, laissant penser que d’autres actions de cette nature pourraient être encore conduites », on peut tout aussi bien comprendre que les grandes oreilles de la DGSE et de la DRM ont intercepté des communications allant dans ce sens, mais qu’il leur est difficile d’en attribuer avec certitude la paternité.
Enfin, lorsqu’on cite à l’appui « les renseignements crédibles de plusieurs partenaires », on ne peut que se reporter directement aux analyses des services américains, britanniques et turcs…
Ce document rassemble un faisceau d’analyses convergentes, mais sans révéler de faits nouveaux, inconnus et inédits.
En définitive, cette note de notes n’est pas conclusive et certainement pas suffisante pour fonder, de manière imparable, la nécessité de déclencher des bombardements de représailles.
De fait et plus clairement, doit-on prendre le risque d’engager un acte de guerre — sans pouvoir envisager la “guerre d’après” — sur la base d’“estimations” et de “probabilités” ?
Enfin, sur un plan strictement militaire, comment va-t-on définir et calibrer une réponse “proportionnée” et “limitée” en rapport avec l’importance et l’étendue de l’attaque chimique du 21 août 2013 ? […]
La question des vraies finalités militaires des bombardements annoncés demeure pleine et entière.
Nos amis américains ne cessent de répéter qu’il ne s’agit pas de renverser le régime. Chacun se souvient que dès juillet 2011, messieurs Obama, Cameron et Sarkozy affirmaient, haut et fort, que Bachar devait partir, comme avaient dû le faire Ben Ali et Moubarak en Tunisie et en Égypte.
Durant l’été 2012 encore, notre ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, déclarait que « Bachar al-Assad n’était pas digne d’être sur terre… »
Alors que les chancelleries régionales et occidentales savent parfaitement qu’aucune issue militaire ne peut clore la crise syrienne et qu’il faudra, tôt ou tard, revenir à la table de négociation, pourquoi devait-on alors s’engager dans cette nouvelle aventure guerrière ? […]
Depuis l’arrivée de Laurent Fabius au Quai d’Orsay, tous les ponts ont été coupés avec Damas parce que Paris mise sur la chute du régime.
Calcul hasardeux ! Non seulement Bachar al-Assad est toujours là, mais il est ressorti renforcé de la crise diplomatique internationale déclenchée par l’usage d’armes chimiques lors d’une bataille dans la région de Damas le 21 août 2013, avec un soutien russe.
La gestion de la crise syrienne par la diplomatie française défie toutes les logiques sans que l’on comprenne très bien à quelle motivation répond notre diplomatie, et surtout, au bénéfice de quels intérêts ! […] ...Lire la suite...
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