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lundi 10 juillet 2023

[Point de vue] Police de proximité, service militaire, vieilles lunes de retour


 

 Frédéric Sirgant 9 juillet 2023

Après les émeutes et leur effet de sidération, on constate deux réactions opposées mais tout aussi inopérantes : soit on se laisse du temps pour traiter les questions de fond (dixit Olivier Véran pour l'attentisme d'Emmanuel Macron), soit on se raccroche à de vieilles idées toutes faites et plébiscitées par les Français. 

Parmi celles-ci, outre l'éternel plan banlieues, qui commence à juste titre à hérisser les Français, deux tiennent toujours la corde : le retour de la police de proximité dans les banlieues et celui du service militaire.

Après ces journées d'émeutes historiques qui ont enflammé toute la France mettant en cause des milliers de jeunes de banlieue issus de l'immigration, le retour de ces deux institutions semble particulièrement approprié. La première permettrait de recréer un lien, aujourd'hui abîmé (euphémisme) entre jeunes de banlieue et policiers ; elle est souhaitée par 90 % des Français, selon le sondage Odoxa pour Le Figaro, qui enregistre aussi une très forte demande de fermeté en matière migratoire et sécuritaire. Le second serait censé retisser le lien entre ces mêmes jeunes et la France, tout en cadrant ces jeunes en déshérence, sans père : c'est l'argument donné par le député RN de la Somme Jean-Philippe Tanguy sur BFM, vendredi. C'était aussi la proposition de Michel Barnier lors de sa candidature aux primaires LR, il y a deux ans. La mesure est également populaire : 66 % des Français en 2019, 74 % en 2016.

Comment expliquer que l'opinion et une partie de la classe politique se raccrochent à ces deux totems ? Il y a d'abord un effet nostalgie, celle d'une époque où la société française n'était pas fracturée comme elle l'est aujourd'hui. Ce sont ensuite deux mesures consensuelles, de gauche et de droite, si l'on regarde leur origine historique. Ou, plutôt, ce sont les seules déclinaisons d'institutions acceptables tant à droite qu'à gauche, même si la police de proximité est plutôt marquée à gauche (d'avant Sandrine Rousseau, bien sûr).

Pourtant, le tournant historique que nous vivons avec ces émeutes doit donner un coup de grâce définitif à ces fausses bonnes idées. Rien ne serait pire que de laisser croire que ces illusions sont la solution. On pouvait peut-être y rêver avant, mais durant ces journées terribles, la société française des jeunes de banlieue a montré son vrai visage à ceux qui ne voulaient pas encore le voir.

En fait, pour la police de proximité comme pour le service militaire, nous n'avons plus ni le temps, ni les hommes, ni l'argent.

Le contexte de 2023 qui explose à la figure de dirigeants inconscients est celui d'une guerre de haute intensité en Europe et d'émeutes urbaines sur tout le territoire. Face à ce double danger et une situation de tension durable comme nous n'avons pas connu depuis très longtemps, la France a besoin de forces armées et d'une police ultra-professionnelles efficaces, réactives, prêtes au combat. Ce n'est certainement pas le moment de revenir sur cette doctrine. Il est, au contraire, grand temps de renforcer ces deux institutions, comme semble l'avoir compris Emmanuel Macron (pour l'armée, en tout cas, avec la nouvelle loi de programmation militaire), sous la pression des faits. Mais aussi de les préserver de l'intrusion d'éléments potentiellement subversifs.

Par ailleurs, police de proximité comme service national étaient des dispositifs coûteux en hommes et en argent qu'une France à 3.000 milliards de dette ne peut plus se permettre.

Enfin, l'argument philosophique et social majeur invoqué en leur faveur ne tient pas : l'une et l'autre étaient et seraient censés reconstituer le creuset national. Mais qui pense sincèrement qu'un policier de proximité ou qu'une année de service seraient adaptés pour des individus dont le refus d'obtempérer est le quotidien et le tir de mortier sur les commissariat un loisir de choix ? Jean-Philippe Tanguy est un jeune député qui n'a donc pas fait son service militaire. Votre serviteur fit partie des dernières classes d'âge à en bénéficier : à une époque où la société française était encore relativement homogène... Tout ça pour dire que ce ne sont pas ces institutions qui fabriquaient ou fabriqueront le creuset national, mais l'inverse : une police de proximité dans un quartier ou un service militaire vraiment universel n'étaient possibles que dans une société culturellement homogène. L'immigration massive et le séparatisme qu'elle a engendré les ont rendus illusoires.

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