Ou quand la Justice tient la main des délinquants... Récit d'une journée de comparutions.
Les maillots de foot qu’ils arborent pour la plupart ne laissent guère de doute sur les raisons de leur présence, ce mardi 3 juin, devant la 23e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Les sept premiers prévenus, jugés en comparution immédiate, étaient tous dans les rues de la capitale, dans la nuit du samedi 31 mai au dimanche 1er juin, après la victoire du club parisien qui a viré au chaos.
Les faits qui leur sont reprochés se ressemblent sensiblement. L’air incrédule qu’ils affichent aussi. Naïfs, penauds et surtout désorientés, les plus jeunes semblent se demander ce qu’ils font là. Pourtant, les motifs de leur présence sur le banc des accusés ne sont pas anodins : coups, injures, outrages, rébellion lors d’interpellations. Tous sont accusés de s’en être pris aux forces de l’ordre, à l’exception d’un seul, poursuivi pour tentative de vol aggravé en réunion.
Justice pénale ou rappel à l’ordre ?
La détention, même brève, semble les avoir éprouvés. Mais ils peuvent compter sur la bienveillance de la magistrate, qui ne prononcera qu’une seule peine de détention. Quatre mois. Sans doute une tentative d’exemplarité. Suffisamment pour indigner dans un murmure la salle d’audience.
Dans cette salle d’audience, rares sont ceux, d’ailleurs, qui paraissent comprendre la gravité de leur présence. « Je m’attendais à recevoir une simple convocation », s’étonne naïvement Hugo M., 24 ans, accusé d’avoir attaqué des agents et tenté de s’emparer de l’arme de l’un d’eux. Un prévenu, pourtant en situation irrégulière et visé par une OQTF depuis 2023, reconnu dans un cambriolage en bande, explique par l'intermédiaire de son interprète qu’il voulait juste « une enceinte pour écouter de la musique ». Il repart libre, avec six mois de sursis et quelques centaines d’euros de dommages et intérêts à verser au propriétaire de la boutique qu’il a participé à dévaster.
Quand la Justice tient la main des délinquants
« Selon vous, comment cette soirée aurait-elle dû se passer ? » À cette question de la magistrate, le casier vierge d’un jeune homme de 19 ans plaide pour l’erreur de jeunesse, un moment d’égarement dans l’euphorie de la victoire. C’est ce que semble essayer de lui faire reconnaître la juge qui interroge le mis en cause pour détention de matériel explosif et coups portés à l’encontre d’une personne dépositaire de l’autorité publique. « J’aurais jamais dû ramasser les mortiers. » Elle l’aide un peu. « Et encore ? » « J’aurais pas dû partir en courant. » Ensemble, ils conviennent que « c’était une super mauvaise idée de ne pas se laisser faire lors de l’interpellation ». Une « super mauvaise idée » qui lui vaudra dix mois de prison, dont seulement cinq mois ferme sous bracelet électronique. Il évite quand même la détention.
C’est peut-être ce qui frappe le plus : cette manière de parler aux
prévenus comme à des adolescents mal encadrés et de les traiter comme
tels. On les pousse à regretter, on les aide à formuler leurs remords,
on leur souffle les mots. Lorsqu’un prévenu frappe un policier, il
semble que l’essentiel soit de reconnaître que ce n’était « pas très malin ». La juge préfère visiblement accompagner ces « jeunes plutôt bien insérés » que les punir. Résultat : un peu de prison ferme, beaucoup de sursis, quasiment pas de détention et deux relaxes. Alors que Bruno Retailleau déclarait, ce mardi : « Tu casses, tu paies ! », il semble que ceux qui ont cassé lors de la victoire du PSG ne paieront finalement pas grand-chose…
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